OK… [souffle comme un coureur de marathon]. C’est l’heure de la dernière section, la quatrième partie de notre série « Le Bitcoin en une leçon ».
Si vous venez de nous rejoindre, voici un bref résumé.
Il y a quelques semaines, un collègue m’a envoyé une liste de quatre questions. Moi, comme un forcené, je me suis lancé dans la rédaction d’un texte de 4 000 mots qui est aujourd’hui devenu la série d’articles que vous avez sous les yeux.
Voici les questions d’origine :
- Peut-on acheter des crypto-monnaies avec des devises traditionnelles ? Pourrais-je acheter des Bitcoins avec mes dollars ?
- Comment les crypto-monnaies sont-elles nées ? Ou QUI leur a donné naissance ? Depuis combien de temps existent-elles ?
- Quelle est, selon vous, la crypto-monnaie dont la légitimité est la plus grande ?
- Les grandes banques commencent-elles à se rendre compte de la viabilité des crypto-monnaies ?
L’heure est venue de répondre à la dernière question !
Je commencerai par le même avertissement qu’hier…
Mon opinion vaut ce qu’elle vaut. Les prédictions, après tout, surtout lorsqu’elles concernent l’avenir, sont des créatures bien inconstantes…
Voyons voir…
Les grandes banques commencent-elles à se rendre compte de la viabilité des crypto-monnaies ?
Commençons par analyser la situation actuelle.
À l’heure d’Internet, avec la (plus ou moins) libre circulation de l’information disponible au bout de nos doigts, nous utilisons encore un système de paiement qui est plus vieux qu’Internet. Ce système a quarante ans, et le paradigme qui lui permet d’opérer, la comptabilité en partie double, a au moins cinq siècles.
Cher, peu sécurisé et lent, c’est une véritable usine à gaz.
Il est l’heure de le détruire.
Les grandes banques finiront par être forcées de s’adapter aux crypto-monnaies. Je pense, d’ailleurs, qu’elles se sont déjà rendu compte que ces crypto-monnaies remettaient en question leurs modèles commerciaux à long terme.
Il faudra quelques années pour que nous connaissions vraiment l’étendue de cette remise en question, mais il est clair qu’il ne sera pas possible de faire éternellement « comme au bon vieux temps ».
Difficile de dire exactement quels changements devront être opérés.
Au cours des années qui viennent, les banques privées et les banques centrales opteront sans doute pour une version bâtarde de la « blockchain » pour effectuer des paiements au niveau mondial de manière instantanée, sécurisée et gratuite (cf. Ripple). Cela ne résoudra pas les problèmes que le Bitcoin a été créé pour résoudre (mettre fin à notre dépendance face à des « dictateurs bienveillants »), mais cela résoudra l’inefficacité catastrophique de notre système actuel.
Je pense également que les banques commenceront à recruter une foule de développeurs pour créer des « couches » intelligentes destinées à l’écosystème de crypto-monnaies dont j’ai parlé hier.
À mesure que le temps passera, le rôle des banques changera sans doute. À long terme, selon moi, elles serviront moins d’intermédiaires et deviendront plutôt des plateformes d’innovation (certes, le NASDAQ n’est pas une banque, mais reste un bon exemple d’entreprise financière bien établie qui se dirige sur cette voie avec les crypto-monnaies).
En conséquence, les gouvernements (en tout cas, ceux qui n’opteront pas pour l’option draconienne en décidant de devenir des systèmes clos) devront devenir plus efficaces et plus malins, et seront dans l’obligation de se maintenir au goût du jour. La structure fiscale et les méthodes exécutives devront elles aussi être remises au goût du jour.
Certains gouvernements ne réagiront pas bien au changement et décideront d’opérer un blocage, d’autres l’accepteront et s’ouvriront, laissant à leurs citoyens une liberté économique sans précédent. Des milliards de personnes du Tiers Monde, qui n’ont pas actuellement accès aux services financiers les plus basiques, seront, comme je l’ai dit, en mesure de contribuer à l’économie de manière tout à fait significative.
Ceci pourrait alimenter une quantité incroyable d’innovations dans absolument tous les secteurs, et créer de nombreuses industries que nous ne pouvons pas encore imaginer aujourd’hui. Et tout cela pourrait provoquer un changement massif dans la distribution de la richesse.
En termes d’extrêmes, voici deux scénarios : le plus pessimiste et le plus optimiste.
- Le pire de tous les scénarios (dystopie)
Le « cygne noir » des cryptos pourrait ressembler à cela. Les ordinateurs quantiques pourraient rendre toute cryptographie obsolète d’un coup d’un seul : la cryptographie ne servirait plus à rien, et tout semblant de vie privée serait éradiqué d’un jour à l’autre.
Ceci provoquerait un vent de panique et de chaos : nos vies privées (et, horreur, malheur, notre historique de navigation) deviendraient publiques. Notre patrimoine virtuel perdrait toute valeur.
Les banques centrales interviendraient, telles des chevaliers blancs. Elles créeraient leur propre crypto-monnaie mondiale, unique, et finiraient par obtenir une adoption généralisée en promettant à tous, disons, un revenu de base et la garantie de ne pas gâcher la moindre crise.
Mais bien sûr, il y a toujours une attrape derrière autant de belles choses. Vous aurez besoin d’une puce. Bien sûr, vous comprenez, la sécurité, la sûreté, et la facilité d’utilisation… etc., etc.
(Scénario du type « marque de la bête ».)
C’est un scénario cauchemardesque déjà décrit par la conspirasphère.
- Scénario idéal (utopie)
Les crypto-monnaies constituent une alternative aux monnaies étatiques et les gouvernements sont forcés, à un certain niveau, d’entrer sur un marché concurrentiel.
Les gouvernements adoptent la technologie de la blockchain pour des raisons d’efficacité (pour ne pas se laisser dépasser, en d’autres termes), et par conséquent, l’argent public gagne en transparence : les comptes publics deviennent instantanément auditables par n’importe quel citoyen.
Étant donné que la capacité est intégrée d’office, le public demande d’ailleurs de plus en plus de transparence.
(Le mantra : préserver la vie privée des individus, garantir la transparence de l’argent public.)
Les politiciens, petit à petit, auront de plus en plus de mal à justifier leurs frais cachés ou les enveloppes discrétionnaires.
À mesure que les données s’améliorent et deviennent plus détaillées, il devient également plus difficile de cacher les motivations financières derrière les réformes politiques (en réalité, les marchés de prédiction anonymes pourraient avoir, à l’avenir, plus d’influence sur les changements politiques que les lobbyistes des grandes entreprises n’en ont aujourd’hui).
Étant donné qu’une bonne partie de l’argent public versé aux fonctionnaires peut être suivi au millième de centime près par n’importe quel citoyen, il n’y a plus de place pour la corruption. Si le public n’est pas d’accord avec l’attribution de l’argent de l’État, les manifestations pourraient devenir une option quasi impossible à stopper.
Dans ce scénario, il deviendrait très peu attrayant (voire même dangereux) d’être un fonctionnaire corrompu. La politique commencerait alors à attirer des personnes humbles, aimables, et qui se sentiraient responsables vis-à-vis des autres citoyens, plutôt que ceux qui n’ont que le désir d’escroquer le grand public.
L’idée de « service public » gagnerait à nouveau ses lettres de noblesse.
Le pouvoir, dans ce monde, est plus localisé. La gouvernance est plus flexible, contextuelle et répartie. Les hiérarchies arbitraires se prennent les pieds dans le tapis. Le pouvoir est accordé aux plus compétents, aux plus fiables, et à ceux qui méritent de détenir l’autorité dans leurs domaines respectifs – pas à ceux qui crient le plus fort ou sont le mieux armés.
L’automatisation continue à remplacer l’humain pour les tâches de routine. Les humains, par conséquent, prennent conscience de ce qui les rend humains – de ce qui les sépare des machines. Des industries naissent et meurent sur la base des réponses incroyablement profondes qu’elles apportent à cette question.
Le monde fait l’expérience d’un boom sans précédent de l’innovation, de la créativité, de la prospérité et, peut-être, de la spiritualité. Les problèmes ne disparaissent pas, mais les solutions deviennent plus claires et meilleures compte tenu de l’amélioration des données disponibles.
Le monde n’est pas parfait. Mais personne ne souhaite qu’il le soit. Car nos plus grands problèmes sont devenus nos plus grands défis.
Les humains peuvent faire bien plus avec bien moins. Ils apprécient beaucoup plus la vie, et, par conséquent, s’apprécient eux-mêmes et les uns les autres.
Ils décident donc de tous se tenir par la main en chantant kumbaya… jusqu’à la fin des temps.
(La vérité, bien sûr, sera quelque part entre ces deux options. Ou ne ressemblera ni à l’une ni à l’autre. Après tout, c’est bien Casey Stengel qui a dit, sans doute avec sagesse : « Ne faites jamais de prédictions, surtout en ce qui concerne l’avenir. »)