Pendant des années, les meilleurs investissements technos n’étaient accessibles qu’aux sociétés de capital-risque (VC ou venture capital, en anglais).
Les récents problèmes dans le secteur pourraient ouvrir une belle opportunité pour le financement participatif (également appelé crowdfunding) et les investisseurs particuliers.
Je m’explique.
Début 2020, avant même que ne débute la pandémie de coronavirus, le capital-risque traversait une période difficile. Le marché commençait à remettre en question les valorisations insensées de certaines entreprises à la croissance rapide.
Une série d’IPO décevantes en 2019 avaient planté le décor pour cette remise à plat début 2020. Des grands noms comme Uber et SmileDirectClub ont coulé lors de leur premier jour de cotation.
WeWork n’est même pas arrivée jusqu’au marché ! L’entreprise – évaluée pendant un temps à la somme faramineuse de 47 Mds$ – est passée à une valorisation de 7,8 Mds$ après avoir annulé son IPO à l’automne 2019. Au mois d’avril 2020, l’entreprise n’était plus évaluée qu’à 3 Mds$.
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Cette soudaine baisse des valeurs n’a pas été prise à la légère dans la Silicon Valley. Du jour au lendemain, les capital-risqueurs ont ordonné à leurs start-ups de réduire les coûts et de rechercher une plus grande profitabilité afin de justifier la valorisation la plus élevée possible.
En février, les annonces de licenciements se sont succédé.
Cependant, personne n’était préparé à l’impact du coronavirus.
Les sociétés de capital-risque perdent pied
Le secteur était déjà en train de se préparer à du changement, mais la pandémie a mis encore plus de pression sur les VC et les sociétés qu’elles ont en portefeuille.
Même des entreprises plus stables, comme Airbnb, se sont retrouvées en danger, le confinement laminant leurs revenus.
Depuis le début de la pandémie, les sociétés de VC se concentrent plus que jamais sur les entreprises qu’elles ont déjà en portefeuille.
Il faut savoir qu’en général, les investisseurs en capital-risque partagent leur temps entre trouver de nouveaux investissements et soutenir les sociétés qu’elles ont déjà en portefeuille. La pandémie a changé tout cela.
Si j’en crois mes conversations avec plusieurs gestionnaires de fonds, les meilleurs VC sont occupés à aider leurs entreprises à se restructurer pour survivre à l’évolution du climat des affaires. Ces VC se préoccupent désormais plus de sauver leurs investissements actuels que de signer des chèques pour de nouvelles entreprises.
Selon PitchBook, en avril, l’investissement en capital-risque avait chuté de 43% par rapport à avril 2019.
Selon le Boston Globe :
Le financement par capital-risque est presque entièrement paralysé. Personne ou presque ne fait de réunions – pas même virtuelles – avec des start-ups, à part les sociétés de VC qui y ont déjà investi.
D’autres VC n’ont pas tardé à souligner que lorsqu’ils recommenceront à rencontrer du monde, ce sera pour faire des recherches sur les marchés, et avec une plus grande aversion au risque qu’auparavant.
Toutefois, cette perte pour le capital-risque pourrait être un gain pour l’industrie financière…
Une nouvelle réputation pour le financement participatif
Autrefois, investir dans les start-ups était difficile pour les investisseurs particuliers. Aux États-Unis, cela a commencé à changer en 2012 avec le JOBS Act – qui permettait aux start-ups de financer leur projet de manière participative, directement en ligne, auprès des investisseurs.
Mais la réputation du crowdfunding n’est pas des plus reluisantes.
Pendant des années, le financement participatif a dû lutter contre des préjugés élitistes, qui prétendaient qu’il était réservé aux start-ups à bout de ressources. Les capital-risqueurs n’ont pas tardé à affirmer que toute start-up inscrite sur une plateforme de crowdfunding était désespérée ou incapable de lever des fonds auprès d’investisseurs professionnels.
Jusqu’à récemment, c’était peut-être en partie vrai.
À l’époque de l’argent facile, cette dernière décennie, les capitaux d’investissements étaient accessibles aux start-ups les plus prometteuses. Le succès apparent des licornes les plus célèbres signifiait que les sociétés de VC avaient plus d’argent que jamais – elles pouvaient courtiser les start-ups les plus prometteuses avec les meilleurs termes possibles.
Cependant, avec l’évolution du paysage économique causée par la pandémie, le financement participatif semble atteindre enfin l’âge de raison.
Des grands noms sont désormais contraints d’envisager cette solution.
Il n’est donc pas surprenant que des plateformes de crowdfunding comme SeedInvest et StartEngine annoncent une activité record suite à la pandémie.
Qui plus est, les start-ups commencent elles aussi à reconnaître les avantages spécifiques des levées de fonds participatives…
Maximiser le pouvoir de la foule
Pour commencer, en s’adressant directement à la foule, les entreprises peuvent lever des fonds auprès de leurs clients actuels.
Cela donne aux sociétés l’occasion non seulement de récompenser leurs clients les plus fidèles, mais également d’améliorer leur loyauté puisqu’ils ont désormais un intérêt direct dans les performances de l’activité.
Cette dynamique permet aux start-ups de lever de l’argent tout en augmentant leur portée.
Les clients fidèles qui sont aussi investisseurs ont plus de probabilités de parler de l’entreprise non seulement à leurs amis et collègues, mais aussi sur les réseaux sociaux – augmentant ainsi naturellement le public touché.
C’est particulièrement important parce que de nouvelles réglementations commencent à prendre forme, qui ouvrent plus d’entreprises et de start-ups au financement participatif.
Des réglementations plus souples
Avec l’arrêt de l’économie, les entreprises ont un besoin désespéré d’investissements – et les régulateurs ont réagi rapidement.
Plus tôt dans l’année, la SEC a annoncé une proposition de modification des règles du crowdfunding visant à augmenter l’accessibilité des investissements aux start-ups et aux petits porteurs.
Certains des changements proposés comprennent :
- une modification des plafonds de levée de fonds pour certains types d’investissement ;
- une augmentation des montants que les investisseurs particuliers peuvent verser aux investissements en financement participatif.
Début mai, le SEC a annoncé qu’elle exempterait temporairement les propriétaires de petites entreprises de la nécessité d’un audit indépendant s’ils lèvent entre 107 000 $ et 250 000 $ d’investissements sur une période de 12 mois.
C’est un coût bien inférieur par rapport à d’habitude. Dans les faits, cela permet d’éviter d’employer des comptables coûteux avant les levées de fonds.
Pour les investisseurs particuliers, cela peut faire toute la différence entre un bon investissement… et un excellent investissement.
Voyez-vous, toutes les dépenses mobilisées par une entreprise pour ses levées de fonds sortent, au final, des poches de leurs investisseurs. Plus une société doit payer pour lever des fonds, moins elle peut consacrer d’argent provenant des investisseurs à d’autres dépenses essentielles (et génératrices de revenus) – comme le marketing, l’embauche de nouveaux employés ou le lancement de produits.
Les autres changements proposés dans la réglementation pourraient également contribuer à réduire le coût du crowdfunding.
Étant donné que la quantité de travail nécessaire pour monter une campagne de financement participatif est quasiment la même qu’on lève un million ou cinq millions de dollars, une augmentation des plafonds de crowdfunding réduirait le coût en tant que pourcentage des fonds.
Des levées de fonds moins chères engendrent de meilleurs retours pour les investissements.
Ce qui m’amène à l’idée suivante…
De meilleures valorisations
Alors que les entreprises de toutes sortes manquent cruellement de capitaux suite au verrouillage de l’économie, le financement participatif est idéal pour les investisseurs intéressés.
Actuellement, on trouve plus de start-ups en quête d’investissement qu’il n’y a de dollars dans le secteur du capital-risque. Pendant longtemps, les VC étaient donc en position de force pour négocier avec les investisseurs, et cela leur permettait d’exiger les termes les plus favorables en l’échange de leur investissement.
Pour les investisseurs en financement participatif, c’est peut-être le meilleur scénario possible dans le climat actuel.
Confrontés au choix de vendre leurs actions soit aux capital-risqueurs avec une décote de 40% soit sur les sites de crowdfunding avec une décote de 20% seulement, bon nombre de fondateurs de start-ups préféreraient la seconde option.
C’est un scénario gagnant-gagnant : les investisseurs font une bonne affaire sur leur placement dans la start-up, et les fondateurs obtiennent, quant à eux, de meilleurs termes qu’ailleurs dans les circonstances actuelles.
Cerise sur le gâteau : le coronavirus laissera probablement des traces sur le crowdfunding et le capital-risque pendant encore des années.
Il y a certes des signes que l’économie va se remettre, mais il pourrait se passer du temps avant que les capital-risqueurs se sentent suffisamment à l’aise pour signer de gros chèques.
En attendant, nous pourrions voir encore plus d’entreprises de qualité explorer le crowdfunding pour lever de nouveaux fonds en l’absence de capitaux accessibles.
2 commentaires
bonjour, il me manque l’action supplémentaire en plus des trois …
Sinon c’est parfait .
Bien cordialement.
Gilles Kern
Bonjour monsieur,
Merci pour votre commentaire, nous sommes heureux de savoir que cet article de James vous a plu !
Néanmoins, nous ne sommes pas certains de comprendre votre question. Pourriez-vous développer s’il vous plaît ?
Cordialement,
La Rédaction