Après avoir perdu plus d’un million de dollars par semaine au cours de l’été 2000, j’ai dû vendre mon appartement.
Alors, un jour de 2002, tous mes cartons furent terminés et l’appartement vidé. Deux camions de déménagement nous attendaient en bas, j’allais emménager à une heure au nord de la ville.
C’était comme un exil. Je n’avais plus d’estime de moi-même, plus d’appartement, je n’avais pas dormi une nuit complète depuis presque trois ans.
Mon ex-femme, mes deux petites filles et Lynne, une amie proche de la famille qui nous aidait à déménager, jetèrent un dernier coup d’oeil à l’appartement. « Oh mon dieu, dit Lynne. On en est vraiment là. »
Il s’est passé beaucoup de choses en 17 ans, des bonnes et des mauvaises choses (surtout bonnes). Hier, sur Quora, quelqu’un a posé la question : « Qu’est-ce que ça fait d’être riche ? » Je me suis dit que je répondrais en me basant sur ce que j’avais vécu avant l’an 2000, que je parlerais de la décennie 2000-2010 une autre fois.
Beaucoup de gens ont commencé à répondre à la question posée en énumérant tout ce qu’ils avaient pu acheter. L’argent n’a jamais été une vraie question pour moi, ni à l’époque, ni maintenant.
Il n’y a jamais rien eu que je veuille particulièrement acheter (à part le dernier iPad !). Je suis minimaliste.
Si vous me connaissiez, vous verriez que je n’ai aucun goût pour m’habiller et que les ourlets de mon pantalon sont effilochés. Je n’ai pas de costume. Je n’ai pas le permis de conduire, donc pas de voitures de luxe. Je préfère les bandes dessinées aux tableaux. Je n’aime pas prendre l’avion ou le bateau. Je ne bois pas beaucoup de vin et je ne sors pas beaucoup au restaurant.
Alors, être riche, qu’est-ce que ça signifiait pour moi à l’époque ?
L’ADN
Je me sentais enfin assez bien dans ma peau pour envisager d’avoir des enfants, de transmettre mes gènes.
Je n’avais jamais voulu avoir d’enfants avant ça. Apparemment, c’est lié à l’évolution, à un moment donné, nous ressentons une forte envie d’avoir une descendance.
Je n’avais jamais ressenti cela auparavant, mais le fait d’avoir une somme d’argent importante m’a en quelque sorte autorisé à vouloir avoir des enfants.
La sécurité
Pendant un court instant, je me suis senti « en sécurité » – comme si rien ne pouvait me faire de mal, comme si je pouvais vivre éternellement.
En 1999, j’ai rendu visite au président d’une société dont j’étais actionnaire. J’étais à Los Angeles et il est venu me chercher à l’hôtel dans sa dernière Porsche. Il m’a fait visiter sa maison gigantesque. Quand nous nous sommes assis, il m’a dit : « J’ai tellement d’argent maintenant que rien ne peut m’atteindre. »
Un an plus tard, il a développé un cancer. Après s’être battu contre la maladie pendant des années, le pronostic empira ; il a fini par se suicider.
J’ai appris la nouvelle par sa femme, qui a prévenu toutes les personnes qui se trouvaient dans son carnet d’adresses. Ce n’est pas censé être une leçon. L’argent a ses avantages, mais l’immortalité n’en fait pas partie.
Voici un autre exemple. Un de mes amis dirigeait un site sur les jeux vidéo qui rencontrait un beau succès et avait dans l’intention de le vendre.
Je lui ai présenté un type qui avait réussi et que j’avais connu à Wall Street. Mon ami et moi étions assis là et le gars nous disait : « Regardez-moi ! Il y a dix ans, j’étais un plouc. Maintenant, je suis à la tête de 100 millions de dollars. Ҫa, c’est l’Amérique, n’est-ce pas ? »
Environ deux ans plus tard, il était au centre d’une vaste opération menée par le FBI car il avait créé une société de courtage en devises qui n’avait fait qu’empocher l’argent des investisseurs depuis les années 70. Il est allé en prison.
L’insuffisance
Mon sentiment de sécurité et d’immortalité a rapidement cédé la place à un sentiment d’insuffisance.
Après tout, je me suis dit que si je pouvais gagner 10 millions de dollars, c’est que ça devait être trop facile.
En fait, je pensais honnêtement que tous les autres avaient probablement déjà gagné 11 millions de dollars. Alors je me suis senti de nouveau pauvre. Maintenant, il me fallait 100 millions de dollars pour être heureux. J’étais en voiture avec un ami et sa femme. J’ai dit : « Tout le monde a 10 millions de dollars maintenant. »
Elle a répondu sur-le-champ : « Pas tout le monde. »
La valeur de l’argent
J’ai réalisé (trop tard, mais cela m’a beaucoup appris) que je n’avais pas conscience de la valeur de l’argent. Je n’avais jamais eu aucune idée de ce que l’argent représentait. Auparavant, mes objectifs consistaient à jouer à des jeux, faire des sites Internet amusants ou écrire des romans.
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Maintenant, mon seul but était l’argent, l’argent et encore l’argent. En 2001, j’ai dit à ma thérapeute de l’époque : « Perdre de l’argent, c’est comme perdre un être cher. » Et elle m’a répondu : « Il semble bien que vous n’ayez jamais vraiment perdu un être cher auparavant. »
L’argent est une bonne chose. C’est le fruit d’un travail acharné, d’une grande chance (souvent méritée) et il vous permet de faire des choses étonnantes. Vous pouvez créer de nouvelles entreprises, des emplois et acheter votre indépendance. Mais vous devez d’abord surmonter de nombreux obstacles, et gagner de l’argent n’est que le premier. Il n’existe pas grand-chose de mieux que le fait de gagner beaucoup d’argent.
Mais l’argent ne trouve sa place que là où il est apprécié. Je n’ai pas apprécié l’argent. Alors il m’a quitté.
En 2002, nous étions dans la voiture, en route vers notre nouvelle maison et une tempête de neige sévissait. J’avais envie de pleurer, je me sentais tellement mal face à cette situation. Le fait de penser à tout ça, c’en était trop. Pendant un bref instant, j’ai regardé la neige et je me suis souvenu de ce que c’était que d’être un enfant. Sentir la première neige de l’année sur le bout de ma langue.