Dans le monde des technologies, les nouvelles sont généralement bonnes. L’humain invente quelque chose de fantastique et sauve le monde, rideau. Vous voyez l’idée.
Eh bien, pas aujourd’hui. Aujourd’hui, nous parlons d’un problème si grave qu’il va nous forcer à reconsidérer certains de nos plus importants acquis de la fin du XXe siècle. Nous parlons des conséquences cataclysmiques de la stupidité et de l’égoïsme humains.
Mais, bonne nouvelle, il y a de l’espoir, ainsi que de belles occasions d’en profiter.
Alors, où est le problème ? Les antibiotiques sont sur leur lit de mort.
Retour à l’ère pré-antibiotiques
Vous ne seriez probablement pas là si les antibiotiques n’existaient pas. J’avais des otites chroniques quand j’étais enfant. Elles ont bien failli tuer mon grand-père, à qui l’on a dû ôter un gros morceau de crâne lorsque l’infection s’est répandue. Sans cela, il serait sûrement mort, et je ne serais jamais né.
Quand la même chose m’est arrivée, j’ai simplement avalé quelques pilules, et j’ai guéri. Si j’ai des enfants, on pourra naturellement s’attendre à ce que ces mêmes pilules fonctionnent pour eux aussi.
Mais, ce n’est pas le cas. Nous allons revenir à une ère médicale pré-Seconde Guerre mondiale, et ce ne sera pas beau à voir.
Les statistiques sont stupéfiantes. Vous savez, les contraceptifs sur lesquels vous comptez pour que votre famille ne grandisse pas de manière incontrôlée ? Selon vous, pourquoi les gens n’avaient-ils pas des familles énormes avant l’arrivée de la contraception ? La réponse est assez lugubre : dans les sociétés de l’Ancien Régime, avant la transition démographique, environ deux tiers des enfants mourraient avant d’atteindre l’âge de la puberté.
Même au XXe siècle, malgré les soins hospitaliers, l’agriculture industrialisée, les sanitaires modernes et des technologies de nettoyage avancées, plus de 10% des enfants décédaient pendant la petite enfance, principalement suite à des infections bactériennes (comme la pneumonie). Ce genre de statistiques est toujours une réalité dans certaines régions d’Afrique.
Pensez à toutes les fois, dans votre vie, où vous avez pris des antibiotiques (sans compter ceux que vous avez pris sans raison, pour soigner un mal de gorge ou un coup de froid).
Maintenant, imaginez un peu que vous jouiez à la roulette russe à chaque fois que vous prenez un antibiotique, parce qu’une infection bactérienne non traitée peut vraiment tuer. Eh bien, c’est malheureusement à ce genre de situations que nous risquons de revenir.
Comment en sommes-nous arrivés là ?
La faute à la résistance
Toute cure d’antibiotiques que vous ne prenez pas jusqu’à la fin aide à sélectionner, de manière agressive, des bactéries capables de résister au traitement. Ces bactéries résistantes sont les seules qui restent une fois que toutes leurs amies sont mortes. Et, bien sûr, elles commencent immédiatement à se multiplier et deviennent dominantes.
Leurs descendantes restent en vie dans votre organisme, et se répandent gaiement, comme n’importe quel autre germe. Vous vous changez en machine à diffuser des bactéries résistantes aux médicaments.
Ces gènes communiquent ensuite leur résistance à d’autres microbes qu’ils rencontrent, par le biais d’un transfert génétique (dans les grandes lignes, l’équivalent du sexe pour les bactéries). La nouvelle espèce ainsi créée, dotée de superpouvoirs, est ensuite prête à devenir dominante dès qu’elle rencontre une dose d’antibiotiques, et ce n’est pas ce qui manque.
Les unes après les autres, les souches de bactéries vulnérables aux antibiotiques sont en train d’être remplacées par des souches résistantes.
La fin du monde des antibiotiques prend forme, lentement mais sûrement.
Mais, la situation est pire encore.
Des antibiotiques dans vos nuggets
Parmi les idées terriblement stupides de l’espèce humaine au cours du siècle dernier, figure celle d’ajouter des antibiotiques aux aliments pour animaux, afin d’accélérer leur croissance. Eh oui, ces médicaments vitaux sont en train d’être gâchés pour faire baisser de quelques centimes le prix des nuggets de poulet au McDonald’s. Il va être difficile de trouver un exemple plus criant des limites du marché libre.
Inutile de vous dire que toutes sortes d’affreux microbes résistants aux antibiotiques sont en train de se développer dans les exploitations agricoles concernées.
Donc non, les nouvelles ne sont vraiment pas bonnes.
Mais, tout n’est pas perdu. Nous allons voir aujourd’hui quelques technologies qui pourraient bien être à l’origine d’une nouvelle ère de traitements. Peut-être.
Alors, comment tuer une superbactérie résistante aux antibiotiques ?
En réalité, ce n’est pas si compliqué. Un peu de javel ou des températures élevées suffisent. Le problème, c’est d’y parvenir sans tuer les patients que l’on essaye de guérir, étant donné que les faire bouillir n’est pas franchement une solution idéale.
Certains traitements pourraient bien fonctionner. Les bactéries ont leurs propres ennemis jurés : les virus. Connus sous le nom de bactériophages, ils sont tout aussi mortels que ceux qui peuvent nous affecter. Mais, contrairement à ces derniers, les bactériophages ne sont pas nuisibles pour notre santé. Ils ne se reproduisent pas dans nos cellules, mais seulement dans les bactéries.
La technologie dont je vous parle est donc l’équivalent d’une balle magique, capable de tuer les bactéries tout en ne faisant pas le moindre mal à l’hôte, ni aux « bonnes bactéries » qui peuplent nos intestins.
Mais, il est très difficile de faire accepter cette approche aux autorités réglementaires, car il est généralement nécessaire d’utiliser des combinaisons de virus. Il ne s’agit pas simplement de produits chimiques : ce sont des virus vivants, qui font leur travail en se reproduisant. Si les phages sont un traitement potentiellement prometteur, c’est un champ de mines en matière d’investissement.
C’est un pari inhabituel, mais une clinique en particulier détient peut-être la meilleure approche pour cette technologie. Et c’est ce que nous verrons dès lundi…
[NDLR : Mener la lutte contre les bactéries résistantes ? C’est la mission que vous propose Ray Blanco, et grâce à une biotech qui développe la nouvelle génération d’antibiotiques. Une valeur à retrouver dans NewTech Insider]