Sac sur le dos, chaussures de marche aux pieds, non sans une soif d’aventure et armé de curiosité, je suis parti à la découverte du Jura. C’était en été 2011.
Avant de m’y rendre, la région m’évoquait de beaux reliefs propices à la culture de la vigne, quelques clochers, des fermes, de la gentiane… Mais aussi de riches pâturages verdoyants, broutés par des vaches, dont le lait donnera le fameux comté.
Je ne m’étais pas trompé. Pourtant j’oubliais un élément de la culture locale : le « vin jaune. »
Un vin si particulier, si mystérieux et souvent ignoré des Français.
Je vous propose aujourd’hui de découvrir ce méconnu du patrimoine viticole français.
Rois des vins, et vins des rois
Pour la petite histoire, on raconte qu’Henri IV en aurait bu deux bouteilles avec son adversaire le duc de Mayenne lorsqu’ils signèrent le traité de Folembray en 1596. Le doux nectar apaisa sans doute l’animosité entre les deux hommes, favorisant la négociation et les concessions de part et d’autre.
Il était aussi le favori du diplomate et prince Metternich, du tsar Nicolas II, et j’en passe…
Louis Pasteur, né dans la région, en plus d’être un amateur, en étudia les propriétés microbiologiques.
Le vin jaune, deux surnoms pleins de sens
A Château-Chalon, berceau du vin jaune, on le nomme aussi « vin de gelée » ou « vin de garde. »
« Vin de gelée » car la récolte du Savagnin se fait en octobre, lors des premières gelées. Ce cépage unique et tardif puise dans la marne (le mélange d’argile et de calcaire dans lequel il étend ses racines) de précieux minéraux. Son raisin blanc à la peau épaisse, arrive à maturité grâce aux derniers ensoleillements de l’automne, son degré alcoolique est alors élevé et le gel préserve ses qualités aromatiques.
Le processus de vinification s’enclenche. D’imposants fûts de chêne accueillent le précieux liquide. Mais, c’est important, sans les remplir tout à fait. La poche d’air laissée par intention est capitale pour qu’un voile de levure mystérieux se forme en surface. Ce voile, caractéristique du vin jaune, le protège de l’oxydation, privant tout contact avec l’air ambiant.
La maturation totale durera 6 ans et 3 mois minimum !
Un vin qui pourrait bien vous survivre
Ce qui nous mène à son deuxième surnom : « vin de garde. » Le Château-Chalon a une capacité de vieillissement de 50 ans… minimum, oui j’ai bien dit minimum.
Le voile de levure y est pour beaucoup.
Il bat tous les records, et peut se garder plus de deux siècles, le tout en se bonifiant. De quoi faire pâlir d’envie une star botoxée.
En 1992, des passionnés ont pu déguster un millésime de 1774, année de la mort de Louis XV.
Avouez que cela force le respect.
Une bouteille unique en son genre
Et encore une particularité pour ce vin qui n’a pas fini de nous surprendre : il est mis en bouteille dans un « clavelin », dont le nom proviendrait de l’abbé du même nom, de Nevy-sur-Seille (début XXe).
L’origine de la bouteille en elle-même, est plus ancienne encore : elle remonterait au XVIIIe siècle ; une famille de vignerons de Château-Chalon aurait demandé aux verriers de produire une bouteille spéciale, pour un vin qui l’est tout autant.
En 1984 une décision européenne faillit la faire disparaître. Et pourtant cette contenance correspond à une vieille unité de mesure : le « chauveau » soit 62 cl. C’est à peu près l’équivalent d’un litre du breuvage après les 6 ans et 3 mois en fût. L’évaporation porte le très poétique nom de « part des anges. »
Un investissement long terme ?
En 2011, lors de la 15e édition de la Percée du vin jaune, une bouteille de 1774 s’est vendue, tenez-vous bien… 57 000 euros !
Une bouteille d’un millésime récent (2007-2008) vaut dans les 25 à 30 euros. La plus-value potentielle à long terme pour de très bonnes années, est exponentielle.
Si comme nous, vous considérez que le vin a toute sa place comme investissement, le vin jaune est un bon pari à long terme
A votre palais !
Je ne pourrais conclure cet article sans parler de la dégustation de ce vin d’or.
Loin d’être un spécialiste, je peux vous dire que son goût est particulier ; bien différent des rouges ou blancs que vous avez l’habitude de boire.
Une lampée du liquide couleur topaze vous laissera un arôme de fruits secs d’une très longue persistance. On peut y déceler des notes de noix, d’amandes, de noisettes, de fleurs, de miel, et de pomme verte, voire même d’épices.
Avec du foie gras ou du lapin c’est un délice. Même chose pour les poissons (truites notamment) ou les huîtres. J’ai pu essayer avec des sushis, le résultat est convaincant. En fromage, on choisira du comté.
En dessert, il complète très bien une tarte aux noix pour rester dans les mêmes saveurs, ou bien paraît-il, se marie volontiers avec le chocolat.
Ce vin n’a pas fini de livrer ses secrets.
En plus d’être un produit de terroir dont on peut être fier, le vin jaune, au même titre que d’autres vins, peut constituer un placement de choix pour diversifier ses placements, tout en se faisant plaisir.
Dans notre rapport spécial Grands Crus, vous trouverez tous nos conseils pour choisir les bouteilles de vin à mettre dans votre cave. Comment faire votre sélection ? Quelles années privilégier ? Quel rendement espérer ? Réponses !