L’échec n’est pas une bonne chose. Les gens disent « j’ai tout perdu », « j’ai perdu mon entreprise » comme si c’était un insigne honorifique. Personnellement, j’appelle ça « la pornographie de l’échec« .
Certes, moi aussi je l’ai dit. Mais pas parce que j’en étais fier. Je l’ai dit parce que j’étais malheureux.
Nous avons tous connu l’échec. Nous avons tous dû l’affronter. Il n’est donc pas étonnant que beaucoup de gens tombent dans le piège de la pornographie de l’échec. Ils se disent que si cela leur est arrivé, c’est qu’il doit y avoir un côté positif.
D’accord, je peux comprendre. Cherchons donc quel pourrait être ce côté positif.
On peut en trouver un indice en remontant à 1965 avec l’histoire d’un homme qui voulait trouver une femme prête à tenter une expérience avec lui.
Quelle était cette expérience ? L’épouser et donner naissance à trois enfants géniaux.
La femme, Klara, décida d’épouser Laszlo Polgár, avec qui elle n’avait eu qu’une relation épistolaire.
Ils eurent trois filles. Ils décidèrent d’en faire des génies du jeu d’échecs.
La première fille, Susan, devint championne du monde d’échecs. La deuxième fille, Sofia, fut l’une des joueuses les plus talentueuses de son temps mais elle arrêta jeune. La troisième fille, Judit, fut l’une des femmes les plus douées de l’histoire et se classait systématiquement parmi les 10 meilleures joueuses au monde avant de prendre sa retraite.
Jamais auparavant, ni après, une famille n’avait engendré systématiquement des génies.
(Judit Polgár)
Tous les éléments habituels de la réussite et de l’apprentissage ont fait partie de leur vie.
Voici le secret.
1. RÉPÉTITION
Laszlo et Klara savaient à peine jouer aux échecs. On peut donc en déduire que la réussite de leurs filles n’est pas génétique.
En fait, Laszlo compulsa les jeux de milliers de grands maîtres à travers l’histoire, nota pour chaque partie la position critique à partir de laquelle le mouvement gagnant ou le mouvement perdant pouvait être joué, et les réunit dans un livre.
Le livre est aujourd’hui publié sous le titre Chess: 5334 Problems, Combinations and Games.
Je l’ai acheté et je le conseille à tous ceux qui veulent s’améliorer aux échecs.
Les situations sont toujours « les blancs jouent et gagnent » ou « les noirs jouent et gagnent ».
Le livre conseille de ne pas consacrer plus de quelques minutes à chaque position (perdre rapidement). Au bout de quelques minutes, si vous n’avez pas résolu le jeu (c’est-à-dire si vous avez perdu), alors rendez vous à la fin du livre pour voir la solution puis continuez.
(Pages extraites du livre)
D’expérience, je peux vous dire que cette technique fonctionne.
D’autres personnes jouent aux échecs tout le temps mais ne s’améliorent jamais. En effet, elles voient tellement de positions différentes qu’elles finissent par s’y perdre et n’ont jamais vraiment une occasion d’apprendre.
Lorsque nous répétons beaucoup, les connexions entre nos synapses vont jusqu’à 1 000 fois plus vite en développant de la myéline autour des connexions.
Peu importe si vous avez raison ou tort sur les 5 000 positions. C’est la répétition qui vous fait apprendre.
Comment cela s’applique-t-il dans d’autres domaines ?
- En sport. Au golf par exemple, répétez le même swing encore et encore avec un professeur à vos côtés qui vous dit ce que vous faites mal. Ne perdez pas de temps à jouer 18 trous : la plus grande partie de ce temps est passée à marcher et à réaliser divers swings qui n’ont rien à voir entre eux. Vous pourriez ne pas faire le même type de swing plus d’une fois pour les 18 trous et alors vous aurez fini.
- En entreprise. Un peu plus difficile mais testez plusieurs idées et abandonnez celles qui ne marchent pas. Faites appel à un mentor pour vous aider à trouver ce qui a mal tourné avant de réessayer.
- Dans le stand-up. Chris Rock est célèbre pour faire beaucoup de répétitions. Une année avant son grand show exceptionnel, il joue dans son petit club local, essaie diverses blagues et note lorsque les gens rient et lorsqu’ils ne rient pas (c’est son feedback). Il modifie légèrement les blagues ou les abandonne puis le lendemain, en jouant le spectacle suivant, il note ce qui arrive. Petit à petit, il commence à monter son spectacle en tournée. Ainsi, au moment où a lieu son grand show, il sait exactement quelles blagues feront le plus rire.
- Dans vos relations. Entretenir une relation est difficile. Mais en consacrant chaque jour du temps à trouver ce qui rend votre moitié heureuse (le mouvement gagnant), vous pouvez vous améliorer grâce à la répétition.
Il ne s’agit pas ici d’échouer mais d’essayer, d’avoir un feedback, de répéter, encore et encore.
Voilà comment on s’améliore.
[Lire aussi : Comment l’optimisme mène à l’échec]
2. ALLEZ LENTEMENT
Serge Rachmaninoff, le pianiste le plus véloce du monde, a déclaré : « La manière la plus efficace d’apprendre à mémoriser un morceau semble être celle qui évite de faire la moindre erreur. »
Comment y parvenir ? En avançant lentement.
On sait que lorsque Rachmaninoff répétait, il réglait son métronome au rythme le plus lent possible. Il jouait tellement lentement qu’il lui était pratiquement impossible de commettre une erreur.
Il n’acceptait pas les erreurs. Un jour qu’il donnait un récital au Carnegie Hall en duo avec l’un des meilleurs violonistes au monde, le morceau était si rapide que le violoniste n’arrivait plus à savoir à quelle page de la partition ils en étaient.
Paniqué, il murmura à Rachmaninoff : « On est où ? »
Ce dernier lui répondit sur un ton glacial : « Au Carnegie Hall » et continua à jouer sans le violoniste.
En résumé
- L’échec est une bonne chose seulement s’il ne dure pas et qu’un feedback est possible.
- La répétition est essentielle. Comme le dit Bruce Lee : « Je n’ai pas peur de celui qui a pratiqué 10 000 coups une seule fois, mais de celui qui a pratiqué un coup 10 000 fois. »
- Que ce soit par la répétition ou en allant si lentement que vous maîtrisez réellement les composants de quelque chose de beaucoup plus grand, vous finissez par développer de la myéline autour des synapses qui sont en charge des compétences que vous voulez apprendre. Grâce à la myéline, votre cerveau peut travailler jusqu’à 1 000 fois plus vite sur cette compétence. C’est cela qui distingue le champion de l’amateur.
- Le feedback vous permet de savoir tout de suite si vous faites une erreur. Le feedback peut provenir d’un bon professeur, d’un coach, d’un livre, des rires du public ou de l’argent gagné dans une vente.
Répétition + lenteur + feedback = GÉNIE.