Les prélèvements sociaux sur les contrats d’assurance-vie multi-supports bientôt en examen devant le Conseil constitutionnel.
Peut-être la fin du prélèvement annuel ?
L’assurance-vie : produit miracle pour tous les épargnants !
L’assurance-vie est le placement préféré des Français. Ce produit demeure l’un des derniers havres de paix juridiques et fiscaux.
Il permet en effet :
- de s’affranchir un peu des rigidités de la réserve héréditaire prévue à l’article 912 du Code civil ce qui, dans le contexte des familles recomposées, peut s’avérer utile pour protéger le deuxième conjoint,
- de réduire sensiblement la ponction fiscale avec des exonérations d’impôt sur les plus-values (produits) générés par le contrat, et surtout d’échapper aux droits de succession qui entre non-parents ou parents éloignés (oncle / tante <=> neveux et nièces) caracolent respectivement à 60% et 55% sur le capital transmis suivant l’article 777 du Code général des impôts (CGI).
Le tout intervenant sur fond de sécurité financière importante puisque :
- les primes acquittées et placées sur des fonds en Euros (eux-mêmes adossés à des emprunts d’Etat) sont toujours disponibles, sauf hypothèse d’un défaut de paiement étatique entraînant un bank run généralisé et l’application en urgence de l’article 612-33, I-7° du Code monétaire et financier (CMF) permettant de suspendre les opérations de rachat et d’arbitrages ;
- et aussi à l’abri du risque de taux. Car comme l’on sait, lorsque les taux d’intérêt remontent, les obligations émises auparavant à un taux d’intérêt inférieur voient leur cours s’ajuster à la baisse sur le marché obligataire secondaire. Mais pas ici avec l’assurance-vie, sous réserve que la compagnie d’assurance-vie ne fasse pas faillite elle aussi !
Mais l’Etat est là pour taxer les assurés de plus en plus…
De leur côté, les compagnies d’assurance ont perfectionné leurs produits : aux classiques contrats ne comportant qu’un fonds en Francs (puis en Euros depuis 2002) que l’on a appelé les « mono-supports », se sont adjoints les contrats multi-supports comportant un fonds en Euros et des unités de comptes (UC) investies sur des actifs aussi divers (actions françaises et/ou étrangères, obligations) que risqués (matière premières industrielles et/ou alimentaires, marchés émergents même « exotiques », nouvelles technologies, biotechs etc.)…
Pas étonnant que devant un tel engouement l’Etat, tel un requin toujours avide de ressources, se soit intéressé à ce placement… et le taxe. De plus en plus. Depuis 1981, les attaques des majorités successives n’ont pas faibli ! Faisons un peu de paléo-fiscale.
- En 1981, l’article 757 B du CGI fait son irruption et prévoit qu’au-delà de 70 ans, les primes versées sont limitées à 30 500 € et qu’au-delà, les droits de succession s’appliquent. Vous me direz, il suffit de souscrire et d’alimenter avant cette limite fatidique. Oui mais voilà…
- En 1998, un certain DSK lance sa réforme et naquit ainsi l’article 990 I du CGI qui institua un nouveau prélèvement de 20% sur la part des capitaux versés excédant 150 000 €.
- L’aboutissement (à moins qu’il ne s’agisse que d’une simple étape dans cette tendance effrénée de matraquage fiscal ?) survint en 2013 où l’actuelle majorité rajouta une couche avec désormais un barème progressif du prélèvement sui generis institué en 1998 : 20% jusqu’à 700 K€ puis 31,25% au-delà (article 9 de la loi de finances rectificative pour 2013 n°2013-1279 du 29 décembre 2013.
1 450 % d’augmentation en 25 ans ! Qui dit mieux ?
Quant aux prélèvements sociaux, ils ont fait leur apparition à la fin des années 80. Au début timides (CSG à 1% de Michel Rocard), ils ont explosé depuis car tous les gouvernements ayant besoin de recettes les ont augmentés, et désormais ils s’établissent à 15,5% ! Soit 1 450 % d’augmentation en 25 ans ! Qui dit mieux ?
Et là pas moyen de les amoindrir : point de seuil de taxation, d’abattement quantitatif ou pour durée de détention : dès le premier cent d’euros de bénéfice (produit) ils s’appliquent implacablement.
Mais comme la loi fiscale n’est pas rétroactive, petit à petit, par la stratification de normes nouvelles, ceux qui ont des « vieux contrats » se sont retrouvés avec ce que les spécialistes de la gestion de patrimoine appellent des « pépites fiscales » : l’antériorité étant préservée, tout ce qui a été placé avant les dates couperet que nous venons d’évoquer échappent aux taxations nouvellement créées.
Quand le mauvais génie fiscal va trop loin…
Pour autant, si le cas des contrats mono-support est simplissime – tout produit (gain) est définitivement capitalisé en vertu d’un effet de cliquet et constitue un gain taxable au fil de l’eau – il en va tout autrement des assurances multi-supports !
Si l’on constate des plus-values cette année, elles ne présentent qu’un caractère de plus-values latentes. L’équité commandait alors de ne taxer qu’à la fin, si éventuellement un gain global et final était constaté, tous supports confondus lors :
- d’un rachat partiel ou total : l’assureur-vie réglant les sommes en agrégeant ce qui reste des supports Euros et Unités de Compte à l’assuré-souscripteur
- ou bien d’un dénouement survenant par le décès de l’assuré : l’assureur-vie virant les fonds à son ou ses bénéficiaires.
Alors les conseillers financiers pensèrent avoir trouvé la parade : au fond, selon eux, il suffisait de souscrire un contrat multi-supports comprenant un fonds en Euros, puis d’alimenter avec des primes uniquement alloties sur le fonds en Euros, et le tour était joué ! On ne les payait pas aussi longtemps que l’on était vivant, et si précisément le contrat se dénouait par le décès de l’assuré, alors les bénéficiaires y échappaient purement et simplement de sorte qu’un contrat souscrit dans une optique de transmission pouvait facilement passer à travers les mailles du filet !
Las ! Le triomphe des assurés (et aussi de leurs conseillers financiers qui conseillaient cette « combine » à tour de bras !) fut de courte durée. Parce qu’en vertu de ce vieil adage de Droit constitutionnel « ce que le législateur fait, il peut le défaire », deux lois de finances espacées d’un an vinrent frapper ce gros paquebot qu’est l’assurance-vie :
- d’abord un premier texte rajouta que pour tout contrat dénoué au décès, les bénéficiaires devraient payer les prélèvements sociaux que l’assuré avait esquivés de son vivant. Ce dispositif poursuit « la traque des niches sociales » (sic ! ce sont les mots du ministre de l’époque) et a vu le jour avec le vote de la loi de financement de la Sécurité sociale 2010 (loi n°2009-1646 du 24 décembre 2009. Ainsi, l’article 18 de la LFSS a modifié l’article L.136-7 du code de la sécurité sociale (CSS).
- ensuite, la deuxième vague scélérate arriva sous la forme de la loi de finances pour 2011 (loi n°2010-1657 du 29 décembre 2010). Modifiant à nouveau l’article L. 136-7 du CSS, cette fois l’article 22 de la loi fiscale vint obturer dé-fi-ni-ti-ve-ment le trou laissé béant des années durant dans le grillage fiscal et s’intéressa à ces contrats multi-supports dont l’un d’entre eux est un fonds en Euros tel que visé à l’article L.131-1 du Code des assurances.
N’ayant plus la patience d’attendre que l’assuré finisse par fermer les yeux – évènement toujours fâcheux mais hélas inéluctable ! – et appliquant la célèbre maxime « un tiens vaut mieux que deux tu l’auras », l’Etat se mit à taxer aussi des plus-values des contrats multi-supports… en cours de vie ! Quand bien même ces gains en Euros puissent au gré d’un arbitrage ultérieur malheureux être entièrement consumés par un marché boursier adverse !
Cependant, conformément à la complexité des lois fiscales et afin que vous ne soyez pas imposé sur les pertes – c’eût été un comble ! – le nouveau texte prévoit qu’en cas de moins-value globale et finale constatée au dénouement, le Trésor vous « rembourse » l’impôt annuel prélevé indûment – comme une sorte de trop-perçu donc. Laissant le soin aux compagnies d’assurance-vie d’opérer tous ces calculs intermédiaires dans leurs progiciels.
La mesure se révèle d’autant plus dommageable qu’elle se rajoute aux impositions prévues pour ceux qui décident de sortir en rente de leur contrat : à tout ce qu’ils auront payé chaque année, se rajoutera ultérieurement l’impôt sur le revenu, et à nouveau la CSG et la CRDS applicables sur les arrérages de la rente servie par l’assureur ! Rien que pour ces deux dernières contributions, ce sont 8,2% qui s’évaporent dans les brumes de l’Etat-providence…
Actuellement, seuls les gains des contrats d’assurance-vie épargne-handicap de l’article 199 septies du CGI échappent aux prélèvements sociaux, conformément aux prévisions de l’article 136-7, II-3° du Code de la sécurité sociale. Ces contrats spécifiques souvent méconnus ne nécessitent pas une invalidité absolue pour les souscrire, et sont accessibles à une cible assez large de personnes – pour savoir si vous pouvez relever de cette catégorie, mon ouvrage spécialisé vous expliquera tout.
Mais voilà qu’un contribuable a contesté les prélèvements sociaux (PS) sur les gains latents. Et il est en bonne voie d’obtenir gain de cause.
Nous vous expliquerons tout cela demain.
En cas de jurisprudence, l’Etat pourrait être obligé de modifier la taxation des gains de votre assurance-vie en votre faveur.