Il faut réinventer l’ordinateur. C’est le constat qui s’impose face aux récents développements de l’intelligence artificielle, du Big Data, des nouvelles réalités, de la simulation etc. Sans ordinateurs plus puissants, les progrès que nous avons faits dans ces domaines vont se confronter à une double limite.
Premièrement, la recherche dans ces secteurs va stagner. Jongler avec de plus en plus de données teste déjà les limites de nos supercalculateurs. Difficile d’imaginer des intelligences artificielles de plus en plus intelligentes si leur cerveau ne suit pas le mouvement.
Deuxièmement, ces innovations ne parviendront pas à atteindre le grand public. Prenons l’exemple de la réalité virtuelle : les casques qui viennent d’être mis sur le marché sont vendus accompagnés de recommandations techniques pour les ordinateurs qui sont censés les faire tourner. Si votre ordinateur n’est pas de la dernière génération, équipé d’une puissante carte mémoire et graphique, inutile de mettre plusieurs milliers d’euros sur la table pour acquérir un casque HTC Vive, Occulus Rift ou Playstation VR.
La capacité de calcul de nos ordinateurs (c’est aussi vrai de nos smartphones, tablettes et autres objets connectés) est donc cruciale.
Une des voies possibles est l’informatique neuronale, reproduisant le fonctionnement du cerveau.
Quand le quantique s’empare de nos ordinateurs
Une autre voie qui suscite peut-être encore plus d’enthousiasme est celle de l’ordinateur quantique. La recherche dans le domaine engendre fantasmes mais aussi critiques.
Rien de plus normal : un ordinateur quantique fonctionnel permettrait de briser le plafond de verre (ou plutôt de silicium) auquel se heurtent actuellement nos ordinateurs.
Mais tout d’abord, commençons par une indispensable définition : qu’est-ce que l’ordinateur quantique ? Il fait référence à la mécanique quantique et plus précisément au principe de superposition. En physique quantique, un objet — par exemple une particule — n’a pas un état connu à un instant T. Le fameux chat de Schrödinger, tant que personne n’a pris la peine de vérifier ce qui se passe dans la boîte, peut être vivant et mort en même temps. Impossible ? Si, quantique.
Sans nous lancer dans un cours de physique, revenons à nos ordinateurs. Tous fonctionnement actuellement selon le principe binaire dans lequel chaque fragment d’information — aussi appelé « bit » — peut se présenter sous 2 formes différentes : 0 ou 1.
Evidemment, le système binaire a fini par atteindre ses limites. Pendant longtemps, la solution est passée par la miniaturisation : les puces informatiques étaient de plus en plus petites mais contenaient de plus en plus de transistors (la fameuse loi de Moore). Mais même en augmentant de manière faramineuse la capacité de nos micro-processeurs, nous arrivons aujourd’hui aux limites techniques de cette miniaturisation.
Une histoire de superposition
D’où l’idée de nous tourner vers le quantique. Que se passe-t-il (théoriquement) dans un ordinateur quantique ? Une superposition des états. Ce qui signifie que chaque bit, alors appelé qubit, peut présenter l’état 0, l’état 1 ou l’état à la fois 0 et 1. Cela ne paraît pas révolutionnaire mais imaginez ce que peut apporter l’introduction d’une troisième lettre dans un alphabet qui n’en comprendrait que 2.
Sachant que les ordinateurs fonctionnent par combinaison, l’introduction d’une troisième lettre augmente très significativement les possibilités. La vitesse de calcul est d’autant plus rapide — et sensible par rapport à un ordinateur traditionnel — que le nombre de qubits est important.
Un exemple ? Je l’emprunte à l’Usine Nouvelle : « si 2 qubits peuvent se positionner dans 4 états d’information à la fois, 3 qubits peuvent potentiellement encoder 8 états et 50 qubits 2 puissance 50 états, soit plus d’un million de milliards d’états ».
Un ordinateur traditionnel devra examiner ces millions de milliards d’états un par un.
L’ordinateur quantique, lui, peut les gérer en même temps grâce au principe quantique de la superposition des états.
Un ordinateur quantique permettrait donc de réaliser certaines opérations bien plus vite que nos ordinateurs classiques. Plus vite, mais de combien ? Là est toute la question. Fin 2015, Google annonçait que son propre ordinateur quantique, le D-Wave X2, était 100 millions de fois plus rapide qu’un ordinateur traditionnel sur certaines opérations.
L’annonce a fait grand bruit, et a été très rapidement mise en doute — nous y reviendrons — mais laisse entrevoir le potentiel des ordinateurs quantiques.
Le quantique… mais pour quoi faire ?
Je vous le disais, sur le papier, les ordinateurs quantiques devraient exceller dans certaines opérations dont les calculs dits « programmations linéaires », c’est-à-dire des calculs qui impliquent un très grand nombre de possibilités.
A court terme, les ordinateurs quantiques pourraient donc être utilisés en simulation ou bien, dans la recherche, pour résoudre des problèmes mathématiques ou physiques particulièrement complexes dépassant les capacités de calcul de nos actuels supercalculateurs.
Mais s’il y a bien un domaine dans lequel l’ordinateur quantique pourrait tout révolutionner, c’est bien celui du cryptage.
Aujourd’hui, le système de cryptage — que cela soit celui qui protège les données de nos gouvernements, les informations ou transactions bancaires, les données médicales ou encore, plus simplement, le mot de passe de votre boîte e-mail — repose sur un principe très simple : mettre en place des clés dont le décryptement est suffisamment long et compliqué pour empêcher la plupart des intrusions.
Evidemment, le niveau de complexité de ces cryptages varie selon la sensibilité des données à protéger.
Tester des millions de milliards de combinaisons possibles peut parfois (malheureusement pas toujours) s’avérer une tâche insurmontable pour nos ordinateurs traditionnels et leurs capacités de calcul, somme toute, assez limitées.
Mais pour un ordinateur quantique ? Pour un ordinateur capable d’examiner des millions de milliards de possibilités en quelques secondes ?
Aucun système de cryptage actuel ne leur résisterait. Aucun… Vous imaginez le problème si toutes les données de la planète étaient ainsi accessibles à n’importe quel Etat ou groupe doté d’un ordinateur quantique ?
C’est aussi ce qui explique que la NSA, l’Agence nationale de sécurité américaine, ait misé 80 millions de dollars pour développer son propre ordinateur quantique, capable de venir à bout de n’importe quel code, de n’importe système de protection des données.
L’Agence s’est vivement heurtée ces derniers mois non seulement aux fabricants de smartphones, dont Apple, mais aussi aux réseaux sociaux ou encore aux fournisseurs de communication ou d’accès à Internet proposant des connexions sécurisées. Un ordinateur qui serait capable de briser ces protections lui enlèverait une grosse épine du pied — et remettrait encore un peu plus en cause notre vie privée…
La NSA n’en étant pas à une contradiction près, l’Agence s’est aussi inquiétée des progrès réalisés par d’autres entités qu’elle-même en matière d’utilisation des ordinateurs quantiques pour le décryptage. Et tout particulièrement des avancées réalisées par le Massachusetts Institute of Technology et l’Université d’Innsbruck (Autriche) qui, grâce à leur propre version de l’ordinateur quantique, ont démontré qu’il était possible de briser le chiffrement RSA, un algorithme de cryptage de données très utilisées par l’e-commerce, l’échange de données sur Internet.
MIT, NSA, Google… vous l’aurez compris, l’ordinateur quantique suscite beaucoup d’intérêts. Mais aussi beaucoup de doute. Car sa réalisation se heurte à de nombreuses difficultés.
Nous en reparlerons prochainement !
[Fraudes à la carte… Piratages de comptes en ligne… Géolocalisations et cambriolages…Usurpations d’identité… Aujourd’hui, on peut ruiner la vie d’un inconnu en deux minutes ! Découvrez qui se cache derrière les pirates du Web et la marche à suivre pour les neutraliser en cliquant ici…]