Les hommes naissent tous libres et égaux en droits.
« Qu’on me pardonne mais c’est une phrase que j’ai beaucoup de mal à dire sans rire. » s’amusait Pierre Desproges dans l’une des émissions du mémorable Tribunal des Flagrants Délires, sur France Inter.
Puis, se tournant vers l’invitée du jour, le mannequin Inès de la Fressange, il osait :
« Par sa beauté, cette femme n’est-elle pas un petit peu plus libre et un petit peu plus égale dans le grand combat pour survivre que la moyenne des homos-sapiens qui passent leur vie à se courir après la queue en attendant la mort ? »
Derrière l’impudeur de la formule, l’élégance du compliment. Et une vérité, surtout : la prévalence de cette faveur accordée de manière si aléatoire et qui n’a cessé, à travers les époques, d’influencer le parcours des femmes et des hommes. La beauté, une injustice qui trouve aujourd’hui son zénith dans notre société régie par l’image, les réseaux sociaux, la télévision et les selfies.
C’est que le règne de l’apparence ne saurait être plus éblouissant.
Le fantasme du corps modifiable
Vous aimeriez construire la version améliorée de vous-même selon vos propres idéaux de beauté ? Voilà un rêve qui ne date pas d’hier. Et que certains tentent de toucher du doigt. Bien souvent cependant, la chirurgie esthétique exhibe cruellement ses limites, et caricature les corps en s’offrant de les embellir.
Les progrès de la science, quant à eux, sont sans limites. Et l’édition génétique pourrait bien rendre possible ce fantasme du corps modifiable.
Voici donc CRISPR-Cas9, un outil moléculaire qui permet de supprimer des séquences ADN défectueuses ou d’y insérer des bouts d’ADN avec une précision d’orfèvre. En termes scientifiques, c’est plus précisément une endonucléase d’ADN guidée par ARN. Vous pourrez briller dans vos dîners en ville.
CRISPR, qui signifie Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats (courtes répétitions en palindrome regroupées et régulièrement espacées), fascine autant qu’il fait peur. En effet, si l’on perçoit aisément l’impact que pourrait avoir l’outil sur la médecine et le traitement de certaines maladies, on s’inquiète également des potentielles dérives d’un monde où le corps pourrait être personnalisé tel un avatar de jeu vidéo.
Et où toutes les femmes ressembleraient à Scarlett Johansson et tous les hommes à Georges Clooney.
Je ne sais pas vous, mais je ne suis personnellement pas prêt à sacrifier le charme des aspérités sur l’autel de l’égalité des chances. Il n’y a rien de plus triste que l’uniformité.
Et puis, il ne s’agit pas que de beauté physique. On parle également de quotient intellectuel, d’émotions, d’odeur corporelle, de résistance à la douleur…
Heureusement, nous sommes encore limités par notre méconnaissance
du corps humain
Les scientifiques savent déjà que le gène ABCC11 régule nos effluves ; que le gène SCN9A influe sur notre sensibilité à la douleur ; quant aux gènes IGF1 et MGF, ils agissent sur les hormones qui favorisent le développement musculaire.
Cependant, la grande majorité des gènes n’ont pas encore été reliés à une fonction précise par les hommes. Les interactions génétiques sont si denses, si complexes, que notre connaissance de ces dernières est encore infime.
Si quelques gènes sont particulièrement étudiés – et donc connus – dans le cadre de recherches sur les maladies héréditaires, il faudra donc attendre longtemps avant que les Mr Smith du film Matrix puissent potentiellement prendre corps dans le monde réel.
Pour la médecine, les perspectives sont gigantesques
Mettons de côté les peurs que suscitent ces tentations superficielles et concentrons-nous sur les progrès de la médecine. Car cette technique d’édition de génome bouleverse tout un pan de la recherche. Et son application a déjà porté ses fruits.
CRISPR-Cas9 a permis notamment d’atténuer certains symptômes de l’autisme chez les souris atteintes d’une forme de syndrome de l’X fragile, la cause la plus fréquente de trouble du spectre autistique.
La technique a permis également à des scientifiques d’activer des gènes pouvant générer des cellules productrices d’insuline, ce qui a entraîné une baisse de la glycémie chez les souris diabétiques.
Idem pour la dystrophie musculaire : en stimulant l’activité de certains gènes, des chercheurs ont réussi à atténuer les symptômes de cette maladie…
En clair, CRISPR-Cas9 est capable de corriger des mutations susceptibles de causer des maladies.
Une telle avancée technologique – dont l’impact pourrait aller bien au-delà de la médecine – marque l’Histoire. Et c’est tout un secteur de l’industrie qui en bénéficiera.
Positionnez-vous sur ces pionnières
Le domaine de la génétique charrie des sommes pharaoniques et leurs brevets génèrent d’énormes profits. A titre d’exemple, les brevets ayant permis la création du médicament Remicade pour le traitement des maladies auto-immunes engendrent près de sept milliards de dollars de revenus par an.
Actuellement, la majeure partie de l’industrie financière a les yeux rivés sur CRISPR pour sa capacité à corriger les erreurs génétiques à l’origine de certaines maladies. Mais à plus long terme, cette technologie pourrait bouleverser beaucoup d’autres secteurs de l’industrie, à commencer par celui de l’agro-alimentaire.
À bien des égards donc, les entreprises spécialisées dans la génétique pourraient connaître une croissance fulgurante. Vous aimez investir dans les biotech comme on parie sur une certaine idée du futur ? En attendant de voir si nos frustrations esthétiques inspireront d’inquiétants desseins, les courbes de ces titres devraient nous satisfaire.
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