On me dit souvent : « On ne peut pas se contenter de faire marcher la planche à billets ! Cela va provoquer une hyperinflation ! »
L’inflation est un concept qui fait peur et qui est difficile à appréhender dans sa globalité pour beaucoup de gens. (Y compris pour moi. Pour tout le monde, en fait. Personne n’y comprend rien.)
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Mais voici quelques pistes de réflexion…
Nous sommes actuellement en période de déflation. « Réductions spéciales pour les soldes : tout à -60% ! » Ce genre d’e-mails, ça vous dit quelque chose ? Eh bien, sachez que c’est le VRAI prix. Actuellement, dans la plupart des secteurs, les prix sont en forte baisse. La déflation est dangereuse, car elle incite les gens à reporter leurs décisions d’achat. Ils se disent : « Je vais attendre que ce soit encore moins cher. » C’est ce qui s’est passé au Japon dans les années 1990.
Une légère inflation, c’est une bonne chose. Cela veut dire que la société ne parvient pas à suivre le rythme de l’innovation. Une légère inflation stimule l’ensemble du système : cela favorise la création d’emplois, les gens ont l’impression d’être riches, la demande augmente, la consommation aussi, ce qui encourage l’innovation… et rebelote.
Les gens se trompent sur l’offre et la demande. J’entends souvent dire : « Si tu as 100 $ et que tu imprimes 100 $ de plus, cela divise par deux la valeur du dollar. » C’est l’une des affirmations les plus courantes à propos de l’inflation – et c’est totalement faux.
On me dit aussi : « Si le gouvernement fait marcher la planche à billets, la valeur du dollar va s’effondrer. » C’est peut-être vrai… mais pas forcément.
N’oublions pas que la valeur de N’IMPORTE QUEL BIEN dépend de l’offre… ET DE LA DEMANDE. J’en ai justement discuté avec des gouverneurs de la Réserve fédérale américaine il y a quelques semaines. En ce moment, la DEMANDE pour le dollar US est si forte qu’il est difficile de produire de l’inflation. Les autres pays continuent d’acheter de la dette américaine, ce qui fait baisser les taux d’intérêt et diminue la valeur du dollar.
Je parie que les États-Unis pourraient pousser cette logique à l’extrême. Si l’on émettait des bons du Trésor à 100 ans à un taux d’intérêt NÉGATIF, on arriverait sans doute quand même à en écouler à hauteur de plusieurs milliers de milliards de dollars, car les gens veulent désespérément investir en titres américains.
L’offre n’est pas la seule chose qui joue sur l’inflation. Dans les années 1970, lorsque l’inflation était un risque réel, d’autres facteurs entraient en ligne de compte : la guerre froide, les chocs pétroliers, la fin de la guerre du Vietnam et ses répercussions, la mise de place de nombreux programmes de protection sociale que le gouvernement américain avait encore du mal à financer…
Les gens se trompent sur la dette. Lorsqu’une entité s’endette, c’est un peu particulier. Si Jeff Bezos était endetté d’un milliard de dollars, ce ne serait pas la même chose que si moi j’étais endetté d’une telle somme.
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Les États-Unis affichent le huitième ratio d’endettement du monde, derrière sept autres pays. Nous sommes probablement le seul pays (avec le Japon, qui est le deuxième) à libeller de la dette en dollars US. Lorsqu’un pays émet des titres d’emprunt dans sa propre devise, il ne peut pas se déclarer en défaut de paiement… car il peut toujours faire marcher la planche à billets.
L’hyperinflation. Généralement, l’hyperinflation n’existe pas dans les pays qui émettent de la dette dans la même devise que celle dans laquelle ils prélèvent des impôts, contrairement à ce qui a pu se passer dans l’Allemagne des années 1920 (le pays a imprimé des marks pour payer ses dettes en livres sterling et en dollars) ou en Argentine plus récemment (le pays a saisi des pesos pour rembourser ses dettes en dollars).
Vous pourriez me demander : « Et si la demande pour les titres américains chutait ? » C’est une question légitime, mais le montant total des actifs des États-Unis en tant que pays (en combinant les actifs des entreprises, des citoyens américains et de l’État) dépasse les 300 000 milliards de dollars, tandis que la dette publique ne s’élève qu’à 180 000 milliards de dollars. Il y a donc une petite marge. Il est possible de taxer certains de ces actifs pour rembourser la dette, ou de restructurer cette dernière en fonction des actifs du pays.
L’inflation visée. Les États-Unis connaissent actuellement une période de déflation et s’endettent beaucoup. Notre objectif est d’atteindre une inflation de 2% ou 3%. Certains produits comme la nourriture, le papier toilette et même certains biens immobiliers (à l’extérieur de Manhattan, par exemple) connaissent une légère inflation, mais les autres secteurs sont en berne. Avec un peu de chance, le plan de relance du gouvernement fera effet et l’économie repartira vite.
Je pense que d’autres mesures doivent être prises pour nous aider à nous remettre en selle, mais nous verrons bien.
S’il y a bien une chose dont je suis sûr lorsque j’essaie de comprendre l’après COVID-19, c’est que je ne sais pas.