13 juin 2012 | Valentin Petkantchin
Alors que l’Espagne se prépare à son tour à recevoir de l’aide européenne, la situation grecque semble moins attirer l’attention dans les médias ces derniers jours. Pourtant, les élections du 17 juin prochain pourraient bien la remettre au centre des débats, marquant un nouveau tournant dans la crise de la zone euro.
La sortie du pays de la zone euro est devenue en effet un scénario de plus en plus envisageable. Standard & Poor’s estime désormais qu’il y aurait « une chance sur trois » que la Grèce quitte la zone euro. Des plans de simulation face à un tel scénario vont également bon train à tous les niveaux. Bloomberg a ainsi récemment procédé à des tests avec un nouveau code pour la drachme grecque (XGD) que les cambistes ont pu apercevoir sur leurs écrans.
A l’évidence, l’idée d’un abandon de l’euro par la Grèce semble communément admise, notamment si la Grèce rejette le plan de sauvetage et les mesures d’austérité, comme le promettent notamment le parti d’extrême-gauche, Syriza, et son leader Alexis Tsipras. Ces derniers pourraient d’ailleurs bien se retrouver au pouvoir grâce aux élections ce week-end.
Or il est intéressant de constater que l’idée de la sortie de la Grèce de l’euro n’est pas envisageable pour Tsipras. Paradoxalement, une partie de la population grecque semble également ne pas croire aux menaces d’exclusion de leur pays de la zone euro.
Mais comment Tsipras et les Grecs pourraient-ils pourtant s’en sortir en gardant la monnaie unique, si l’aide internationale s’arrêtait et si la BCE refusait de financer davantage un Etat et des banques en faillite ?
Et si, contrairement au consensus, Tsipras – demain au pouvoir – avait bel et bien en tête de maintenir la Grèce au sein de la zone euro en dépit de tentatives d’exclusion, non prévue d’ailleurs par les textes européens ? Qu’est-ce qui empêcherait alors la Grèce – face à un arrêt de l’aide européenne – de se mettre tout simplement à « imprimer » des euros, tout en rejetant l’austérité, voire en se déclarant en défaut de paiement sur sa dette ?
Certes, l’idée semble peu vraisemblable en temps normal et va à l’encontre des règles et accords européens actuels. Cependant, il serait imprudent de l’ignorer en cette période de crise.
Pourquoi ?
Tout d’abord, parce qu’en cas de « clash » entre la Grèce et l’UE/BCE et de refus d’aide de ces dernières, le respect des règles européennes par les hommes politiques grecs pourrait bien passer au second plan. Notamment face à une situation de plus en plus chaotique dans le pays où, par exemple, à cause de problèmes financiers, une pénurie de médicaments prend forme et des coupures d’électricité sont à l’ordre du jour.
Ensuite, parce que la Grèce a physiquement les moyens de « créer » des euros. En effet, à force de répéter que la Grèce ne peut imprimer sa propre monnaie, on semble avoir oublié que la Banque nationale de Grèce dispose de sa propre planche à billets en euros. Et ce à double titre.
Premièrement, elle peut créer plus ou moins à sa guise en quelques clics de souris de nouvelles quantités d’euros sous le couvert d’un programme opaque, l’Emergency Liquidity Assistance (ELA). La Grèce aurait ainsi déjà « créé » plusieurs dizaines de milliards d’euros pour venir en aide à ses banques, allant — selon les estimations — de 60 milliards à 96 milliards.
Deuxièmement, la Banque centrale grecque est en mesure de faire tourner la planche à billets traditionnelle. Comme le prévoient les textes européens, l’impression de billets (et la fabrication de pièces) a été physiquement déléguée aux banques centrales nationales, dont la Banque nationale de Grèce. La Monnaie de Grèce (IETA) imprime d’ores et déjà des billets en euros. Techniquement, elle dispose d’une planche à billets dernier cri qui n’attend que d’être mise davantage en action. Comment la BCE pourrait-elle empêcher cela, si la Grèce devait faire face demain à une panique bancaire et à une population retirant en masse ses dépôts des banques ?
Enfin, rappelons que la Grèce a déjà « menti », notamment sur l’état réel de ses finances publiques : une première fois pour entrer dans la zone euro et puis à nouveau, en 2009, déclenchant alors la méfiance des investisseurs. Pourquoi ne pas le faire à propos des quantités d’euros créées, alors que la situation est largement plus catastrophique à l’heure actuelle ?
Une telle création monétaire « illégale » rappelle ce qui s’est passé en Yougoslavie en 1992-1994, lors d’une des pires hyperinflations de l’Histoire.
Faire tourner la planche à billets grecque à l’heure actuelle serait d’autant moins douloureux que le principal effet serait ressenti à l’étranger, via une dilution du pouvoir d’achat des euros détenus dans le reste de la zone euro. Bien qu’il soit impossible d’être certain que c’est la voie dans laquelle Tsipras compte s’engager une fois éventuellement élu, il serait imprudent en tant qu’investisseur d’ignorer ce risque et de baisser sa garde face à la dégradation de la situation en Grèce.
Source : http://www.bankofgreece.gr/Pages/en/Bank/Organization/buildings/IETA.aspx