« Je n’ai rien contre l’avortement s’il concerne des musulmans ».
Ces propos attribués en décembre 2015 à Marion Maréchal Le Pen ne vous semblent pas trop gros pour être vrais ? Ils mériteraient en tous cas qu’on en vérifie la source et l’authenticité. On y découvrirait en effet qu’ils sont une pure invention du Gorafi, un site parodique et satirique qui amuse des centaines de milliers d’internautes par mois depuis 2012.
Règle n°1 : vérifier la source
Voilà une précaution que n’avait pas prise la sénatrice des Verts Esther Benbassa qui s’était alors fendue d’un tweet accusateur (« Du racisme primaire inadmissible et de la pensée puérile indigne« ) avant de reconnaître son erreur. Un coup d’oeil rapide au slogan du Gorafi lui aurait donné quelques indices : « Toute l’information selon des sources contradictoires ».
De l’avortement, on en a reparlé le 1er décembre dernier alors que l’Assemblée nationale a adopté la proposition de loi visant à pénaliser les sites Internet qui feraient de la « désinformation » sur l’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG). Ce n’est pas le débat sur l’avortement qui m’intéresse ici — en tant que fervent défenseur des libertés individuelles, mon avis est déjà clairement tranché. C’est surtout que ce délit d’entrave, qui avait déjà été élargi en 2011 et 2014, soit maintenant étendu à la sphère numérique.
Ce qui interpelle donc, c’est le rétrécissement progressif du champ de la liberté d’expression sur l’espace Internet. Il participe d’un climat général toujours plus restrictif qui a vu les géants Google et Facebook déclarer le 15 novembre dernier qu’ils prendraient des mesures pour couper les revenus publicitaires des sites de désinformation.
Mais qu’entend-on au juste par désinformation ?
Aujourd’hui, elle désignerait les sites qui propagent le mensonge. Si on interdit ce dernier avant même qu’il ne soit prononcé, on bascule dans la censure ! Laissons plutôt à la justice le soin de sanctionner a posteriori les fausses informations.
Et demain, la désinformation désignera-t-elle ceux qui laissent entendre un discours qui tranche avec celui des grands médias — et menace leurs intérêts ? Au rythme où vont les choses, il n’est pas interdit de s’inquiéter. La liberté, c’est encore le droit d’émettre un avis discordant ; c’est aussi, heureusement, le droit à l’erreur.
Nous sommes tous doués d’esprit critique et de capacité de discernement. C’est là le vrai rempart contre l’information erronée. Alors, de notre côté, continuons à nous informer avec précaution. La désinformation n’est pas toujours là où on le dit.
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