Cher Lecteur,
Je me débancarise, un peu… beaucoup… énormément… pas du tout !
Pourquoi se débancariser ?
Pour mettre ses avoirs à l’abri d’un accident type Lehman, un de ces cygnes noirs qui entrent sans crier gare et qui, à l’instar de ce qui s’est passé à Chypre, peut laminer vos avoirs bancaires.
Si les capitaux fuient la Grèce par milliards, c’est bien que les Grecs craignent pour leur argent. Ils ont tout de même frisé le contrôle des capitaux et le bank run.
Quant à Christine Lagarde, patronne du FMI, elle recommande toujours aux pays comme la France une super taxe de 10% sur l’épargne de tous les ménages pour renflouer notre dette excessive et paralysante. Encore une taxe qui nous pend au nez …
Et que dire du bail in… en cas de pépin d’une banque, les créanciers obligataires, actionnaires et déposants seront mis à contribution pour renflouer la banque insolvable. Le pire étant que l’Europe a légalisé les bail-in, empêchant tout déposant de demander justice ou réparation… vous êtes prévenu !
Un homme averti en valant deux, faisons donc le tour d’horizon des possibles. Car mieux vaut ne pas trop accumuler de cash en banque.
Quels sont les outils à votre disposition ?
Philippe Herlin vous dresse un panorama passionnant des nouvelles perspectives de débancarisation.
Bonne lecture,
Isabelle Mouilleseaux
Libre d’Agir
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Débancarisation : la pyramide du pouvoir bancaire et monétaire
Philippe Herlin auteur de
La fin des banques ? Comment la technologie va changer votre argent
De nouveaux acteurs technologiques abordent le marché du paiement avec de grandes ambitions. Chacun d’eux permet de s’affranchir du système bancaire, mais à des degrés divers.
La pyramide du pouvoir bancaire et monétaire
On peut distinguer plusieurs degrés « d’émancipation » du système bancaire et monétaire traditionnel ; remontons ensemble cette pyramide du pouvoir bancaire et monétaire. Plus vous montez dans la pyramide, plus vous vous détachez progressivement du système bancaire traditionnel.
1 – Le premier niveau, la base, c’est ce que l’on connaît, c’est-à-dire les moyens de paiement habituels gérés par les banques (liquide, chèque, virement, carte bancaire), qui sont restés sans concurrents (jusqu’à l’arrivée d’Internet et de PayPal).
2 – On franchit un niveau avec le service lancé en septembre 2014 par Apple : Apple Pay. Cependant celui-ci n’apporte pas vraiment un nouveau moyen de paiement en soi mais simplement une nouvelle façon de payer : avec son smartphone. La puce NFC incluse dans l’iPhone 6 permet de régler ses achats sans contact en se connectant au terminal de paiement du commerçant, mais cela revient à un paiement par carte classique car tout passe par les comptes bancaires du client et de la boutique.
De la même façon PayPal s’interpose entre la banque du client et celle du commerçant ; le site facilite le paiement ou le virement, mais les banques ne sont pas mises hors jeu, même si elles peuvent déplorer que l’opération (et ses commissions) leur échappe. A la différence d’Apple Pay, on peut ici avoir un compte créditeur, un simple compte courant non rémunéré mais tout de même, et donc Paypal peut faire office de deuxième compte réservé à Internet.
3 – Une étape supplémentaire est franchie avec le Compte-Nickel puisque ce service propose, comme il le dit lui-même « un compte sans banque« . Cette société ne se limite pas à un site Internet, elle possède un réseau d’agences national grâce… à plus de 600 buralistes partenaires dans lesquels le client ouvre son compte et dépose du liquide ! Cependant, si la banque a disparu, le « système bancaire » demeure à travers la carte bancaire, qui provient de Mastercard. Il s’agit d’un « véritable » compte, on peut payer sur Internet, retirer du liquide dans les Distributeurs Automatiques de Billets (DAB) (mais en payant une commission).
4 – Pour observer un service qui fonctionne entièrement en dehors du système bancaire, il faut aller en Afrique. Sur ce continent, le taux de bancarisation se monte à 20 ou 30% seulement, par contre tout le monde possède un téléphone : cela n’a pas échappé à Orange (en Afrique de l’Ouest) et à Vodaphone (en Afrique de l’Est) qui ont développé des services bancaires complets fonctionnant sur un portable, Orange Money et M-Pesa. Paiement de portable à portable ou de factures, virement, placement sur des produits d’épargne, tout est possible. Dans ce modèle, le système bancaire classique a tout simplement disparu. Orange va bientôt s’implanter en France, mais en signant des partenariats avec des banques, nous verrons pourquoi.
Aux Etats-Unis, les grands distributeurs, dont le premier d’entre eux, Walmart, réunis au sein d’un consortium (MCX), lancent une carte de paiement totalement indépendante du système bancaire : CurrentC. Il s’agit pour eux de ne plus avoir à payer les frais liés aux cartes bancaires (aux Etats-Unis, ils représentent 40 milliards de dollars par an). Par rapport au Compte Nickel, ce système s’affranchit de Mastercard.
5 – Tous les systèmes précédents fonctionnent avec la monnaie officielle (l’euro ou le dollar aux Etats-Unis). Pour quitter à la fois le système bancaire ET le système monétaire, il faut aller du côté des monnaies complémentaires : une association remplit la mission de la banque centrale et de la banque de détail en émettant et en gérant la devise. Ceci dit, la plupart d’entre elles sont directement reliées à la monnaie officielle (1 chiemgauer = 1 euro, 1 WIR = 1 CHF) et, de fait, dépendantes de leur évolution (taux de change, politique d’assouplissement quantitatif, inflation, ou déflation). En outre ces monnaies sont locales et d’une diffusion restreinte.
Pour avoir des monnaies véritablement indépendantes de la monnaie officielle, il faut considérer les monnaies complémentaires basées sur des actifs réels. Les plus répandues sont celles basées sur le temps, comme les SEL (l’actif réel est une heure de travail). On peut aussi citer, au Japon, le WAT (1 kilowattheure produit par énergie renouvelable) mais ce type de monnaie s’avère très rare.
6 – Dernière étape avec le bitcoin : une monnaie totalement indépendante et, pour être certain qu’elle le demeure, décentralisée, il n’existe donc plus de serveur central dont une organisation pourrait prendre le contrôle. Et à la différence des autres monnaies complémentaires, elle est universelle (il suffit d’une connexion Internet).
Nous pourrions rajouter au même niveau, même si son usage diffère, l’or, qui a longtemps été la monnaie de référence avant de perdre son rôle d’étalon monétaire, mais qui pourrait revenir un jour sur le devant de la scène, ne serait-ce que comme monnaie complémentaire internationale (une idée qui fait son chemin).
Des groupes très puissants, avancent progressivement leurs pions au lieu de se lancer frontalement à l’assaut des banques
Dans cette pyramide, où l’on se détache progressivement du système bancaire traditionnel, le gros des enjeux se situe à la base, avec les nouveaux acteurs technologiques (Apple, PayPal, Orange, Compte-Nickel) qui cherchent à remplacer les banques, ou au moins à leur prendre une importante part de marché. Par contre, les monnaies complémentaires ou le bitcoin ne les intéressent pas ; leur ambition consiste à apporter un meilleur service au consommateur, pas à initier une révolution monétaire.
Apple possède déjà les numéros de cartes bancaires de ses 800 millions de clients via l’inscription obligatoire à iTunes (la boutique de vente des applications et de la musique), et il aurait pu leur permettre de s’envoyer directement de l’argent, comme sur PayPal, et devenir d’un coup le premier site de paiement au monde. Cela aurait représenté une véritable déclaration de guerre aux banques, qui ont les moyens de se défendre et, grâce à leurs liens avec le pouvoir politique, d’infléchir la réglementation dans leur sens de façon à gêner les concurrents.
Apple a préféré jouer plus subtilement en s’alliant avec elles : son objectif consiste surtout à habituer le consommateur à payer avec son smartphone, ensuite le pouvoir aura basculé de son côté. De la même façon, Orange Money commence à s’implanter en Europe et bientôt en France, mais en signant des partenariats avec des banques.
On l’aura compris, ni Apple Pay ni Orange Money (qui vont bientôt s’implanter en France) ne permettent de se débancariser, parce qu’ils signent des partenariats avec des banques et se comportent comme de simples intermédiaires.
PayPal, lui, permet de se débancariser…
… dans une certaine mesure seulement, puisque l’on peut avoir un compte courant créditeur, que l’on utilisera comme un deuxième compte courant. Mais cela est possible sur Internet uniquement, pour les sites qui acceptent ce moyen de paiement. PayPal est justement en train d’essayer de se déployer auprès des commerçants « physiques » (en test à Nancy actuellement), en signant des partenariats avec eux. On pourra alors payer avec son compte Paypal via son smartphone, mais ce procédé mettra du temps à s’étendre.
Compte-Nickel : un vrai outil de débancarisation
S’il permet de se passer complètement d’une banque, le Compte-Nickel permet, lui, d’avoir une carte bancaire classique permettant de payer chez n’importe quel commerçant ou site Internet, de retirer de l’argent (moyennant une commission). L’avantage est évident par rapport à PayPal : on a ici un service bancaire complet… sans banque !
PayPal et le Compte-Nickel sont des organismes financiers très sains : ils n’ont pas de banque de marché, ne font pas crédit, et il est techniquement impossible de se retrouver en négatif sur son compte. Ils sont donc structurellement en excédent de trésorerie. Précisons en outre que PayPal est rentable depuis longtemps, et que ce sera bientôt le cas pour le Compte-Nickel (point mort à 100 000 clients, il est à 90 000). Le Compte Nickel constitue donc aujourd’hui un véritable outil de débancarisation. C’est une pure banque de dépôt, comme au temps révolu de la séparation entre les banques de marché et celles de dépôt !
Des monnaies conçues pour la consommation…
Continuons à progresser dans la pyramide que nous avons esquissée, et abordons les monnaies complémentaires. Disons-le de suite, elles ne constituent pas un outil de débancarisation, ou alors seulement à la marge. Outre le fait qu’elles sont rares sur le territoire national, il n’y a aucun intérêt à la thésauriser, elles ne sont pas faites pour cela.
Certaines sont même « fondantes », c’est-à-dire qu’elles sont affectées d’un taux d’intérêt négatif (ceci dit, cela commence à ressembler à l’euro !). Ce sont des monnaies conçues pour la consommation, des monnaies keynesiennes en quelque sorte…
Le bitcoin : totalement en dehors du système bancaire et monétaire
Avec cette nouvelle monnaie numérique, on se trouve complètement en dehors du système bancaire et monétaire ; la séparation est parfaitement étanche. Cependant, comme moyen de paiement, elle demeure tout à fait marginale pour l’instant, notamment en France. Et il faut compter avec le risque de change et son cours très volatil. Si on ne peut pas la considérer aujourd’hui comme un outil de débancarisation, il ne faut pas non plus l’abandonner : elle pourra intéresser certains comme placement, risqué mais intéressant. Le potentiel du bitcoin est élevé et la Silicon Valley ne s’y trompe pas en investissant beaucoup sur lui ; les levées de fonds de startups spécialisées sont fréquentes.
On le voit, les outils permettant de se débancariser demeurent encore rares.
Cependant l’arrivée de nouveaux acteurs technologiques dans le domaine bancaire constitue un mouvement de fond et l’on peut espérer que, dans les années qui viennent, les opportunités augmentent nettement.
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