Par Nicolas Perrin
Deux mois et demi après la dévaluation du yuan et suite au resserrement du contrôle des capitaux en Chine, le bitcoin a vu son cours passer de 180 euros au plus bas du mois d’août à près de 500 euros fin octobre.
La dernière fois que je vous parlais du bitcoin, c’était le 25 novembre 2013. Il cotait alors autour des 600 euros. Le 2 décembre, la devise numérique faisait un plus haut à 1 380 euros en séance sur la plateforme bitcoin.de. Le cours du bitcoin dépassait alors pour la première fois celui de l’once d’or dans le cadre de cette troisième bulle qui allait prendre fin quelques jours plus tard (les lecteurs intéressés trouveront ici un rappel).
Jeudi 5 novembre 2015, c’est désormais 380 euros qu’il faut débourser pour se procurer une unité de la devise numérique.
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Comment en sommes-nous arrivés là ?
Alors que le cours du bitcoin poursuivait sa lente dégringolade entamée en décembre 2013, il a repris son ascension au mois de septembre…
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… avant que les choses ne s’emballent à partir du 2 novembre (cf. la longueur des mèches des bougies qui traduisent un niveau de volatilité très élevé en séance).
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Crise chinoise et dégâts collatéraux…
Le 2 septembre, soit une vingtaine de jours après le début de la série de dévaluations du yuan par rapport au dollar, Zero Hedge titrait :
« La Chine s’empresse d’imposer le contrôle des capitaux (ce qui est une excellente nouvelle pour le bitcoin) ».
Et Tyler Durden de rappeler que si « officiellement, les particuliers n’ont la possibilité de sortir que l’équivalent de 50 000 $ du pays chaque année et, qu’au niveau des entreprises, le change de yuan est soumis à une liste de justifications données », le contrôle des capitaux est en réalité massivement contourné depuis des années.
En effet, outre son rôle dans la formation de la bulle sur l’indice actions de Shanghai, l’argent de la classe moyenne et des oligarques chinois a largement contribué à la formation de bulles dans l’immobilier de luxe à Vancouver, Londres, New York et San Francisco.
Jusqu’à l’été dernier, les mailles du filet du contrôle des capitaux n’étaient pas encore très serrées et la Chine laissait le mouvement se propager officieusement (mouvement dont profite bien sûr allègrement la classe politique de la Chine, ce magnifique pays communiste qui comptait en 2013 pas moins de 83 milliardaires au sein de son Parlement).
Mais depuis le tournant monétaire du 11 août, « on estime que la Chine a été forcée de liquider 200 milliards de dollars de ses réserves de devises pour soutenir la valeur du yuan. Les sorties de capitaux sont devenues le plus gros problème, la menace la plus directe pour l’économie chinoise, donc pour Pékin », rapporte Zero Hedge.
Par conséquent, le pouvoir chinois, qui a un besoin vital que l’épargne reste au pays, a renforcé le contrôle des capitaux.
Par ailleurs, suite à l’effondrement de la Bourse de Shanghai au mois de juin, une partie des spéculateurs chinois* a besoin d’un nouveau terrain de jeu. C’est là que le bitcoin entre en jeu.
L’avantage que présente le bitcoin est qu’« il permet de contourner le contrôle des capitaux par un simple clic », note Tyler Durden, qui poursuit :
« Et si quelques centaines de millions de Chinois décident en même temps que le moment est venu de recourir au bitcoin pour contourner le contrôle des capitaux, et décident d’investir une minuscule fraction de leurs 22 mille milliards de dépôts dans le bitcoin (dont la capitalisation mondiale était dernièrement un peu au-dessus de 3 milliards), alors installez-vous confortablement et observez le retour de la bulle du bitcoin, une bulle qui pourrait faire ressembler les plus hauts historiques à un point bas ».
Et le tenancier de Zero Hedge de confirmer dans un billet du lundi 2 novembre que « c’est bien la Chine qui mène la charge avec des fourchettes de prix supérieures de 10 à 15 $ aux fourchettes américaines et européennes ». La capitalisation du bitcoin se montait ce jour-là à 5 milliards de dollars.
De l’ascenseur au plongeoir
Le lendemain (mardi 3 novembre), le cours avait doublé depuis les plus bas du mois d’août et retrouvait ainsi son niveau de novembre 2014. Le soir, une première baisse soudaine de 50 $ est venue rappeler aux spéculateurs qu’en matière de bitcoin, les cours prennent parfois l’ascenseur, mais il leur arrive fréquemment de lui préférer le plongeoir, notamment en cas de prise de bénéfice massive.
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Mercredi 4 novembre au matin, Zero Hedge expliquait que la baisse de la veille avait été intégralement retracée alors que BTCC (la plateforme d’échange de bitcoin leader sur le marché chinois) avait annoncé qu’elle venait de rendre beaucoup plus aisé l’accès à sa plateforme pour les Chinois détenteurs de yuans. Ce nouvel élan s’est traduit par des volumes en augmentation rapide.
Les Chinois recourent donc massivement à la devise numérique :
- pour passer sous les radars du contrôle des capitaux ;
- mais également dans l’espoir d’amasser de l’argent rapidement.
Une deuxième baisse est intervenue dans la soirée, plus brutale encore que celle de la veille puisque la séance s’est clôturée à 366 euros sur bitcoin.de après qu’on ait atteint un plus haut à 500 euros en séance.
Voici un graphique issu de Zero Hedge (en dollar) :
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Le 5 novembre, le bitcoin se vend autour de 380 euros sur les plateformes européennes. Il se stabilise aujourd’hui autour de 300$/320 $, zone support.
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A 320 euros le bitcoin, stop ou encore ?
Dans mon précédent article sur le sujet, j’écrivais :
« Pour ceux qui aiment la volatilité, le bitcoin offre un terrain de jeu comparable à celui des indices actions occidentaux depuis 1995, mais en version condensée : deux bulles magistrales — et peut-être une troisième en formation — en seulement trois ans, soit presque une bulle par an en moyenne ».
Alors que les choses ont été très calmes sur le front du bitcoin pendant presque deux ans, nous avons finalement droit à notre quatrième bulle en cinq ans. Sur le graphique ci-dessous, tracé dans un repère semi-logarithmique**, on observe que les mouvements du bitcoin semblaient se développer sur des durées de plus en plus réduites.
Néanmoins, la durée de la bulle actuelle a déjà dépassé de 11 jours celle de la bulle précédente.
Pour ce qui est des proportions des bulles, elles sont en revanche clairement de « de moins en moins exubérantes ». Le temps où l’on pouvait se coucher membre de la « classe moyenne » et se réveiller multimillionnaire pourrait donc bien être révolu. Les mouvements de hausse restent toutefois d’une ampleur suffisante pour qu’il y ait de très bons coups à jouer.
En revanche, le timing ne pardonne pas :
- la bulle actuelle a déjà fait l’objet de deux corrections de très forte ampleur ;
- et les corrections post-bulle avoisinent en général les 90%.
Néanmoins, bulle après bulle, le bitcoin dessine une tendance à long terme haussière, puisque :
- les plus hauts sont de plus en plus hauts ;
- et les plus bas de plus en plus hauts également.
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Je renouvelle donc mon conseil de novembre 2013 :
« Trois possibilités s’offrent donc à vous :
- acheter et fixer un ordre de vente automatique (et croiser les doigts pour que les prix atteignent le niveau que vous aurez fixé) ;
- acheter ou simplement conserver vos positions pour jouer le coup à plus long terme en espérant que le probable dégonflement de la bulle actuelle ne mette pas fin pour longtemps à la tendance haussière de long terme du bitcoin (buy and hold) ;
- rester en dehors du marché.
Quelle que soit votre décision et en attendant le prochain épisode, je ne saurais trop insister sur cette considération :
‘Ce qu’il est convenu d’appeler un krach est venu rappeler aux derniers entrants le commandement n°1 en matière de spéculation : Tu ne joueras qu’avec l’argent que tu peux te permettre de perdre’. »
A ce propos, deux paramètres me semblent susceptibles de mettre fin à la tendance haussière récente :
- une diminution de l’afflux de nouveaux acheteurs chinois ;
- la réaction des régulateurs et du gouvernement de Pékin dans la mesure où les volumes augmentent dans des proportions encore plus significatives.
* Une partie des spéculateurs seulement car la Bourse de Shanghai s’est significativement redressée depuis son plus bas du 26 août 2015 à 2927 points. Marc Fiorentino expliquait le 4 novembre sur BFM Business : « En octobre, tout a changé. La Bourse chinoise a repris plus de 10%. C’est une des meilleures performances mondiales et ça continue en novembre et en particulier ce matin avec la plus forte progression en un jour depuis près d’un mois. […] Les investisseurs […] ont confiance […] dans le plan du gouvernement qui promet […] de stabiliser la croissance pendant 5 ans à un niveau minimum de 6,5%. En plus de ça, la banque centrale […] a décidé d’ouvrir encore plus largement les vannes des liquidités. Et voilà que c’est reparti pour un tour : on reprend les mêmes et on recommence ! Les particuliers qui se sont fait massacrer totalement à la baisse sont de retour. Pour la première fois en six mois, le trading à marge, à effet de levier, c’est-à-dire le trading spéculatif […] est à nouveau en hausse. On ne change pas une équipe qui perd ! »
** Ce type de repère permet de faire apparaître les variations de cours avec la même dimension quel que soit le niveau de prix. Par exemple, une variation de 30% lorsque le BTC cote 1 $ aura la même taille en centimètres sur le graphique qu’une variation de 30% lorsque le BTC cote 10 $ ou 100 $.