Nous avons récemment vu que la flat tax présente un certain nombre d’avantages sur d’autres types d’impôts. Encore faut-il qu’elle soit véritablement flat…
Premier problème pour une mesure qui se veut simple : le prélèvement forfaitaire « unique » (PFU), fixé à 30% (12,8% d’impôt sur le revenu + 17,2% de prélèvements sociaux), instaure une double dichotomie fiscale entre d’une part le « avant »et le « après »la réforme, c’est-à-dire en fonction de la période à laquelle ont eu lieu les versements et, d’autre part, selon le montant de ces derniers.
Les grandes lignes du projet initial présenté par le gouvernement peuvent être résumées comme suit : « rien ne change pour les revenus produits par les versements antérieurs à la réforme, quel que soit leur montant. Après cette date, la fiscalité de l’assurance-vie sera préservée jusqu’à 150 000 euros d’encours* nets, tous contrats confondus, pour une personne seule et 300 000 euros pour un couple »,déclarait Bruno Le Maire. (* il s’agit en fait du montant des versements et non des « encours », comme l’a initialement déclaré le ministre.)
Deuxième problème : la version originelle du PFU présentée dans le Projet de loi de finances pour 2018 était tellement ubuesque que son application revenait à favoriser les « gros épargnants » au détriment des « petits » en matière de retraits intervenant avant huit ans.
Le Parlement à la rescousse pour écarter le risque de censure du Conseil constitutionnel
Ce genre de règle revient à faire payer les contribuables de manière inversement proportionnelle à leur capacité à contribuer, ce qui aurait pu se révéler tout bonnement… anticonstitutionnel ! Face à ce risque, le député LREM Laurent Saint-Martin a déposé un amendement le 11 octobre, lequel a été voté en Commission des finances le 12 octobre et à l’Assemblée nationale sept jours plus tard.
Désormais, le seuil de 150 000 € est écarté sur les contrats détenus depuis moins de huit ans et tous les assurés bénéficient du PFU sur cette période, la distinction ne s’opérant qu’au-delà de huit ans.
Le résumé le plus clair et le plus succinct que j’ai lu à ce sujet a été formulé par le CGPI Guillaume Fonteneau sur Le Blog Patrimoine :
« Pour les contrats de moins de huit ans :
Tous les versements effectués à partir du 27 septembre 2017 bénéficieront de l’application du PFU à 30%. Cela signifie que l’instauration du PFU supprime l’importance de l’antériorité fiscale. Les taux de 35% + 17,20% de CSG/CRDS avant quatre ans, 15% + 17,2% de CSG/CRDS entre quatre ans et huit ans sont supprimés pour tous les versements réalisés après le 27 septembre 2017. Dorénavant, c’est le taux unique de 30% qui s’applique avant huit ans et cela quel que soit l’encours détenu en assurance vie.
Pour les contrats de plus de huit ans :
L’adhérent qui a versé plus de 150 000 € se verra appliquer le PFU à 30% (en réalité 12,8% d’impôt sur le revenu après un abattement de 4 600 € ou 9 200 € + 17,20% de prélèvement sociaux). Pour les autres, c’est-à-dire pour les adhérents qui ont versé moins de 150 000 € en assurance-vie, c’est le taux de 7,5% après abattement de 4 600 € ou 9 200 € + 17,20% de prélèvements sociaux qui s’applique. »
Le Revenu a résumé la situation dans le tableau ci-dessous :
Le fonds euros « le plus risqué du marché » n’est pas à capital garanti
Cette pratique s’est renforcée au mois de septembre en prenant toutefois un visage un peu différent. Cbanque rapporte que le Groupe Apicil va « généraliser la distribution de son fonds Euroflex » qui fait l’objet d’une particularité novatrice lui permettant de revendiquer le titre de fonds euros « le plus risqué du marché ». Il n’est en effet garanti qu’à 96% du capital atteint dans l’année (record battu), en contrepartie d’un objectif clair : afficher un taux de rémunération intéressant en allant chercher un surplus de rendement (entre 0,5 et 0,7%) là où il est, c’est-à-dire en dehors des titres de dette publique des Etats occidentaux. Le fonds pourra intégrer jusqu’à 24% de « produits risqués ».
La gestion pilotée désormais accessible à tous
Une autre tendance forte est la généralisation de la gestion pilotée, c’est-à-dire le fait de confier la gestion de votre contrat à quelqu’un dont c’est le métier. D’abord réservée aux plus gros contrats, cette prestation tend à se démocratiser depuis la fin des années 2000, après son introduction en ligne par Altaprofits et Lazard Frères Gestion en 2006. Ainsi, la banque en ligne ING Direct a-t-elle annoncé en septembre que le seuil qu’elle impose en matière de gestion sous mandat descendait à 300 € (contre 20 000 € à l’origine). Idem pour Generali, Altaprofits Vie et Boursorama Vie qui avaient précédé l’acteur néerlandais.
Détourner les assurés des fonds euros
L’accélération de cette démocratisation est l’une des réponses des assureurs en vue d’offrir à leurs clients une alternative aux fonds euros. La gestion pilotée est une stratégie que je recommande, dans la mesure bien sûr où l’on a pris soin de valider soigneusement la politique de gestion du gérant. Un critère qui me semble indispensable à cet égard est la capacité du gérant à sortir intégralement du marché pour se positionner en cash en cas de retournement à la baisse. Or, tous les gérants ne sont pas en mesure de pouvoir assurer et assumer une telle politique.
Enfin, les incitations des assureurs à l’attention des épargnants pour qu’ils « fourgoussent » leur contrat en euro pour les transformer en unités de compte ont de plus en plus de succès depuis 2013. cBanque** rapporte que « 131 000 contrats ont été transformés de monosupport en multisupports en 2016, soit 46 000 de plus qu’en 2012 ! » Rappelons que ce dispositif adopté en 2005 impose d’investir au minimum 20% du contrat en unités de compte.
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Et la fiscalité ?
Le candidat Emmanuel Macron a été élu sur des promesses de simplification et de baisse de la fiscalité. Au final, l’électeur-contribuable se retrouve avec de nouvelles usines à gaz et surtout avec une nouvelle hausse des dépenses nettes de l’Etat (386,3 Mds€, soit +1,5 Md€ par rapport à 2017) qu’il faudra bien financer (mais « c’est moins pire que si on n’avait rien fait », nous explique-t-on en haut lieu).
Une « flat tax » assez tordue
Une flat tax est un impôt à taux unique qui frappe tous les membres d’un groupe (citoyens ou entreprises) au même taux. Un exemple parfait en est la CSG.
L’un des avantages de ce type d’impôt est de rendre la situation des contribuables particulièrement lisible, au contraire par exemple de l’impôt progressif sur le revenu avec ses cinq tranches et ses wagons de niches fiscales. Face à une situation plus claire et simple, les agents économiques, particuliers ou entreprises, domestiques ou étrangers, sont en mesure de prendre des décisions de consommation et d’investissement plus rationnelles.
C’est ce type de mesure que d’aucuns attendaient d’un candidat qui avait « renoncé au socialisme » et que les médias présentaient volontiers comme « libéral ». Or, le prélèvement forfaitaire unique (PFU) à 30% n’a rien d’une mesure universelle puisqu’il comporte pléthore d’exceptions, lesquelles, au final, ne rendent aucunement les choses plus simples. Ce serait même plutôt le contraire comme nous le verrons très prochainement.
*http://www.cbanque.com/actu/64311/assurance-vie-la-gestion-pilotee-desormais-accessible-a-tous
**http://www.cbanque.com/actu/64575/assurance-vie-plus-de-130-000-transferts-fourgous-en-2016