Même si les voitures me laissent en général assez indifférente, ce n’est certainement pas le cas de Volkswagen. Je dois dire que je suis fascinée par l’ampleur de la fraude, et par ses conséquences en cascade.
Comment a-t-on pu laisser 11 millions de voitures sortir de l’usine équipée d’un logiciel aussi manifestement illégal ? Pourquoi personne n’a pensé que la fraude allait forcément être découverte à un moment ou un autre ? C’est fascinant de voir à quel point de (très) mauvaises décisions peuvent être prises et que les responsables puissent penser passer entre les mailles du filet et n’être jamais découverts.
Au-delà de cette histoire de logiciels permettant de falsifier les tests de normes antipollution, l’affaire Volkswagen pose plusieurs questions aussi bien sur l’avenir du constructeur allemand que celui de l’industrie automobile européenne en général. Petit jeu de questions/réponses sur l’affaire VW.
1. Volkswagen est-il mort ?
A première vue, le constructeur allemand est dans une position extrêmement difficile. A la seconde aussi d’ailleurs. Sa capitalisation boursière s’est effondrée de 35% en quelques jours.
Au-delà de l’aspect boursier, Volkswagen va devoir payer une très lourde facture, et tout d’abord financièrement. Je vous le disais, au moins 11 millions de véhicules ont été équipés du fameux logiciel. La direction a déjà prévu 6,5 milliards d’euros de provisions pour le prochain trimestre et les amendes et autres compensations financières vont très certainement lourdement grever les bénéfices du constructeur dans les années qui viennent.
A plus long terme, le constructeur allemand, qui communique depuis des décennies sur des valeurs de qualité, fiabilité et plus récemment de respect de l’environnement, va voir son image de marque durablement écornée.
Malgré tout, on a déjà vu des marques sortir de l’enfer des marques les plus détestées de la planète grâce à une excellente communication. Pensez à Total ou plus récemment BP.
La comparaison avec BP est d’autant plus intéressante que plusieurs circonstances sont identiques ou fortement similaires : des entreprises européennes, un scandale qui se déroule sur territoire américain, et qui concerne l’environnement.
Après l’explosion de la plateforme de Deepwater en avril 2010, le cours de BP a plongé, passant de 640 livres à 304 livres. 6 mois plus tard, le cours s’était repris de 65% à 500 livres. Depuis, surtout, BP a tout fait pour faire oublier Deepwater. Le manque de mémoire collective a fait le reste.
Les majors pétrolières ne sont pas les seules à avoir dû faire front au scandale au cours des années. Qui se souvient encore de l’affaire du faux espionnage industriel de Renault en 2012, et qui avait entraîné la démission du n°2 du groupe ? Ou encore des 12 millions de véhicules que Toyota a rappelés en 2009 et 2010 après plusieurs accidents impliquant ses modèles ?
Une entreprise peut survivre au scandale, parfois même en profiter. En attendant, les têtes de boucs plus ou moins émissaires vont continuer à tomber chez VW…
2. Des victimes collatérales à déplorer ?
Nous en sommes au tout début de l’affaire mais disons que nombre de constructeurs automobiles pourraient être impliqués dans le scandale.
Commençons par les faits. Seat, Audi et Sköda, trois des marques appartenant au groupe Volkswagen, ont elles aussi vendu des voitures équipées du moteur truqué. Les conséquences financières pourraient rapidement s’alourdir : le gouvernement espagnol pourrait demander à Seat de rembourser les aides financières versées par l’Etat pour soutenir l’achat de véhicules moins polluants.
Mais l’affaire pourrait aller encore plus loin. Le silence de la plupart des concurrents européens de VW laisse à penser que l’Allemand n’était peut-être pas le seul constructeur à pratiquer quelques arrangements avec la réalité. Jeudi dernier, le titre BMW s’effondrait sous le poids de rumeurs évoquant des manipulations de ses propres moteurs. Rumeur non confirmée mais symptomatique de l’état de suspicion qui entoure maintenant les moteurs diesel.
L’éclatement du scandale VW a mis en lumière les très particulières conditions dans lesquelles étaient pratiqués les tests de pollution. Des tests réalisés en laboratoire avec des voitures très soigneusement préparées pour limiter au minimum les émissions de gaz à effets de serre et autres polluants.
Au final, c’est toute l’industrie automobile européenne qui a misé sur le moteur diesel qui est aujourd’hui dans l’oeil du cyclone alors que chaque gouvernement annonce enquêtes, tests supplémentaires et peut-être même interdiction. Le diesel propre apparaît pour ce qu’il est : une très belle opération marketing qui ne repose sur aucune réalité. Et alors que les questions de pollution atmosphérique, tout particulièrement dans les villes, font régulièrement la une, aussi bien en Europe (en janvier dernier, Anne Hidalgo, la maire de Paris, évoquait déjà une interdiction totale des motorisations diesel dans la capitale) que dans toutes les grandes agglomérations mondiales, les moteurs diesel semblent de crédibles victimes expiatoires.
Des marques européennes comme VW, Renault ou Peugeot risquent donc de payer un choix stratégique fait il y a plusieurs années déjà : celui de promouvoir le diesel « propre » (hum, hum) plutôt que les motorisations, hybrides, électriques ou hydrogène.
3. A qui profite le crime ?
Intéressante question. Commençons par noter que le scandale VW a éclaté aux Etats-Unis, un pays traditionnellement peu converti au diesel. La stratégie de VW pour y gagner des parts de marchés et imposer ses motorisations diesel était de faire campagne sur des arguments environnementaux. Le « diesel propre » devait permettre au constructeur allemand de s’imposer outre-Atlantique. Il va lui falloir changer de stratégie pour retenter sa conquête de l’Amérique. En attendant, c’est une concurrence en moins pour les constructeurs américains…
Le crime pourrait aussi profiter à toutes les marques qui ont privilégié d’autres motorisations que le diesel, ou même les moteurs à essence classique. Parmi eux, la marque coréenne comme Hyundai qui, en début d’année, annonçait investir 8,3 milliards d’euros dans le développement de modèles électriques et hybrides. Ou encore le Japonais Toyota qui s’est imposé comme un leader mondial de l’hydride et investit maintenant pour promouvoir les voitures à hydrogène — qui, je vous le rappelle, émettent… de la vapeur d’eau !
Le constructeur américain de voitures électriques Tesla pourrait lui aussi bénéficier des déboires de VW. Un véritable boulevard marketing et publicitaire s’ouvre devant ces marques qui ont choisi des motorisations beaucoup moins polluantes.
L’affaire VW pourrait en outre inciter les gouvernements à privilégier les aides financières aux moteurs électriques ou à hydrogène. Et enfin soutenir le développement de ces motorisations.