Christine Cardinal et moi-même avions tous les deux un petit job de distributeurs de journaux et nos itinéraires étaient similaires, si bien que nous nous croisions inévitablement.
Un jour – je devais être en seconde –, je lui ai demandé de sortir avec moi. Parce que, bien entendu, j’étais amoureux d’elle. Elle a dit « oui ».
Ce soir-là, j’étais si heureux que je suis allé jusqu’à dire à ma petite sœur une phrase du genre « tu vas avoir une vie géniale ». Parce que si Christine Cardinal acceptait de sortir avec quelqu’un comme moi, tout allait bien dans le meilleur des mondes et une pluie de fleurs s’abattrait sur les gens.
Le lendemain matin, Lenny Cardinal, son frère, est venu me voir. Moi j’ai fait : « Beau-frère ! » Et il m’a dit : « Écoute, Christine voulait dire non, en réalité. Elle a été prise de court et elle a dit oui, mais c’est non. »
Deux ans plus tard, Lenny était président du conseil étudiant ET major de sa promotion. Pour l’instant, toutefois, il utilisait toute cette intelligence et ce charisme latents pour me détromper en douceur. J’ai tout de même été anéanti. Je suis sorti du lycée sur-le-champ, et j’ai parcouru à pied les 6 km et quelques jusqu’à la maison.
Ma vie était finie.
Vingt ans plus tard, je me trouvais dans un bureau du fameux Lipstick Building, à l’angle des 53ème et 3ème à Manhattan.
J’essayais de lever de l’argent pour mon fonds, et je venais le faire le meilleur pitch de mon existence. Mon fonds avait d’excellentes performances, la stratégie était parfaitement adaptée au climat financier – je pensais que c’était du tout cuit pour le gestionnaire de hedge fund à un milliard de dollars auquel je venais de faire mon petit discours.
« Écoutez, m’a-t-il dit. Dans notre firme, la chose la plus importante, c’est la réputation. Vous semblez très bien mais au bout du compte, nous ne savons pas où vous investissez cet argent. La dernière chose dont nous avons besoin, c’est de voir le nom de la société que j’ai lancée, Bernie Madoff Securities, s’étaler en Une du Wall Street Journal.«
Quelle déception. Je les avais presque mis dans la colonne « accord conclu » de mon tableur. Quelques mois plus tard, j’étais dans le bureau de Ken Starr. Pas le procureur de l’affaire Bill Clinton/Monica Lewinsky : un autre, qui était gestionnaire de fonds à l’époque.
Il m’a dit : « J’engrange 20% de rendement par an. Vous ne rapportez que 11%. Pourquoi aurais-je besoin de vous ? » Des photos de lui avec de célèbres athlètes étaient placardées partout dans la pièce. Des gens d’allure parfaite entraient et sortaient sans cesse, posant des choses sur son bureau. Il menait la belle vie.
Quelques années plus tard, il se retrouvait en prison pour arnaque pyramidale… mais en attendant, une fois de plus, j’étais au fond du trou à me demander quel message la vie essayait de me faire passer.
Les gens disent « non » pour de nombreuses raisons – et rares sont celles qui ont quoi que ce soit à voir avec vous. (Quoique… le « non » de Christine Cardinal était directement lié à ma personne. Mais qui sait ce qui se passait exactement dans son cerveau à ce moment-là, chimiquement parlant. Peut-être en aimait-elle un autre ! Oui, peut-être que c’était ça.)
Tout ce que nous obtenons dans la vie a un rapport étroit avec l’offre et la demande – et comment notre psychologie gère l’équilibre entre les deux.
Lorsque j’ai aidé l’un de mes investisseurs à vendre son entreprise de santé, nous avons dû approcher 20 acquéreurs potentiels pour obtenir cinq « deuxièmes appels », deux rendez-vous en chair et un os, et un « oui » final (suivi de trois mois d’ENFER, mais c’est une autre histoire).
Cela signifie donc 19 « non » avant d’arriver à ce seul « oui ».
Mais tout cela était en fonction de l’offre et de la demande que nous avions créées nous-mêmes.
Créez l’offre
Cette offre, nous l’avons créée en cherchant toutes les entreprises cotées du secteur, toutes les sociétés privées qui rachetaient des entreprises dans ce secteur et toutes les firmes de private equity qui faisaient des acquisitions de cette taille dans le secteur hospitalier.
Les sites de rencontres en ligne, pour le meilleur et pour le pire, créent de l’offre dans le monde des rencontres. Le réseau comprenant toutes les personnes qui vous ont contacté un jour crée de l’offre pour toutes sortes d’opportunités.
Obtenez une décision rapide
Dans chaque entreprise, nous avons contacté la personne qui prenait les décisions. Nous n’avons pas commencé par le bas – nous nous sommes directement adressés au dirigeant (le directeur des fusions-acquisitions, le Dir. Fi., le PDG, etc.). Ne perdez pas de temps sur le chemin qui vous mène à un « oui » ou un « non ».
Essayez d’obtenir au moins un « oui »
Comme me l’a dit Barry Ritholz : « On ne laisse pas la baleine raccrocher le téléphone tant qu’on n’a pas obtenu quelque chose de sa part. »
Jetez au moins un œil à notre présentation… acceptez au moins un deuxième appel téléphonique/un rendez-vous… rencontrez au moins le PDG de l’entreprise… Proposez une chose que votre interlocuteur puisse accepter facilement ; vous pourrez ainsi avancer de votre côté.
Coupez rapidement vos pertes
Il faut savoir quand laisser tomber.
Christine Cardinal ne voulait vraiment pas sortir avec moi. Peut-être qu’un ou dix ans plus tard, les conditions seraient réunies… mais il faut savoir reculer.
Un client potentiel aujourd’hui est un client potentiel demain. Sauf si vous êtes un psychopathe. En vous concentrant exclusivement sur un seul prospect, vous passez à côté de la foule qui pourrait être vraiment intéressée par votre produit (c’est là la véritable règle essentielle – qu’il s’agisse d’un rencard, de vendre un produit, de lever de l’argent ou toute autre chose).
Le ratio magique
Gardez en tête que le ratio typique est d’environ 30/1.
Trente personnes doivent entrer dans votre magasin avant que quelqu’un achète un produit.
Il vous faudra 30 rencards différents (n’oubliez pas de couper rapidement vos pertes pour ne pas perdre de temps) avant de trouver la personne qui sera vraiment partante pour une histoire à long terme.
Vous devrez contacter jusqu’à 30 personnes pour vendre votre entreprise, ou lever la somme initiale pour votre fonds, ou trouver un emploi, ou que sais-je (faire publier votre livre/vos articles, vendre un tableau, vendre votre maison).
Cela signifie aussi que si l’offre sur le marché que vous visez est inférieure à 30 (si vous construisez un produit que SEUL Google voudrait acheter, par exemple), alors vous êtes probablement dans le mauvais secteur.
Les idées
Vos bonnes idées sont elles aussi régies par l’offre et la demande.
Vous devez trouver 30 idées avant que se présente la bonne, celle pour laquelle il pourrait y avoir de la demande. Et même trouver 30 idées ne serait-ce qu’à moitié correctes n’est pas tâche facile – d’où le besoin de faire marcher votre muscle à idées (voir autres articles sur le sujet ici et là). (En fait, 30, c’est trop. Comptez plutôt 20 mais je pense qu’il vaut mieux viser 30, pour être certain.)
Rappelez-vous les éléments clés, ceci dit :
- il y aura beaucoup de « non » ;
- coupez vos pertes très rapidement ;
- utilisez tous les moyens possibles pour augmenter l’offre ;
- essayez de ne pas être déçu. Passez à autre chose aussi vite que possible.