Je nous revois, mon petit frère et moi, à l’aube des années 2000, appuyer frénétiquement sur les manettes de la Nintendo 64 – notre nouvelle console de jeux vidéo fraîchement acquise.
C’était une console atypique : elle se distinguait de la populaire Playstation – qui était beaucoup plus réaliste et disposait de davantage de choix dans les jeux. Mais la Nintendo 64, elle, brillait par son extravagance. Elle assumait d’être immature.
Nous y avons beaucoup joué puis, petit à petit, le charme s’est estompé. Beaucoup de mes amis l’ont délaissée pour s’en offrir de plus modernes – c’est dans l’ordre des choses. La mienne est restée là, chez mes parents, jusqu’à se faire oublier.
Nous avons pris l’habitude d’y rejouer une à deux fois par an, lors des repas de famille. Et nous nous laissons reprendre au jeu, comme aux plus belles heures de nos parties endiablées.
Enfant de la génération Y, j’ai grandi au rythme du développement toujours plus soutenu des jeux vidéo. Et si j’ai fini par m’en lasser, je fais figure d’exception. Car nombreuses sont mes connaissances qui sont restées de grands enfants, et continuent de s’affronter sur les derniers opus – sur console ou sur PC.
Fortnite, Red Dead Redemption, Call of Duty, League of Legends ou encore FIFA 19 rassemblent des millions de joueurs chaque jour, de tous âges et de toutes générations. Le premier cité est même devenu un véritable phénomène de société, jusqu’à s’inviter sur les terrains de la dernière coupe du monde de football.
On y a vu Antoine Griezmann, l’attaquant de l’équipe de France, célébrer ses buts en reproduisant la danse « Take the L » bien connue des joueurs de Fortnite. Fin 2018, le site Bloomberg rapportait que 200 millions de personnes dans le monde jouent ou ont joué au moins une fois à ce jeu en ligne développé par Epic Games.
Source : La Voix du nord
Il y a quelques années encore, les jeux vidéo étaient l’apanage des jeunes générations. Les enfants des années 90 se rappellent même qu’ils furent sources de conflits avec leurs aînés.
Mais les « gamers » – entendez les amateurs de jeux vidéo – ne sont plus seulement ceux que l’on croit.
Le profil du joueur n’est plus figé
Si en 1994, l’âge du joueur moyen était de 19 ans, il est aujourd’hui de 34 ans, selon le baromètre 2018 du Syndicat national des jeux vidéo. En France, 70% de la population joue de manière régulière ou occasionnelle et 52% des foyers français sont équipés de consoles de jeux de salon.
Le gaming, un passe-temps exclusivement masculin ? Non plus. D’après ce même baromètre, les hommes restent majoritaires, mais ils ne le sont que très légèrement, à 53,1%.
L’image de l’adolescent boutonneux qui se jette sur sa console dès son retour de l’école, puis éteint la télévision en catastrophe et feint de réviser ses mathématiques lorsque les pas de sa mère se font entendre dans le couloir a jauni. Les enfants d’hier sont devenus grands, ils ont emmené avec eux leurs consoles de jeu et, parfois, ils ont converti leurs parents.
L’appropriation de cet univers par des publics si divers qu’ils rendent obsolète l’identification d’un profil-type, c’est la grande victoire de l’industrie des jeux vidéo.
La revanche des dilettantes
Longtemps, le jeune amateur de jeux vidéo fut caricaturé en un geek asocial et fainéant, qui sacrifiait ses chères études sur l’autel de sa dépendance. Ce fut ainsi le principal motif de discorde avec ses parents, qui voyaient d’un très mauvais œil ce hobby prendre le pas sur les devoirs – voire sur une passion plus gratifiante, comme le piano ou le sport.
« Tu veux devenir joueur de jeux vidéo plus tard ? » lançaient, soucieuses et amères, les mamans du monde entier.
Malgré toute l’insolence de sa jeunesse, Turner Tenney n’aurait jamais osé répondre par l’affirmative. Né en 1988, Tfue (c’est son pseudo sur Fortnite) a pourtant gagné près de 500 000 $ en participant à des tournois en ligne.
C’est qu’aujourd’hui, les meilleurs joueurs s’adonnent à leur « passe-temps » devant des milliers de fans, sur des plateformes de streaming (Twitch en est la plus représentative) et même dans des stades de football !
Source : Wikipédia
Et les gains peuvent devenir colossaux. Dans le sillage de leurs adeptes toujours plus nombreux, les jeux vidéo sont devenus un spectacle grand public, qui génère beaucoup d’argent.
Un spectacle qui a pris une telle ampleur qu’il a bien fallu inventer un néologisme pour évoquer la discipline : il s’agit de l’eSport. Les joueurs professionnels sont ainsi financés par des sponsors, par les plateformes de streaming qui diffusent leurs parties et les rémunèrent en fonction de leur audience et par leurs gains en tournois. Des tournois qui commencent à beaucoup intéresser la télévision, qui, attirée par l’explosion de l’industrie, les diffuse tels des matches de football, commentateurs à l’appui.
Il n’y a aucune raison pour que nous n’en profitions pas également.
Jouons ce secteur en plein boom
League of Legends ne m’intéresse pas. Et je ne m’imagine pas m’asseoir dans un stade en furie pour observer des gens jouer à Fortnite sur un écran géant. Ou alors une fois, par curiosité. Je ne doute pas que vous partagiez ce sentiment. Encore que tout est possible… Je n’en sais rien.
En revanche, nous savons reconnaître une tendance profitable et nous intéresser à ses perspectives de croissance.
Le 30 avril dernier, le cabinet d’analyse Newzoo BV a estimé que le chiffre d’affaires mondial de l’industrie des jeux vidéo devrait atteindre 151,9 milliards de dollars en 2019. Le bureau d’étude Digi-Capital quant à lui s’est projeté en 2022 : il prévoit que ce même secteur génèrera 235 milliards de dollars.
Dans son service Top 1%, James Altucher s’intéresse aux trois valeurs à surveiller très attentivement en 2019 et qui pourraient bénéficier de la croissance phénoménale de cette industrie.
Parmi elles, Logitech (NASDAQ : LOGI) figure en bonne position.
Logitech fabrique des claviers et des souris pour le gaming, des accessoires pour smartphones, des webcams et des équipements de streaming. Surtout, la société s’intéresse de près à la promotion de l’eSport dans le monde.
L’été dernier, des rumeurs persistantes faisaient état d’une possible intégration de l’eSport parmi les disciplines olympiques, avec une première tentative dès les JO de Paris 2024.
Improbable ? Le président du CIO, Thomas Bach, a tout de même dû s’exprimer sur le sujet, précisant que les jeux qui promeuvent la violence ne pourraient pas être acceptés.
Zhang Dazhong, le président d’Alisports (filiale sportive du géant chinois Alibaba et partenaire du Conseil Olympique d’Asie), abonde en ce sens : il souhaite que la candidature se concentre sur les jeux vidéo de sport pour respecter au mieux les critères du CIO.
Il faut dire que l’eSport est déjà en lice pour intégrer les Jeux asiatiques de 2022 sous forme de discipline officielle. Les simulations sportives sont en haut de la pile.
Si la demande paraît fantaisiste à première vue, elle ne cesse de gagner en crédibilité. Selon le PDG de Logitech, Bracken Darrell, une telle évolution est même inévitable. Ce dernier est allé jusqu’à rencontrer le CIO pour aider le groupe à délibérer sur la date d’intégration des eSports aux Jeux olympiques.
Rappelons que le CIO a validé la présence du karaté, du baseball-softball, du skateboard, du surf et de l’escalade comme nouvelles disciplines olympiques à la demande des organisateurs de Tokyo 2020. Il y a 10 ans, cette intégration pouvait paraître tout aussi fantaisiste.
Évolution du cours depuis 10 ans
Bracken, lui, y croit dur comme fer. Il a ainsi affirmé dans un entretien sur CNBC :
« Nous allons de plus en plus loin dans les e-sports à chaque lancement, et nous innovons vraiment très agressivement pour essayer d’améliorer l’expérience non seulement pour les joueurs amateurs ou les joueurs de compétition, mais aussi pour les joueurs professionnels. »
Si, comme le soutient le PDG de Logitech, l’eSport s’impose parmi les sports les plus importants au monde d’ici une à deux décennies, nul doute que la société suisse en aura récolté les fruits.