Qu’ils fassent partie des classes moyennes ou qu’ils soient assujettis à la dernière tranche du barème de l’ISF, une très grande majorité des particuliers détient un ou plusieurs contrats d’assurance-vie avec un compartiment en fonds euros. Leur état d’esprit est bien souvent le suivant : « Ça ne rapporte pas grand-chose, mais au moins, c’est sûr ! »
Difficile de ne pas valider la première proposition, ce type de placement ayant vu son rendement moyen passer de plus de 6% en 1994 à 2,5% vingt ans plus tard. Ces estimations, que l’on doit à la Fédération française des sociétés d’assurances (FFSA), sont calculées nettes de frais de gestion, mais brutes de prélèvements sociaux sur les revenus patrimoniaux, lesquels ont évolué dans le sens opposé à celui du rendement des fonds euros, passant de 0,5% en 1996 à 15,5% en février 2012.
Passons sur les frais d’entrée, que certaines institutions osent conserver à 4% alors qu’ils sont nuls sur la plupart des « contrats Internet ».
Passons également sur le fait que votre tranche ISF peut être très proche du rendement net de votre fonds euros. Effectivement, le fonds euros, « ça eut payé… mais ça paye plus ! », comme disait Fernand Reynaud.
Pour autant, les fonds euros sont-ils « sûrs » ?
Cette légende repose sur le fait que l’assureur mentionne dans le contrat d’assurance-vie un taux de rémunération qu’il s’engage à verser à l’assuré. Le revenu procuré par le fonds euros est ainsi réputé « garanti ». Et pourtant…
Il y a un peu moins d’un an, fin octobre 2014, ce n’est rien de moins que le Gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, qui se prononçait lors d’une audition devant la commission des finances du Sénat en faveur d’une nouvelle baisse du taux de rémunération des fonds euros. Il s’agissait de prévenir le risque d’une variation importante des taux d’intérêt susceptible de pénaliser les ressources financières des assureurs :
« Il est très important que les compagnies d’assurances soient capables de faire baisser leur taux de rémunération, et j’attends cette année une baisse significative […] Je veillerai à ce que les compagnies d’assurance le fassent. Nous ne voulons pas qu’elles se mettent en risque « .
La version en ligne du Monde titrait le lendemain : « Assurance-vie : Christian Noyer a malheureusement raison » :
« En cas de remontée rapide des taux, les assureurs-vie risqueraient de voir les épargnants se positionner sur d’autres placements et multiplier les retraits de leurs contrats d’assurance-vie. Dès lors, les assureurs seraient obligés de vendre des obligations « à la casse ». Le problème serait systémique« .
Début novembre 2014, Fabrice Pesin, secrétaire général adjoint de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), le régulateur de la banque et de l’assurance, évoquait à son tour :
« un contexte unique dans l’histoire de l’assurance-vie, compte tenu des taux très bas » et appelait à la ‘prudence‘, invitant les assureurs à se « constituer des réserves pour gérer cet épisode de taux bas, ce qui implique de ne pas tout redistribuer aux assurés au titre de l’année 2014″.
Le mois suivant, le Haut conseil de la stabilité financière (HCSF) publiait un communiqué dans lequel il plaidait à son tour pour une baisse de la rémunération des fonds en euros. Cet organisme créé en 2013 et présidé par le ministre des Finances soulignait :
« L’importance pour les assureurs de faire évoluer le taux de rémunération des contrats d’assurance-vie en ligne avec les conditions de marché« . En juin 2015, dans son premier rapport annuel, l’autorité macroprudentielle tentait de ménager la chèvre et le chou : « En ce qui concerne la solvabilité du secteur, l’assise de fonds propres apparaît solide, y compris au regard des stress tests qui ont été conduits » mais… elle reconnaissait qu’ « à moyen terme », un environnement de taux d’intérêt durablement bas constituerait un « défi significatif » pour « le business model du secteur de l’assurance ».
Au mois de mai 2015, c’était au tour du FMI de s’alarmer de la santé de certains assureurs-vie européens. Les trois économistes en charge de l’étude en question écrivaient que :
« Les assureurs de taille moyenne avec des passifs de long terme qui ne correspondent pas à des actifs de duration similaire s’exposent à un risque particulièrement élevé et croissant de faillite ». Ils appelaient par conséquent les régulateurs à « réexaminer la viabilité des produits garantis et à œuvrer de manière à ramener les rendements minimums garantis offerts aux souscripteurs en ligne avec les tendances séculaires des taux d’intérêt« .
En juin, l’OCDE intitulait le compte-rendu de l’un de ses rapports de recherche : « La faiblesse des taux d’intérêt menace la solvabilité des fonds de pension et des assureurs ». On y expliquait que :
« Pour diminuer les risques d’insolvabilité, les assureurs pourraient être amenés à proposer des rendements garantis plus faibles sur les nouveaux contrats en vue de réduire leurs engagements voire, dans les cas extrêmes, à renégocier les conditions actuelles« .
Dernière déclaration en date : lors de sa réunion trimestrielle du 10 septembre, le HCSF considérait :
« qu’une poursuite des ajustements à la baisse, en particulier s’agissant de la rémunération des contrats d’assurance-vie, est nécessaire ».
Message à l’intention de celles et ceux qui chaque matin brûlent un cierge au fonds euros : cette unanimité des autorités financières n’augure pas d’une inversion de tendance !
Concrètement, quels sont les risques ?
Est-il utile de rappeler qu’en matière de finances, le risque zéro n’existe pas ? Florilège des mesures qui pourraient être prises si la situation venait à se corser sur les marchés des dettes souveraines :
- baisse des taux de rémunération au plancher du niveau garanti par votre contrat ;
- renégociation des conditions de rémunération stipulées par votre contrat ;
- restriction ou suspension des rachats (gel des avoirs) au sein de votre contrat sur la base des dispositions de l’article L612-33 du Code monétaire et financier ;
- faillite de votre assureur (en consultant cette page du Portail de l’Economie et des Finances du gouvernement, vous apprendrez peut-être que dans le cadre d’un contrat d’assurance-vie, « c’est la compagnie d’assurance qui possède les parts d’OPCVM qui composent les fonds en unités de comptes, ou les obligations qui composent les fonds en euros ». En cas de faillite, le « Portail » se referme donc sur l’épargnant avant qu’il ne puisse retirer ses titres).
Mais les assureurs ne sont pas les seules entités à être en difficulté. Les rédacteurs des Publications Agora vous rappellent assez souvent que c’est également le cas des Etats au niveau de leur dette, d’où les risques suivants :
- confiscation de tout ou partie de vos fonds euros pour les convertir en droits à la retraite, sur le modèle de ce qui a été envisagé ou pratiqué en Pologne, en Hongrie et en Argentine ;
- conversion forcée d’une partie de l’épargne nationale en dette d’Etat.
Comment préempter ces risques ?
Soyons clairs : certains épargnants, notamment du fait de leur grand âge, se retrouvent « coincés » sur leurs fonds euros, parfois d’ailleurs dans de très mauvais contrats desquels il ne leur serait néanmoins pas avantageux de sortir pour des raisons successorales. Pour les autres, des alternatives aux fonds euros existent. Nombre d’entre elles sont développées par Simone Wapler dans sa lettre mensuelle.
1 commentaire
[…] prochaines années et risquent la faillite”, déclare Armstrong — à ce sujet, voir mon article de la semaine passée). Cela entraînera la hausse du dollar qui nuira aux pays endettés dans cette devise, ce qui […]