Lundi, je vous ai parlé de la base de l’intelligence artificielle. Vous pouvez relire cet article en cliquant ici. Aujourd’hui, je vais vous expliquer comment l’IA combine ces principes fondamentaux pour fabriquer des techniques plus avancées.
Nous nous en étions arrêtés au point D (le hardware).
E) STATISTIQUES + ARBRES
Vous souvenez-vous de l’ARBRE dans le jeu par ordinateur ? Et des STATISTIQUES dans la reconnaissance vocale ?
Revenons à présent à l’impossible jeu de Go. Google a développé le programme AlphaGo pour gagner au Go alors que tout le monde pensait qu’on n’y parviendrait pas avant 20 ou 50 ans.
D’abord, vous souvenez-vous de Kai-Fu Lee, qui a travaillé sur la reconnaissance vocale ? Qui a plus tard développé les premiers essais d’Apple dans la reconnaissance vocale dans les années 1990 ?
Un jour, alors qu’il était encore étudiant, il se lassa des commandes de bataille navale (on le comprend) et il décida de s’intéresser plus particulièrement à la construction d’un programme pour jouer au jeu d’Othello.
Il finit par construire le champion mondial d’Othello.
Il analysa beaucoup de parties, au moins un million, et les mit dans une base de données. Il qualifiait chaque position de chaque jeu de « gagnante » (s’il s’agissait d’une position du côté gagnant) ou de « perdante » dans une énorme base de données.
Il identifiait plusieurs attributs de chaque position (le nombre de pions blancs par rapport au nombre de pions noirs, le nombre de coins contrôlés, le nombre de pièces sur le côté, etc.).
Si l’ordinateur jouait à une partie encore inconnue pour lui, il déterminait tous les attributs de cette position, puis utilisait une Méthode de Markov cachée (souvenez-vous, la reconnaissance vocale) pour faire correspondre au mieux cette position dans la base de données.
Si la position concordait avec une « position gagnante », alors il faisait le mouvement qui mènerait à cette position gagnante. Si elle correspondait à une « position perdante, » il ne faisait pas ce mouvement.
Ce programme devint le champion mondial d’Othello.
AlphaGo alla encore plus loin.
Il entra les positions de millions de positions au Go et fit le même genre de répartition.
Il utilisa des hardwares plus rapides pour accélérer le processus.
Puis, une fois devenu assez bon au Go, il joua des MILLIARDS de parties contre LUI-MÊME pour faire entrer dans la base de données des MILLIARDS de nouvelles positions. En d’autres termes, il « apprit ».
Enfin, il fut prêt à jouer au Go… et battit à plate couture le champion du monde.
Voilà en gros les principes de base. Rien à dire de plus à propos de l’intelligence artificielle.
Admettons qu’une banque veuille virer tous les salariés en charge des prêts pour les remplacer par une intelligence artificielle.
Comment la banque prêterait-elle de l’argent ?
Des centaines de millions de prêts sont déjà accordés aujourd’hui. Pour chaque personne qui a un jour emprunté de l’argent, je connais :
– son âge ;
– où elle a grandi ;
– quel est son emploi, s’il elle est mariée ;
– si elle est divorcée, si elle a des enfants ;
– à quelle fréquence elle déménage, comment elle a remboursé des anciens prêts tels que celui-là.
Je sais même ce qu’elle achète sur Amazon et à quelle fréquence elle se rend à Las Vegas.
Je peux entrer tous ces vecteurs dans une base de données et les classer en personnes « ayant le plus de probabilité de rembourser le prêt » et en personnes « qui ont le plus de probabilité de faire défaut ».
Puis, tout comme pour la reconnaissance vocale ou le programme de jeu d’Othello, je peux me baser sur des statistiques pour déterminer à qui je devrais prêter de l’argent.
Et si je dis « non », je n’ai pas à donner d’explication. Au suivant !
Admettons que je veuille lutter contre des terroristes.
J’ai déjà des exemples de nombreux terroristes qui se sont entraînés aux États-Unis pour ensuite commettre des actes de terreur.
Je sais tout sur leur compte en banque. Combien de fois ils ont transféré de l’argent. Combien de fois ils ont voyagé. Combien de fois ils ont retiré du liquide et combien de fois ils ont utilisé une carte bancaire.
Etc.
Je peux construire un vecteur d’attributs de ce à quoi ressemble le compte en banque d’un terroriste. Puis je peux lancer une comparaison de nouvelles personnes avec cette base de données de vecteurs de terroristes.
Croyez-moi, chaque fois que vous effectuez un transfert bancaire, un programme d’IA quelque part essaie de déterminer si vous êtes un terroriste.
L’intelligence artificielle, ce n’est que ça.
Rien de plus. Ce n’est pas « intelligent » d’un point de vue humain. Ce n’est pas conscient, et ne le sera jamais.
Voici comment l’intelligence artificielle s’est améliorée au cours des 40 dernières années (et comment elle s’améliorera au cours des 40 prochaines) :
– les statistiques se sont améliorées ;
– les méthodes de construction des arbres se sont améliorées (c’était le sujet de mes recherches lorsque j’étais à l’université) ;
– le hardware est devenu plus rapide ;
– plus de données sont disponibles sur tous les sujets.
Ce qui change le plus vite, ce sont les données. La richesse à conquérir dans notre société moderne n’est pas la terre, ni l’or, ni le pétrole, mais les données.
J’ai investi dans beaucoup d’entreprises qui collectent et vendent des données. Ainsi, j’ai fait partie des premiers investisseurs de Bit.ly. Bit.ly représente entre 2% et 5% de la totalité du trafic Internet.
Croyez-moi, les entreprises orientées sur les données savent jusqu’au nombre de framboises que vous avez mangées l’été dernier.
En ce moment même, ces données sont essentiellement utilisées pour vous cibler pour des publicités à propos de baskets. Ou pour de la politique.
Mais nous n’en sommes qu’à l’IA 1.0. Bientôt ces données seront utilisées pour cibler chacun de vos mouvements, chacun de vos désirs, chacun de vos besoins.
Amazon Prime ne sera pas capable de vous livrer demain l’objet de vos désirs du moment. Amazon Prime Plus sera capable de vous avoir livré hier l’objet de vos désirs du moment.
La police 2.0 sera comme dans le film Minority Report.
Et la classe moyenne, qui a loyalement travaillé pendant 150 ans pour les entreprises, deviendra bientôt la classe inutile.
Même l’art et la musique seront guidés par une intelligence artificielle qui étudie les réactions neurochimiques aux musiques que vous aimez et à celles que vous n’aimez pas. Elle en composera donc en conséquence.
En quoi les êtres humains resteront-ils uniques ?
Je ne sais pas. Posez la question aux humains auxquels on a injecté des implants d’intelligence artificielle pour améliorer leur cerveau ; quand ils vous regardent, ils savent exactement quelles réponses vous rendront heureux.