Bienvenue dans la deuxième partie de notre série en quatre épisodes, le Bitcoin en une leçon !
Si vous venez de nous rejoindre, voici un bref résumé.
La semaine dernière, un collègue m’a posé quatre questions. Comme un forcené, je me suis alors lancé dans la rédaction d’un document de 4 000 mots, que j’ai ensuite transformé pour en faire la série d’articles que vous avez sous les yeux.
Voici les questions d’origine :
- Peut-on acheter des cryptomonnaies avec des devises traditionnelles ? Pourrais-je acheter des Bitcoins avec mes dollars ?
- Comment les cryptomonnaies sont-elles nées ? Ou QUI leur a donné naissance ? Depuis combien de temps existent-elles ?
- Quelle est, selon vous, la cryptomonnaie dont la légitimité est la plus grande ?
- Les grandes banques commencent-elles à se rendre compte de la viabilité des cryptomonnaies ?
Aujourd’hui, pour la deuxième partie de notre voyage, nous allons parler de la seconde partie de notre réponse à la question 2.
Commençons…
Le conte de deux clés
Avant de passer à la blockchain, nous devrions commencer par parler d’une innovation qui a montré le bout de son nez dans les années 70 et sans laquelle la blockchain n’aurait jamais pu être mise en oeuvre.
C’est ce que l’on appelle la « cryptographie à clé publique ».
Elle est née en 1976, et on la voit pour la première fois dans un article appelé « New Directions in Cryptography« , écrit par deux cryptographes, Whitfield Diffie et Martin Hellman.
Voici une explication assez simpliste de son fonctionnement.
Imaginez que je vous fournisse un coffre à l’aspect très étrange, et qu’avec ce coffre, je vous donne deux clés. Vous inspectez ces clés attentivement : sur l’une est gravée l’inscription « publique » et sur l’autre, « privée ».
Commençons par la clé publique.
Vous pouvez faire un nombre illimité de copies de votre clé publique et la donner à tous ceux que vous souhaitez. La clé publique, voyez-vous, permet à des individus de mettre des choses dans votre coffre. Lorsque les gens utilisent cette clé publique, disons simplement qu’elle ouvre une toute petite fente dans le coffre, capable de laisser passer des informations. C’est un peu comme de glisser une enveloppe dans la fente d’un coffre à la banque (la comparaison n’est pas parfaite, mais elle fera l’affaire).
Tout le monde peut utiliser cette clé publique pour déposer des informations dans votre coffre. Mais personne ne peut l’utiliser pour accéder à l’information située à l’intérieur.
Quant à l’autre clé, celle qui est secrète, c’est votre clé privée. Vous noterez que la clé publique peut être couplée à la clé privée pour créer un « passe-partout », que vous pourrez utiliser pour accéder à l’information cachée bien à l’abri dans votre coffre et la déplacer si vous le souhaitez.
Avant l’arrivée de cette innovation, les « coffres » cryptographiques n’avaient qu’une porte d’entrée et de sortie, ce qui limitait leur usage. Mais cette idée de cryptographie à clé publique a ouvert la voie à certaines possibilités intéressantes et a beaucoup encouragé l’idée d’une monnaie numérique et anonyme dans l’esprit des cryptographes. à terme, elle s’est effectivement avérée utile.
Avec le Bitcoin, la « clé publique » est utilisée pour créer votre numéro de compte – votre « adresse ». Vous donnez votre adresse aux autres pour qu’ils puissent vous envoyer des Bitcoins, et vous utilisez votre clé publique et votre clé privée pour créer le passe-partout qui vous permettra de déverrouiller le coffre pour envoyer des cryptomonnaies à d’autres personnes. Votre clé privée vous permet aussi de « signer » les transactions sur la blockchain, ce qui en fait l’équivalent de votre signature sur un chèque.)
Parlons maintenant des blockchains.
L’ABC de la blockchain
Heureusement, les blockchains ne sont absolument pas aussi ésotériques que ce que certains souhaitent vous faire croire. Une blockchain est une chaîne répartie de blocs numériques (ou, pour poursuivre cette analogie, une chaîne de « coffres numériques »).
Chaque bloc de cette chaîne, jusqu’au premier bloc (que l’on appelle aussi le bloc genèse), stocke une liste des transactions effectuées sur le réseau pendant la durée de création du bloc.
Tous les blocs sont transparents : les transactions sont donc publiques et peuvent être vues (et sont vérifiables) par n’importe qui. (Mais cela ne signifie pas que vous puissiez les relier instantanément à une identité donnée. Elles sont donc pseudonymes.)
L’objectif de la blockchain est de garantir la traçabilité : quels comptes (ou quelles clés publiques) contiennent combien de Bitcoins, et à quel moment ? Elle sert aussi, grâce à un mécanisme appelé « preuve de travail » (ou proof-of-work en anglais), à arrêter les personnes qui souhaiteraient duper le réseau en essayant par exemple de dépenser les mêmes Bitcoins deux fois (nous vous en dirons plus sur ce mécanisme dans un instant).
Chaque transaction est diffusée sur l’ensemble du réseau, et une fois qu’un nombre suffisant d’acteurs convient qu’un Bitcoin donné est dépensable, la transaction est approuvée.
Monnaie holographique
Chaque participant, sur le réseau (qui est constitués de mineurs et de noeuds, je vous expliquerai la différence dans un instant), détient une copie de la blockchain. Chaque copie reflète parfaitement toutes les autres copies (plus le Bitcoin augmente sa portée, plus sa croissance est importante, et plus il faudra réduire la taille de ces copies, mais le concept central restera inchangé).
Comme un hologramme, chaque élément du réseau Bitcoin représente l’ensemble du réseau. C’est la raison pour laquelle ce réseau est si sûr. Contrairement à une base de données centrale, ou à un serveur central, il n’existe aucun moyen d’attaque que l’on puisse utiliser pour le tuer. La puissance, et par conséquent la sécurité, est diffusée dans l’ensemble du réseau de manière égale et neutre.
La sécurité de la blockchain
Ce qu’il y a d’intéressant aussi, dans cette chaîne de « coffres numériques », c’est qu’à chaque coffre que l’on ajoute, l’ensemble de la chaîne devient plus sûr. Le cryptographe Nick Szabo compare ce processus à un moustique préhistorique pris dans une goutte d’ambre. Chaque bloc constitue une nouvelle couche d’ambre, et il devient de plus en plus difficile d’atteindre le moustique.
Avec chaque nouvelle couche cryptographique, le bloc genèse devient donc plus difficile à ouvrir et le réseau entier est ainsi rendu plus sûr. Plus la blockchain existera longtemps, plus son espérance de vie grandira.
Mineurs et noeuds
Tous les mineurs sont des noeuds, mais tous les noeuds ne sont pas des mineurs.
Tous les noeuds (et donc, tous les mineurs) disposent d’une copie complète de la blockchain pour vérifier que toutes les transactions incluses dans les blocs entrants sont correctes.
Pour faire simple :
Mineurs – créent des blocs.
Noeuds – valident les blocs.
Les mineurs (qui sont un peu les chercheurs d’or des temps modernes) offrent leur capacité de traitement au réseau, et ce dernier les utilise pour traiter les différentes transactions en attente qui lui sont envoyées par les utilisateurs de Bitcoin, avant de les transformer en un ensemble de transactions (un bloc).
Les mineurs prennent ensuite individuellement l’ensemble des informations qui figurent dans ce bloc, et à l’aide d’une formule mathématique complexe et de l’équivalent d’un générateur de chiffres aléatoire, transforment l’ensemble de ces données en une chaîne de lettres et de chiffres que l’on appelle un « hash ».
Les mineurs se battent tous simultanément pour que le bon hash soit attaché à leur bloc. Ce processus s’appelle la « preuve de travail » ou proof-of-work, et permet de prouver qu’un mineur a fourni une puissance de calcul non négligeable pour trouver le bon hash. (Le mécanisme de proof-of-work est d’ailleurs conçu pour faire en sorte qu’essayer de mentir ou de tricher sur le réseau coûte si cher que cela n’en vaille plus la peine. Il est donc toujours plus profitable de respecter les règles et de se montrer honnête que d’essayer d’arnaquer le système.)
Lorsque le chiffre au hasard (un « nonce ») produit par le « générateur de nombres aléatoires » aide à créer un hash accepté par le protocole (le protocole est d’ailleurs très clair quant aux hash qu’il accepte), le mineur « gagne » et son bloc est envoyé aux noeuds pour vérification.
Il n’est pas possible de savoir à l’avance quel nonce (encore une fois, un simple chiffre créé au hasard) permettra de créer le prochain hash acceptable. Les mineurs doivent donc faire tourner le « générateur de nombres aléatoires » encore et encore jusqu’à réussir. Le protocole peut cependant contrôler le moment où le nonce est créé, étant donné qu’il est conçu pour qu’un nonce correct soit calculé toutes les dix minutes environ en moyenne.
Une fois que le bloc est envoyé à suffisamment de noeuds, et que ceux-ci acceptent les blocs gagnants comme valides, le mineur victorieux est payé, et le bloc est ajouté à l’ensemble de la blockchain.
L' »or digital » a été sorti de la « mine ».
Cliquez ici pour un graphique complet
Une fois un nouveau bloc ajouté, celui-ci devient immuable, c’est-à-dire qu’il est (théoriquement) impossible de l’effacer ou de le modifier. Plus le temps passe sans qu’il ne change, moins il est susceptible d’être changé (plus il est difficile d’atteindre le moustique).
Suivez les règles, pas le chef
Pour que la blockchain fonctionne correctement, tous les participants (ou noeuds) doivent confirmer que toutes leurs copies sont les mêmes.
Ils doivent tous suivre les règles du protocole projeté par la majorité des noeuds. Si un participant ne le fait pas, la majorité refusera simplement de reconnaître le mineur récalcitrant comme un acteur officiel, et ce participant ne pourra plus faire partie du réseau (à moins qu’il ne revienne sur le droit chemin).
On résout ainsi le problème de la nécessité de faire confiance à une entité centralisée. On fait confiance à un protocole sur lequel on s’est mis d’accord à l’avance, et pas à un humain. On fait confiance aux mathématiques, qui sont neutres et objectives. On fait confiance, pour simplifier, au fait que 1+1 fera toujours 2.
Ainsi, il n’est plus nécessaire de croire que les humains (ou qu’une autorité centrale) ne mentiront pas, ne tricheront pas, ne feront pas de censure ni n’inscriront qui que ce soit sur une liste noire. On peut avoir confiance dans le fait que le pouvoir objectif et neutre des mathématiques viendra à bout des caprices subjectifs des humains. On peut avoir confiance dans le fait que le pouvoir absolu ne corrompra pas absolument, car idéalement, le pouvoir absolu ne sera jamais accessible.
Ainsi, le Bitcoin pourrait représenter une révolution en matière de gouvernance également. Mais nous y reviendrons dans quelques jours.
Restez à l’écoute pour la partie 3, disponible dès la semaine prochaine, où nous répondrons à la question essentielle :
« Quelle est, selon vous, la cryptomonnaie dont la légitimité est la plus grande ? »