La plupart des entrepreneurs ont un rêve, celui de bâtir une entreprise qui vaut la peine d’être acquise. Il est assez aisé de comprendre pourquoi : en vendant une entreprise à forte croissance, la vie de la plupart des fondateurs change à jamais financièrement parlant.
Ce fut le cas pour les deux fondateurs d’Instagram, l’application de partage de photos extrêmement populaire utilisée par… à peu près tout le monde.
En 2012, Facebook a acheté Instagram pour la modique somme d’un milliard de dollars. À l’époque, l’application mobile comptait 30 millions d’utilisateurs, elle ne générait aucun revenu et faisait travailler treize employés. Aujourd’hui, l’application totalise environ 1 milliard d’utilisateurs mensuels et, selon The Guardian, les analystes estimaient qu’elle rapporterait environ 6 milliards de dollars de revenus publicitaires en 2018, avec une projection de 20 milliards de dollars d’ici 2020, soit le quart des revenus totaux de Facebook.
C’est pourquoi vous avez peut-être été estomaqué d’apprendre que les deux cofondateurs d’Instagram avaient quitté leur emploi en octobre 2018 pour « redécouvrir [leur] curiosité et [leur] créativité ».
Pour ma part, rien de surprenant.
D’entrepreneurs à employés bien rémunérés
Pour les fondateurs, l’acquisition a un côté positif : ils peuvent gagner une énorme somme d’argent. L’inconvénient, c’est qu’ils perdent le contrôle et deviennent des employés bien rémunérés et non des entrepreneurs.
Le revers de la médaille pour les employés bien rémunérés est le suivant : même s’ils disposent d’une grande marge de manœuvre pour prendre des décisions, ils doivent toujours rendre des comptes à quelqu’un d’autre, au final.
Ce fut le cas pour Kevin Systrom et Mike Krieger, les fondateurs d’Instagram. Ce fut également le cas pour Jan Koum, le fondateur de WhatsApp, l’application de messagerie achetée par Facebook en 2014 pour 19 milliards de dollars (oui, vous avez bien lu).
Tous ces fondateurs avaient des grandes aspirations pour leurs produits, notamment ne pas exploiter les données des utilisateurs, et ils pensaient pouvoir tenir Facebook à distance dans ce domaine, même après la vente. Mais, la réalité, c’est qu’ils n’ont pas été en mesure de lutter.
Comme le rapporte The Guardian :
« La seule chose étonnante à propos des expériences vécues par les fondateurs d’Instagram et de WhatsApp, c’est que tout le monde soit surpris de ce qui leur est arrivé. Facebook vampirise les données ; la société se contente d’aspirer les données relatives à la vie des utilisateurs afin de déterminer des cibles au profit des annonceurs. Tout ce discours moralisateur sur la ‘construction d’une communauté mondiale’ n’est que fadaises de la part de l’entreprise.
Et tout fondateur de startup qui souhaite être acquis par l’empire de Zuckerberg devrait se souvenir de la définition de la conciliation proposée par Winston Churchill : « Nourrir un crocodile dans l’espoir qu’il vous mangera le dernier. » Car c’est ce qui se passera. »
Ce sont des mots durs mais vrais qui illustrent mon propos depuis longtemps : peu importe combien vous gagnez, si vous ne possédez pas votre entreprise, vous n’êtes qu’un employé bien rémunéré sans contrôle, et votre emploi n’est jamais garanti.
L’esprit d’entrepreneur, l’antithèse de la personne qui veut gravir les échelons
Le réveil a été brutal lorsque Koum, Systrom et Krieger ont compris qu’ils ne contrôleraient plus rien dans les entreprises qu’ils avaient créées une fois vendues à une société comme Facebook, il est donc remarquable qu’ils soient tous partis lorsqu’ils se sont aperçus que leurs valeurs n’étaient pas respectées.
Ils avaient probablement ressenti ce conflit de valeurs depuis longtemps, mais ils espéraient que, de l’intérieur, ils seraient en mesure d’apporter un changement positif. De nombreux employés bien rémunérés et occupant des postes élevés ont le même sentiment, mais ils se rendent souvent compte qu’ils n’ont pas le pouvoir de faire ce qu’ils pensaient pouvoir faire.
Comme je l’ai mentionné plus haut, je ne suis pas surpris lorsque je vois d’anciens fondateurs qui, après avoir obtenu un poste bien rémunéré, quittent leur emploi. Pourquoi ? Tout simplement car ce n’est pas dans leur ADN.
Koum a déclaré : « Je prends un congé pour faire des choses que j’aime et qui n’ont rien à voir avec la technologie, comme collectionner des modèles rares de Porsche à air conditionné, travailler sur mes voitures et jouer à l’ultimate frisbee. Et je continuerai à encourager WhatsApp ‒ mais de l’extérieur. » System et Kriger ont expliqué : « Nous avons l’intention de prendre quelques jours de congé pour explorer à nouveau notre curiosité et notre créativité. Pour construire de nouvelles choses, nous devons prendre du recul, comprendre ce qui nous inspire et tout harmoniser avec les besoins de chacun d’entre nous ; c’est ce que nous avons l’intention de faire. »
Quand ces gens disent cela, ce qu’ils veulent vraiment dire, c’est : « Nous en avons assez qu’on nous dise quoi faire. »
C’est l’esprit d’entrepreneur au travail, et j’adore ça.
On ne sait pas ce que ces fondateurs prospères feront à l’avenir, mais il y a fort à parier qu’ils y réfléchiront à deux fois avant de redevenir des employés bien rémunérés, aussi tentante que l’offre puisse être.
Mais leurs histoires devraient être une source d’inspiration pour chacun d’entre nous, peu importe votre motivation à gravir les échelons de l’entreprise. Au contraire, vous devriez faire une pause et vous demander : « Chaque jour, quand j’arrive au travail, est-ce que je contribue à ce à quoi je veux contribuer et à ce que je veux vivre, ou est-ce que je suis juste un employé fantasmant sur un sentiment d’indépendance qui doit en définitive faire ce qu’on lui dit et dois-je entamer autre chose ? »
La question que vous devez ensuite vous poser est la suivante : « Qu’est-ce que je vais faire ? »