Curieusement, ces derniers temps, marchés et agences de notation ont en ligne de mire l’Italie, moins bien notée que l’Espagne.
Pourtant, banques et immobilier vont mal en Espagne. Les deux pans de l’économie ibérique s’entraînent mutuellement dans leur chute depuis maintenant 14 trimestres. Entre explosion de la bulle immobilière et mesures d’austérité, rien ne semble pouvoir réanimer ces deux secteurs. Pas même l’action de la BCE. Dans un pays où le chômage dépasse les 20% de la population active, la situation semble désespérée.
Au troisième trimestre 2011, les prix de l’immobilier ont chuté de 7,4% selon l’Institut national de la statistique à Madrid. Fitch Rating estime que les biens immobiliers saisis par les banques valent 43% de moins en moyenne que le prix auquel ils ont été achetés. Pour la Banque Santander, la baisse des prix serait de l’ordre de 20 à 58%.
Les banques espagnoles ont beaucoup souffert de la crise financière de 2008. Alors que la BCE avait apporté une aide aux Etats périphériques de la zone euro en 2009, le système bancaire ibérique ne parvient pas à se relancer. L’Espagne, notamment, avait reçu un prêt de 84 milliards d’euros.
Des banques fortement tributaires du marché immobilier
Dans son Petit manuel d’économie – De la crise I américaine à la crise II européenne, Norbert Silverbach nous rapporte l’exposition des cinq plus grosses banques espagnoles au secteur immobilier :
- Banque Santander (27,33 milliards d’euros)
- BBVA (16,60 milliards d’euros)
- La Caixa (26,28 milliards d’euros)
- Popular (17,84 milliards d’euros)
- Caja Madrid (41,28 milliards d’euros)
Aujourd’hui, les prêts à la construction et à l’immobilier représentent 41% du PIB espagnol. En France, ce taux est de 21%.
Le gouvernement oblige les banques à un effort de provisionnement pour couvrir les pertes futures sur les créances immobilières. Ces provisions atteindront 50 milliards d’euros. Ces nouvelles provisions pour créances douteuses arrivent au mauvais moment puisque Bâle III oblige déjà les banques à augmenter leurs fonds propres.
La dégradation de la note espagnole de deux crans par Standard & Poor’s ne facilitera pas l’accès au financement des banques. Le système bancaire ibérique est d’ailleurs de plus en plus dépendant de la BCE. Les banques espagnoles ont emprunté 132,4 milliards d’euros à la Banque centrale européenne en décembre, contre 106,3 milliards en novembre, d’après les statistiques de la Banque d’Espagne.
“Le niveau de ces emprunts se rapproche ainsi du record historique de 140 milliards inscrit en juillet 2010. Les emprunts nets ressortent à 118,9 milliards, en nette hausse par rapport au chiffre de 97,97 milliards de novembre”, rapportait Le Figaro le 13 janvier dernier.
Les ménages sont dans l’impasse
Banques et immobilier sont englués dans un cercle vicieux. 95% des prêts immobiliers espagnols sont à taux variable, rapporte Norbert Silverbach. Lorsque l’inflation se déclarera, les taux d’intérêts des crédits espagnols augmenteront. Alors que le chômage reste très élevé, la pression sur les emprunteurs sera de plus en plus forte.
L’endettement des ménages représente déjà 86% du PIB espagnol tandis que celui des entreprises s’élève à 116% du PIB.
Ne parvenant plus à se financer sur les marchés internationaux, les banques espagnoles sont de plus en plus réticentes à accorder des prêts. Surtout avec l’augmentation récente des taux de créances douteuses.
En octobre dernier, le montant des prêts immobilier chutait de 46,5% par rapport à l’année précédente et de 31,7% par rapport au mois de septembre.
Parallèlement, d’après TV5 Monde, l’endettement des ménages est passé de 60% du revenu brut disponible en 1995 à 140% en 2007.
Les données inquiétantes s’entassent. L’Espagne n’a toujours pas purgé sa bulle immobilière. D’un côté les marchés financiers ne font plus confiance aux banques ; de l’autre les ménages sont dans une situation insoutenable (en témoignent les nombreuses manifestations).
Par comparaison, l’Italie, qui arrive malgré tout à exporter et qui n’a pas de bulle immobilière, semble moins atteinte.
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