Il est de bon ton de se moquer des Américains. C’est un sport dans lequel les Français ont toujours excellé. Dans les grands journaux, à la télévision, entre amis : trop souvent, nous prenons un malin plaisir à railler leur supposée inculture, leur manque de conscience politique, jusqu’à leur stupidité.
Elire Donald Trump à la tête de leur pays ? « Ils n’iront quand même pas jusque-là… Mais sait-on jamais ! » entendait-on ici et là durant les semaines précédant le vote, un sourire condescendant en guise de paraphe.
Prendre de haut les Etats-Unis à moins de 7 000 kilomètres de Nashville et de son quotidien, voilà qui nous réjouit. C’est ce même dédain dont ont fait preuve les grands médias et l’establishment américains à l’égard de Donald Trump et de ses électeurs. Un mépris de classe qui, comme pour le Brexit, a sonné la révolte.
Bien sûr, le programme de Donald Trump fourmille de mesures liberticides et de menaces pour la vie privée : il approuve et souhaite réinstaurer le Patriot Act qui permettrait à la NSA de reprendre sa collecte massive de métadonnées sur les téléphones américains ; il a suggéré que la liberté de parole sur Internet soit encadrée ; il souhaite rétablir les lois sur la diffamation afin de poursuivre en justice les médias qui écriraient « des articles sciemment négatifs et horribles« , ce qui fait craindre pour la liberté de la presse.
Au lendemain de son élection, on vit alors sur Twitter de nombreux Français s’écrier : « Rendez-nous la statue de la Liberté ! »
La liberté, parlons-en ! Nous en serions donc les chantres ?
Publié en catimini le week-end de la Toussaint, alors que les élections outre-Atlantique accaparaient l’attention de tous les médias, un décret du gouvernement autorise maintenant d’intégrer les données des demandeurs de cartes d’identité dans le fichier des passeports — le fichier des titres électroniques sécurisés (TES) — et d’y stocker les données personnelles, notamment les empreintes digitales, de tous les citoyens.
La vulnérabilité au piratage et les risques de détournement de ce méga-fichier qui contiendra à terme les données les plus confidentielles de 60 millions de Français peuvent nourrir des inquiétudes bien légitimes. Ce fichier biométrique permettra surtout aux autorités d’accéder à toutes ces informations, à partir de votre état civil.
J’entends encore la voix de ma mère, qui me répétait lorsque j’étais enfant : « Range ta chambre et tu pourras critiquer l’état de celle de ton petit frère ! »
Balayer devant sa porte, voilà un sport que nous devrions apprendre. Car l’autocritique, c’est encore la meilleure manière de se libérer de ses certitudes.
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