La Grèce, la Chine, la baisse du pétrole… Ces trois foyers de crise se raniment, alors que depuis 2008, la dette a encore grossi. L’instabilité du système financier a augmenté.
Je vous promets que je ne prends aucun plaisir à vous dresser ce genre de tableau noir. Je préférerais largement vous dire que tout va bien, vous conseiller de vous rendormir sur votre serviette de plage, et d’oublier tout cela. Mais je ne le peux pas. Si je vous alerte, depuis des années, c’est parce que depuis 2008, RIEN NE VA MIEUX.
Le système s’est aggravé, la situation est encore plus explosive : les banques centrales et les Etats ont tout fait pour colmater une bulle qui grossit, grossit chaque jour… mais soyez conscient qu’elle finira par exploser.
La Grèce n’est qu’une péripétie dans une histoire bien plus vaste : celle de la fin du financement à crédit des Etats-providence. Très peu de gens réalisent que la prochaine crise financière va toucher la classe d’actifs considérée comme la plus sûre : les obligations souveraines des Etats dits riches ou développés. Au-dessus de cet ultime étage de la pyramide financière, il n’y a plus rien. Rien, sauf le cash et l’or.
La pyramide d’Exter et l’augmentation des déséquilibres financiers
John Exter (1910-2006) est un économiste américain qui a conseillé les gouverneurs de la Fed et a participé à la création des banques centrales d’Asie après la Seconde Guerre mondiale. On lui doit « la pyramide d’Exter » qui représente les différents étages du système financier :
- par niveau de risque, du plus élevé (en haut) au moins élevé (en bas) ;
- par niveau de liquidité, du moins liquide (en haut) au plus liquide (en bas).
Lorsque la confiance vacille, les gens commencent par vendre les actifs les plus risqués (en haut) et veulent se réfugier vers les actifs les moins risqués (en bas). Entre 2007 et aujourd’hui, l’instabilité de la pyramide a augmenté car les dettes ont augmenté. Sans rentrer dans les détails de chaque étage, la masse des produits dérivés s’est accrue et celle des obligations souveraines aussi.
Depuis 2007 :
- le volume des produits dérivés a augmenté de plus de 18% ;
- la dette souveraine a augmenté de plus de 75% ;
- et la dette totale de plus de 40%.
Tout ceci ne serait pas dangereux si la croissance avait été entre-temps vigoureuse, mais il n’en a rien été. Dans beaucoup de pays, la richesse par habitant est inférieure à ce qu’elle était en 2007. Donc la pyramide financière, déjà instable en 2007, est devenue encore plus instable et il ne vous a pas échappé que Dame Croissance ne nous attendait pas au coin du bois. Même le FMI vient de le réaliser…
Je vous l’ai déjà expliqué : le système financier actuel repose sur la confiance :
- confiance en la monnaie fiduciaire et en la capacité des banques centrales à contrôler cette monnaie ;
- confiance en la croissance de l’activité économique et en la capacité des entreprises à fournir des emplois bien rémunérés ;
- confiance en la dette publique garantie par des Etats développés.
Lorsque la confiance est ébranlée, les gens vendent les actifs les plus risqués et les marchés baissent. Jusqu’à présent, la confiance est restée suffisante pour que l’étage « obligations d’Etat » de la pyramide d’Exter ne soit pas affecté.
Comment la lézarde se propage dans la pyramide
La très grande majorité des produits dérivés sont des « dérivés de taux » qui permettent de spéculer sur les variations des taux d’intérêt.
Derrière les interminables atermoiements concernant la faillite grecque, vous devez réaliser que si le mot « faillite » est prononcé, cela déclenche le paiement des CDS (assurance des crédits, en l’occurrence sur les obligations souveraines de la Grèce) : à ce moment, une cascade de produits dérivés, dont Deutsche Bank est l’un des plus gros émetteurs (donc assureur), se déclenche.
Or Deutsche Bank est un monstre de produits dérivés : la banque a un effet de levier (engagements sur fonds propres) de 29,8. En d’autres termes, une perte de 3,35% sur ses actifs met la banque en faillite.
Mory Doré, notre spécialiste risque crédit, expliquait il y a quelques jours comment le risque grec pouvait se propager à la pyramide financière des positions des hedge funds. Le dossier grec n’est pas encore refermé et nous avons là un sujet capable d’ébranler la confiance sur la dette européenne.
[Ce texte est extrait de La Stratégie de Simone Wapler du mois de juillet. Pour lire le texte dans son intégralité : c’est ici…]