Alors que les enchères pour l’attribution des blocs de fréquence 5G étaient espérées dès le premier trimestre 2019, Agnès Pannier-Runacher, la secrétaire d’État en chargé des télécoms auprès du ministre de l’Économie et des Finances, a annoncé le 30 janvier dernier qu’elles auraient finalement lieu à l’automne, en vue d’un déploiement attendu pour le début de l’année 2020.
Rappelons que ces enchères seront décisives pour les dix années à venir et qu’Orange semble bien placé pour en tirer parti.
Dans l’attente de cette échéance, Orange (ORAN) continue de capitaliser sur le déploiement de la fibre. Comme nous le rappelions en décembre dernier, sur les 3,3 millions d’abonnés à la fibre fin 2017, 2 millions étaient clients de l’opérateur historique. Une tendance qui n’a pas fléchi alors que l’entreprise de Stéphane Richard a publié ses résultats le 21 février dernier.
Son avance confortable sur le marché de la fibre optique se confirme : avec un parc de 2,6 millions de clients fibre fin 2018, Orange contrôle la moitié du marché français. Et cet élan ne se dément pas : sur les trois derniers mois de 2018, ce sont 186 000 clients qui ont signé pour bénéficier de la fibre d’Orange.
Le marché de la fibre est stratégique pour les opérateurs car il implique des revenus plus élevés et témoigne d’une meilleure rétention.
Grâce à cette puissance de frappe, et dans un contexte de plus en plus concurrentiel qui pousse à la promotion, Orange peut s’enorgueillir d’un chiffre d’affaires en hausse pour la deuxième année d’affiliée, à +0,9% pour 2018.
Pourtant, l’un de ses concurrents fait mieux.
Bouygues Telecom poursuit sa dynamique
Dans la foulée de la publication des résultats d’Orange, c’était au tour du groupe de Martin Bouygues de confirmer son renouveau amorcé il y a sept ans, lorsque l’arrivée de Free sur le marché avait plongé l’entreprise dans une crise sans précédent. Et tandis que le tribunal de commerce de Paris vient de rendre son verdict dans le procès que Bouygues intentait à Free depuis quelques années pour concurrence déloyale – un verdict qui a donné raison à l’entreprise de Xavier Niel –, ces résultats sont tombés à point nommé.
Car force est de constater que la stratégie mise en œuvre par le groupe pour son opérateur, orientée à la fois sur le marché du mobile et sur une diversification sur le marché des entreprises, a porté ses fruits.
Avec plus de 500 000 clients supplémentaires sur le mobile, Bouygues Telecom a franchi le cap symbolique des 20 millions de clients. Et l’opérateur affiche un chiffre d’affaires en hausse de 6% sur l’année 2018. Le PDG d’Orange Stéphane Richard, beau joueur, a même souligné la performance de son concurrent, « de très belle facture ».
Bouygues Telecom, filiale du groupe Bouygues (BOUY), se paie même le luxe de surpasser les résultats d’Orange sur le terrain de l’Internet fixe. Sur l’exercice 2018, la Bbox a enregistré 235 000 recrutements nets supplémentaires, contre 225 000 pour son concurrent. L’entreprise triple son flux de trésorerie disponible, qui passe de 57 millions à 188 millions d’euros.
Des résultats de très bon augure pour Bouygues Telecom qui a par ailleurs fait du marché des entreprises sa priorité en 2019. Il a déjà officialisé le rachat de Nerim, un opérateur alternatif spécialisé dans les offres pour les professionnels, après avoir racheté Keyyo en décembre 2018, un opérateur télécom spécialisé sur les petites et moyennes entreprises.
Une deuxième acquisition en l’espace de quelques mois qui lui permet d’afficher clairement ses ambitions sur ce marché estimé à 10 milliards d’euros.
Et pour couronner le tout, l’opérateur a pu compter sur une enquête de l’ARCEP pour promouvoir son image : on y apprend que Bouygues est l’opérateur mobile le plus performant dans les villes de moins de 10 000 habitants. Il n’en fallait pas plus pour s’en féliciter dans le cadre d’un nouveau spot publicitaire.
Free en embuscade
« Nous avons constaté un seul impact, à savoir : aucun impact. » Invité à commenter le lancement de la Freebox Delta, le dernier bijou de Free, Martin Bouygues en a profité pour adresser une petite pique à Xavier Niel. Il faut dire que quelques mois après sa sortie le 4 décembre 2018, la nouvelle Freebox avait suscité des inquiétudes chez les investisseurs qui attendaient un regain de clients dans le fixe.
Le début d’une descente aux enfers pour l’action Iliad (ILD), la maison-mère de Free, qui subissait une perte de plus de 30% en trois mois.
Et puis surprise : hier, jeudi 14 mars, Free prenait tout le monde de court en annonçant 100 000 nouveaux abonnés à sa nouvelle box haut-de-gamme. Plaisir de fin gourmet pour Xavier Niel qui s’est vengé dans un communiqué dithyrambique : « Nous avons été surpris par cet énorme succès. La Freebox Delta est une merveille tant pour sa connexion Fibre 10G, son agrégation xDSL+4G, son incroyable WiFi, Netflix inclus, que pour le son d’exception Devialet. »
C’est de bonne guerre.
Il n’en fallait pas plus pour rassurer le marché et pour que l’action d’Iliad reprenne des couleurs (+3,72% hier) quelques jours avant la publication de ses résultats qui aura lieu mardi prochain. Un retour vers les sommets ? Le pari se tente.
SFR attendu au tournant
Dans un tel contexte, c’est la publication des résultats d’Altice, le 28 mars prochain, qui seront particulièrement scrutés. L’inquiétude grandit en effet autour du nombre d’abonnés à l’offre fixe de SFR, alors qu’Orange et Bouygues ont publié des résultats spectaculaires et que Free a fait taire de nombreux sceptiques grâce à ses derniers communiqués.
Entre les mois de janvier et novembre 2018, SFR avait réussi à reconquérir le million d’abonnés parti vérifier si l’herbe était plus verte ailleurs, mais ce fut au prix de promotions spectaculaires qui avaient percé le panier moyen.
Les prochaines publications d’Iliad et d’Altice donneront des réponses claires aux investisseurs, dans un marché des télécoms qui voit d’ores et déjà sa hiérarchie bousculée.
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