Pour devenir le meilleur, il faut d’abord accepter de perdre.
Nous étions en 1997. J’essayais de convaincre le manager de Tupac, qui était mort peu de temps avant, que je pouvais créer un site web pour certains des prochains morceaux posthumes du rappeur.
Je suis donc venu le voir, fin prêt, et il m’a dit : « Ok, montrez-moi ce que vous avez fait. »
Il s’est levé de son bureau et m’a invité à m’asseoir devant l’ordinateur.
Problème : je n’avais JAMAIS utilisé de PC auparavant. Je ne connaissais que les systèmes Mac et Unix. Je ne savais même pas comment allumer un PC.
Je le lui ai avoué.
Il s’est mis à rire. « Vous voulez que je vous confie la création des sites de Tupac, et vous ne savez pas vous servir d’un ordinateur ? »
« D’un PC », ai-je précisé.
« D’un ordinateur ! Fichez-moi le camp d’ici ! »
C’est ainsi que notre réunion s’est terminée.
Je me sentais si mal que j’étouffais. J’avais laissé tomber mon entreprise. J’avais risqué notre paie (que nous parvenions à peine à nous verser d’un mois sur l’autre). Je me sentais vraiment bête. Plus tard ce jour-là, j’ai participé à un tournoi d’échecs et j’ai perdu un tas de parties. C’est à ce moment-là que j’ai arrêté les tournois.
J’avais le sentiment d’être un loser. Que ferais-je si cette entreprise faisait faillite ? J’avais trop honte pour envisager de repartir chez HBO. On se serait moqué de moi. Et que deviendrais-je si je me retrouvais fauché ? Tout le monde me détesterait !
J’étais nul.
Dans tous les domaines de la vie, pour devenir bon, il faut d’abord accepter de perdre.
Presque chaque fois que j’ai essayé de m’améliorer, de réussir ou de m’épanouir dans une activité donnée, j’ai dû passer par des moments terribles.
Il m’a fallu des années pour devenir bon en day trading. Ce n’est qu’après avoir mis au point un logiciel capable d’analyser les données des marchés et de faire les trades à ma place que j’ai commencé à comprendre ce que je ressentais.
Avant de devenir bon au poker, j’ai dû perdre beaucoup d’argent et examiner en détail les statistiques et les stratégies adoptées par les meilleurs joueurs. Ce n’est qu’après que j’ai enfin été capable de récupérer ma mise, puis de gagner un peu d’argent de temps à autre (en de rares occasions).
En ce qui concerne l’entrepreneuriat, ce fut brutal.
BRU. TAL.
Même le stand up (je me suis produit sur scène plus de 1 000 fois au cours des quatre dernières années) nécessite d’affronter l’échec en permanence.
Pour reprendre ce que mon ami Jocko Willinck nomme « la responsabilité extrême » : si je monte sur scène et que personne ne rit, je ne peux pas blâmer le public.
Un autre ami m’a dit un jour : « Tu ne peux pas servir des sushis à des gens qui attendent un barbecue. »
Pourtant, même si personne ne rit – même si personne ne m’aime –, cela reste un bon moyen de travailler ma présence sur scène ou mes interactions avec la salle.
Je me souviens d’une fois, à mes débuts, où tous les spectateurs m’avaient soit ignoré, soit insulté.
Après que j’ai quitté la scène, l’animateur a dû lancer un « Tournée générale ». J’ai bien cru que la situation allait dégénérer.
Je me sentais si mal ce soir-là que je n’ai pas fermé l’œil. Même l’animateur m’a écrit au beau milieu de la nuit pour essayer de me réconforter.
J’étais nul. Et tout le monde m’avait vu faire un fiasco.
Beck
La BO de ma vie est la chanson Loser de Beck. Ce n’est pas de l’autodérision.
Accepter et RECONNAÎTRE les fois où l’on perd a quelque chose de fantastique.
Cette chanson a changé ma vie. Quand elle est sortie, Melrose Place et Beverly Hills étaient les meilleurs feuilletons du moment. Cela vous fera peut-être rire, mais c’étaient mes séries préférées.
Tous les personnages étaient beaux et couchaient les uns avec les autres. Tout le contraire de moi. Je n’aurais jamais plu à Heather Locklear, c’était tout bonnement impossible.
Nous étions environ six à nous retrouver chez Amanda pour regarder les épisodes en boucle. Amanda avait remarqué une manie intéressante dans le jeu de Shannen Doherty, dans Beverly Hills.
Chaque fois que l’actrice était sur le point d’exprimer une émotion, elle tirait légèrement la langue pendant une fraction de seconde. Amanda rembobinait la vidéo et repassait ces extraits en boucle pour observer l’instant exact où cela se produisait. « Là ! Sa langue ! » Je crois que c’est à ce moment-là que je suis tombé amoureux d’Amanda.
À cette époque, je venais de me faire renvoyer de l’université. Je n’étais absolument pas heureux avec ma petite amie. J’écrivais des nouvelles et des romans tous les jours, mais je ne parvenais pas à publier quoi que ce soit. Je détestais mon boulot, mes chefs, mes collègues. Je me suis même rendu dans la librairie de BD de mon quartier pour demander au gérant s’il cherchait quelqu’un. J’avais dix années d’expérience dans la programmation informatique et je voulais travailler dans une librairie spécialisée dans les bandes dessinées. J’aurais pu être le seul client. Il a fini par me répondre : « Tenir une librairie de BD, c’est très difficile. Je ne recrute pas vraiment de personnel. »
J’aimais les bandes dessinées autobiographiques en noir et blanc. Ce style a été lancé par R. Crumb, mais je pense qu’il a été parfait par Adrian Tomine, Joe Matt, Seth, Chester Brown, Peter Bagge, Dan Clowes, Art Siegelman (je sais, ce sont tous des hommes) et plus tard Marjane Satrapi (voilà, une femme !).
Les dessins avaient des imperfections. Les histoires étaient belles. J’ai piqué des thèmes de ces récits à de nombreuses reprises, vingt ans plus tard, dans mes livres.
Les personnages n’avaient pas de super-pouvoirs et avaient tous des problèmes relationnels. J’ai transmis ma passion pour ces BD à tous mes amis. Nous achetions systématiquement chaque nouvel album à sa sortie.
Ces bandes dessinées et la chanson Loser sont devenues une religion à mes yeux. Pour contrebalancer les êtres humains presque parfaits qui vivaient dans un immeuble minuscule nommé « Melrose Place », j’avais besoin de quelqu’un qui me ressemblait davantage : une personne complètement paumée, qui essayait d’être un artiste, mais se ridiculisait souvent, qui jalousait tout le monde, qui ne savait pas comment s’intégrer et qui craquait pour toutes les filles sauf sa petite amie.
La chanson Loser elle-même était un morceau sans prétention. Il était impossible de dire si Beck savait chanter (sa voix est presque entièrement monocorde) et les paroles n’avaient aucun sens. Un vrai charabia.
Les instruments semblaient sortis tout droit d’un placard de cuisine. Beck a enregistré la chanson en trois heures dans le salon de son ami.
Pourtant, elle a fait un tabac.
Il s’est avéré par la suite que Beck l’avait écrite pour plaisanter, car il était extrêmement frustré par ses propres échecs (il travaillait dans l’entretien des espaces verts ou quelque chose de ce genre quand il a produit cette chanson avec un ami).
Il a sorti Loser sous un label minuscule. Il s’est choisi lui-même après avoir été rejeté par les plus grandes maisons de disques à de multiples reprises.
Cette chanson est devenue un immense succès et Beck a finalement mené une brillante carrière.
C’est ce morceau qui m’a convaincu de diminuer toutes les attentes que j’avais envers moi-même.
Le bonheur = réalité – attentes.
Il n’y a rien de mal à viser l’excellence. Mais veillez toujours à ne pas dépasser les limites du raisonnable. Dans ce cas, le « bonheur », quelle que soit la définition que vous lui donnez, peut être aussi grand que possible.
Un mois après la sortie de la chanson, j’ai finalement passé un entretien pour un emploi (chez HBO) auquel je n’osais pas postuler depuis deux ans parce que je pensais que je n’étais pas assez bon.
J’ai eu le poste, j’ai créé une entreprise, je suis devenu riche, j’ai fait faillite, je me suis ridiculisé, puis j’ai recommencé, encore et encore. Autrement dit, j’ai commencé à vivre ma vie.
N’essayez plus d’être le meilleur
Tout le monde s’en moque. Et cela demande beaucoup d’efforts. Les ténèbres ont précédé votre naissance et elles suivront également votre mort, peut-être pour toujours. Essayez de profiter du petit éclat de lumière qui brille entre les deux.
Essayez de tirer une leçon de tout ce qui vous arrive dans la journée, notez-le dans un calepin
J’ai toujours sur moi un petit carnet comme celui des serveurs, dans lequel je griffonne un tas de choses. Ce n’est pas tant CE QUE VOUS APPRENEZ qui vous rend humble, mais plutôt le fait de réaliser que tout ce qui vous entoure est source d’enseignement. En fait, je ne relis presque jamais mes notes. J’aime juste apprendre. Tout le monde peut être votre professeur si vous savez prêter l’oreille.
Dans la chanson de Beck, le « loser » dit : « Les choses vont changer, je le sens »
Toutefois, c’est ironique. Les choses n’ont pas besoin de changer. Si vous êtes un loser, vous êtes comme tout le monde. De toute manière, c’est avec ce type de personnes que vous voulez vous lier, et non avec celles qui vous apprécieront uniquement si vous faites semblant d’être parfait. Parce que tout le monde fait semblant, croyez-moi.
Si vous gagnez de l’argent en faisant ce que vous aimez, cela n’a pas d’importance
Quel que soit votre travail, il existe un moyen de gagner autant d’argent en faisant quelque chose que vous aimez (si ce n’est pas déjà le cas).
Un jardin ne fleurit pas sans amour. Vous allez me répondre : « Mais je dois payer les factures. » Vous les paierez.
Mais faites d’abord ce que vous aimez, puis soyez certain que le reste suivra. Avant d’enregistrer sa chanson dans le salon de son ami, Beck était à la rue depuis quelques années. Diminuez vos attentes dans tous les domaines de votre vie pour qu’elles soient faciles à surpasser. Vous serez alors le premier surpris de vos nouveaux succès.
Si vous avez un certain âge et que vous avez un prêt immobilier, des enfants… Ne vous inquiétez pas. Commencez par faire ce que vous aimez en parallèle.
Appliquez ce que j’appelle la technique des « rayons d’une roue ».
La roue correspond à ce que vous aimez faire.
Les rayons sont les différentes sources de revenus ou activités qui vous permettent d’apprendre de nouvelles choses, de gagner de l’argent ou d’améliorer vos compétences en lien avec cette passion.
Par exemple, imaginons que vous aimiez le sport, mais que vous ne souhaitiez pas devenir un athlète professionnel.
Commencez par dresser la liste des différents rayons : ligue fantasy, paris, logiciels permettant de prédire les résultats sportifs à l’aide d’une intelligence artificielle, rédaction d’articles sur le sport, commentaires sportifs, objets de collections, etc.
Matthew Berry a quitté son emploi de scénariste à Hollywood. Il travaillait sur des films et avait beaucoup de succès.
Mais il a démissionné. Il détestait son travail.
En revanche, il adorait le sport. Il s’est mis à écrire des articles de blog pour 100 dollars. Il a développé cette activité, d’abord en parallèle, puis à temps plein.
Aujourd’hui, il est consultant en ligue fantasy pour la chaîne sportive ESPN.
Découvrez comment exploiter les rayons de votre roue grâce à mes conseils dans Les Dossiers d’Altucher !