Notre réputation de râleur invétéré nous précède dans le monde entier et on ne nous l’envie pas. Nous sommes les champions du monde de la sinistrose.
Il y a des situations dans la vie qui, sans aucun doute, méritent des plaintes. C’est une réaction naturelle qui permet de libérer les tensions accumulées à cause d’un événement. La perte d’un être cher, le fait d’être sans emploi, un divorce ou une maladie grave sont des expériences douloureuses dont on se plaint et qui peuvent susciter de l’empathie chez les autres.
Certaines personnes font des plaintes leur pain quotidien, au risque de prendre trop de place… De plus, elles pensent que toutes les « bonnes personnes » du monde sont obligées d’écouter encore et encore ces lamentations, car sinon elles sont insensibles ou égoïstes.
La science vous avertit des effets néfastes de la complainte. Cela est dû au fait que, pendant ce moment de frustration et d’impuissance, le cerveau libère des hormones comme la noradrénaline, le cortisol et l’adrénaline qui finissent par altérer son fonctionnement normal. Certains scientifiques affirment que le fait d’être exposé de manière réitérée à la plainte détériore ou élimine les connexions neuronales présentes dans l’hippocampe de notre cerveau. C’est précisément la zone chargée de trouver des solutions aux problèmes dont vous vous plaignez.
Pourquoi se plaindre ?
Lors d’une mauvaise expérience, d’un deuil, d’une rupture, vous pouvez passer par un état de colère. Vient la réflexion sur votre propre part de responsabilité dans ce qui vous arrive. C’est le signe que vous mûrissez, que vous avancez… mais vous poser en victime, vous contenter de vous plaindre de ce qui vous arrive, c’est assez facile…
Seriez-vous heureux d’être malheureux ? En France, on « adore » les victimes. L’art de se plaindre à la française, le « spleen » français fait l’objet de multiples conjectures parce que devenu un véritable nouveau mode de communication. Attitude capricieuse d’un pays trop gâté, sport national érigé en atavisme ou simple héritage d’une culture classique tendant au nihilisme plutôt qu’à l’optimisme ? Les conjectures se multiplient…
Je geins donc je suis
La plainte devient presque un ciment social. On partage ses moments de disgrâce devant la machine à café, sur son compte Facebook, sur Twitter… Les langues se délient, on est propulsé dans la sphère intime des uns et des autres.
Les forums se multiplient comme autant de déversoirs collectifs. Ils sont un exutoire aux frustrations, à la peur de la non-reconnaissance, à la peur de l’isolement.
Dans son livre intitulé Politesse, savoir-vivre et relations sociales (Puf), la psycho-sociologue Dominique Picard souligne l’importance du lien social, mais une chose a changé : « Il y a trente ans, la plainte avait encore la forme d’une revendication, qui sous-entend la possibilité d’agir. Désormais, c’est une plainte défaitiste, qui signifie « qu’y peut-on ? » »
Cela va jusqu’au déballage, voire à l’encensement des défauts comme pour mieux braver une société où règne la culture de la gagne aussi.
Si elle lie, la plainte devient aussi parfois un violent repoussoir
Celui qui se plaint cherche finalement à se faire reconnaître comme une victime aux yeux de son auditoire. Si en plus on le repousse, ses ruminations n’en seront qu’amplifiées… jusqu’à ce que ça devienne vraiment crispant pour l’entourage, le couple ou les collègues de bureau. Vous devenez alors le pauvre type ou la pauvre fille qui ne se rend plus compte de la chance qu’il/elle a, le Calimero de service.
Vous avez deux options : analyser chaque situation et chercher la solution la plus appropriée ou vous plaindre. Ce qui est inquiétant dans cette seconde option, c’est qu’elle devient facilement une habitude, qui vous limite dans votre vie et génère des attitudes négatives chez vous et les personnes qui vous entourent.
Vous pourriez continuer à penser que vous plaindre est une sorte de catharsis face aux pressions. Cependant, la plainte peut devenir, sans que vous vous en rendiez compte, une habitude que vous répétez comme un cercle vicieux qui, avec le temps, deviendra la réponse automatique face aux difficultés.
Celui qui se plaint trop n’a pas envie de résoudre ses problèmes et celui qui écoute trop n’a pas trop envie d’identifier les siens. C’est une condition de dépendance et de passivité face aux problèmes. L’énergie que vous dépensez à vous plaindre est celle dont vous avez besoin pour surmonter l’adversité.
Il y a des situations où la plainte devient une stratégie consciente ou inconsciente de manipulation. Le transgresseur ressent de la culpabilité et une manière de déguiser cette culpabilité est de réveiller chez l’autre des sentiments de compassion ou de solidarité, pour ne pas avoir à faire face aux conséquences de ses actes avec responsabilité. La plainte est un état de mal-être qui a tendance à se perpétuer, une condition qui produit de la souffrance mais en même temps une jouissance négative.
Pour surmonter cette habitude si usante, il est important de commencer par analyser les problèmes et d’évaluer la situation : que pouvons-nous faire, comment et quand ?
Cette satisfaction douteuse peut être déplacée avec une aide thérapeutique, qui permet de la transformer en une jouissance positive, c’est-à-dire en un désir agissant, pour surmonter cet état de passivité face à la vie.
Vous pouvez aussi « sublimer » votre côté Calimero
Spécialiste des réseaux sociaux, Michaël Stora affirme que « toute une contre-culture du moche, du nul, du raté est en train d’émerger ». Il est donc possible de rendre la plainte créative.
De plus en plus d’entreprises accueillent des « ateliers du bonheur » pour essayer de booster les salariés noyés dans la morosité. Il faut rentrer dans le cercle vertueux de l’optimisme ! Facile à dire, me direz-vous ! La fameuse psychologie positive enseignée dans les universités américaines fait l’objet d’un nouvel intérêt de la part des neurologues et des psychologues : on arrête de scruter les failles, on se focalise sur ce qui marche. Au-delà de ce qui vous arrive, c’est aussi le regard que vous portez dessus qui peut et doit changer.
Attention, je ne parle pas de ces méthodes très à la mode de psychologies égocentrées qui omettent le passage obligé de la reconnaissance du problème : vous êtes un Calimero en puissance et cela vous pourrit la vie, vous empêche d’agir.
Vous pouvez continuer à vous plaindre mais avec distance, ironie, en vous mettant en scène. Vous lasserez beaucoup moins votre auditoire. Vous poserez un regard neuf sur vos difficultés. La plainte ne sera plus un mur, mais une étape vers la résolution des difficultés que vous rencontrez.
Rendre la plainte créative, c’est encore du domaine de la performance, mais c’est un changement. Certains passent leur vie à se plaindre certes, mais ils en font quelque chose ; et puis dites-vous que le plaignant restera toujours plus audible que le vantard qui vous écrase de ses succès, non ? Ceux qui se lamentent reconnaissent ceux qui veulent écouter. Vous ne pouvez pas tout changer, mais doser et tempérer.
L’attitude positive en résumée : voici une traduction d’un article de Leo Babauta du blog américain Zen habits.
« Comment être une personne positive en moins de 300 mots » :
- Réalisez que cela est possible au lieu d’analyser pourquoi vous ne pouvez pas.
- Prenez conscience de votre dialogue intérieur.
- Écrasez les pensées négatives comme des insectes.
- Remplacez-les par des pensées positives.
- Aimez ce que vous avez déjà.
- Soyez reconnaissant pour votre vie, vos talents et pour les autres personnes.
- Tous les jours.
- Concentrez-vous sur ce que vous avez, et non sur ce que vous n’avez pas.
- Ne vous comparez pas aux autres.
- Mais soyez inspiré par eux.
- Acceptez la critique avec grâce.
- Mais ignorez les rabat-joie.
- Cherchez la bénédiction qui se cache derrière toute mauvaise chose.
- Voyez l’échec comme un tremplin vers le succès.
- Entourez-vous de gens positifs.
- Plaignez-vous moins, souriez plus.
- Imaginez-vous déjà comme une personne positive.
- Puis devenez cette personne dans votre prochain acte.
Il n’y a pas de remède miracle si vous êtes un indécrottable râleur. Si ça ne vous empêche pas d’avancer socialement, professionnellement, si votre entourage vous « supporte », inutile d’essayer de changer ce qui fait partie de votre personnalité. Mais restez aussi à l’écoute des plaintes des autres. L’effet miroir vous permettra de temporiser vos paroles.