Nous allons entamer cette nouvelle année en passant en revue les grandes tendances qui vont dominer 2016 en matière de recherche médicale, un domaine que je chéris tout particulièrement. Evidemment, cet intérêt n’est pas complètement désintéressé puisque c’est aussi dans ces secteurs que nous allons investir dans les mois qui viennent.
Le copier-coller génétique
De l’avis assez général, une des principales avancées de la recherche médicale de 2015 fut la technologie CRISPR : une technologie d’édition des gènes qui promet énormément — peut-être un peu trop d’ailleurs. De la lutte contre le cancer, les maladies dégénératives, différents virus (comme le HIV) tout un tas de maladies orphelines et même — rêvons un peu — les effets de l’âge sur notre corps. Si vous voulez en savoir plus sur CRISPR, je vous renvoie à la série d’articles que j’avais consacrée à cette technologie révolutionnaire (ici et là).
2015 a été l’année de la reconnaissance auprès du grand public pour cette technologie. Des milliers de laboratoires à travers le monde se sont emparés de CRISPR, pour un peu tout et n’importe quoi. Cette technique, il est vrai très simple et peu coûteuse d’édition de gènes, a soulevé non seulement un immense espoir mais de tout aussi immenses craintes et débats.
Car éditer des gènes, cela signifie — potentiellement — le pouvoir de modifier en profondeur l’ADN d’un être humain mais aussi toute sa descendance. Nous touchons là la possibilité de modifier définitivement et de manière héréditaire l’ADN humain, avec toutes les dérives imaginables que cela implique.
2016 devrait donc voir ces deux tendances de poursuivre. D’un côté, le fourmillement de la recherche avec, du moins nous pouvons l’espérer, des résultats concluants non seulement in vitro mais aussi in vivo. De l’autre, un nécessaire débat, et peut-être même de nouvelles législations encadrant ces découvertes.
Plusieurs sociétés se sont lancées dans l’exploitation du filon CRISPR mais pour les investisseurs prudents que nous sommes, un peu de retenue est encore nécessaire. Et ce pour deux principales raisons. Premièrement, la découverte du potentiel de CRISPR est très récente et les biotechs qui travaillent sur cette technique le sont dans l’ensemble tout autant — et non cotées.
Deuxièmement, parce qu’une bataille de brevets vraiment complexe et potentiellement financièrement dangereuse s’est engagée entre les différentes équipes — et sociétés — menant des recherches sur le CRISPR.
Dans les mois qui viennent, il faudra donc surveiller de près la conclusion de cette bataille de brevets mais aussi les partenariats/rachats/financements de gros labos pharmaceutiques dans les biotechs travaillant sur CRISPR. Je ne serai pas étonnée que le secteur se réorganise cette année et que nous puissions, dans quelques mois, investir sur cette technologie sans prendre de risques inconsidérés.
CRISPR, retenez-bien cet acronyme, car vous allez en entendre parler en 2016.
L’immunothérapie : envoyer notre corps au combat
Autre domaine de la recherche qui devrait exploser en 2016 : celui de l’immunothérapie. Là encore, pour les bases, je vous renvoie aux articles que j’ai consacrés à ces thérapies (ici et là) mais, pour résumer, disons que l’immunothérapie repose sur l’utilisation du système de défense de notre corps pour développer des médicaments contre un spectre très large de maladies, allant des maladies auto-immunes, au cancer en passant par certaines infections virales.
Le potentiel est impressionnant et les premiers médicaments sont déjà sur le marché.
Voici ce qu’en dit Ray Blanco, dans NewTech Insider :
Dans le domaine des traitements liés au cancer — un secteur qui m’intéresse énormément –, la prochaine grande évolution est clairement l’immunothérapie.
C’est une façon radicalement nouvelle de traiter le cancer car à la place de traitements nocifs qui rendent le patient malade et l’affaiblissent tout en tentant de le guérir, ces nouveaux traitements s’appuient sur le système immunitaire du malade et lui apprennent à combattre lui-même la maladie. Et, en gros, en utilisant nos propres défenses naturelles, notre corps peut apprendre à faire le même travail que les actuelles chimiothérapies — sans les effets secondaires !
Ce qui me semble vraiment intéressant avec l’immunothérapie c’est que ce terme ne recouvre pas une seule et unique technique mais plusieurs qui, en outre, peuvent être associées avec d’autres thérapies — par exemple, pour le traitement d’un cancer, avec de la radiothérapie et de la chimiothérapie. L’utilisation de l’immunothérapie combinée avec ces techniques permet d’en augmenter très sensiblement l’efficacité mais aussi d’en réduire les effets secondaires. Or vous savez que la question de ces effets est tout sauf secondaires pour les patients.
L’immunothérapie est donc une arme multifonction contre le cancer — et c’est ce qui fait toute sa valeur.
Pour les investisseurs que nous sommes, investir dans le domaine s’avère beaucoup plus simple que dans le cas du CRISPR. De grandes pharmas mais aussi des biotechs de tailles variées misent énormément sur l’immunothérapie. Comme je vous le disais un peu plus tôt, le gros avantage, c’est que plusieurs traitements d’immunothérapie ont été autorisés aux Etats-Unis et en Europe, et des dizaines d’autres devraient l’être dans les mois qui viennent.
L’impression 3D s’empare de notre corps
Autre domaine qui est dans mon viseur pour 2016, l’impression 3D applicable au domaine de la santé. Ces technologies s’inspirent des techniques d’impression 3D qui permettent d' »imprimer » des objets, en 3D, couche par couche, selon le principe de la fabrication additive. Ces technologies se sont imposées dans le prototypage, l’industrie et, progressivement, auprès du grand public, mais pourraient créer une véritable révolution médicale.
Le recours à l’impression 3D fait son chemin dans deux domaines. Premièrement, celui de l’impression de prothèses et autres implants sur-mesure. La chirurgie orthopédique commence à s’emparer de ces techniques pour créer, par exemple, des prothèses de hanche ou de genoux parfaitement adaptées à chaque patient.
L’industrie dentaire est elle aussi très intéressée et passe de la théorie à la pratique.
L’impression 3D pourrait aussi trouver de nouveaux domaines d’application dans le cadre de la chirurgie crânienne et faciale. En mars 2014, une première patiente a vu son crâne remplacé par une prothèse en 3D. Depuis, quelques autres essais de ce genre ont été réalisés et ont démontré le potentiel de la technique d’impression 3D de prothèses et implants.
L’autre terrain de jeu de l’impression 3D, ce sont les cellules et les tissus mous. A terme, et en rêvant un peu, nous pourrions envisager l’impression 3D de nouveaux organes, à partir de nos propres cellules, permettant ainsi des greffes parfaitement compatibles et surtout résolvant le problème de l’attente d’un greffon disponible.
Techniquement, les chercheurs sont encore loin de pouvoir réaliser ce tour de force mais certaines très récentes avancées en matière d’impression de cellules et de tissus laissent entrevoir tout le potentiel de la bio-impression. Ces derniers mois, différentes équipes sont parvenues à imprimer de la peau humaine, des tissus hépatiques (du foie), des bouts de cartilage et même d’artères.
A suivre, pour investir !
[NDLR : les avancées médicales les plus prometteuses, les biotechs à ne pas manquer, les nouvelles technologies dont nous ne pourrons plus nous passer demain…. toutes sont à retrouver dans NewTech Insider, sous la houlette de Ray Blanco.]