Attention dans moins d’un mois, le régime des plus-values immobilières va se durcir !
Pour mémoire, depuis le vote de la Loi de finances r ectificatives pour 2011 (Loi n°2011-1117 du 19 septembre 2011), l’exonération totale des plus-values ne vous est acquise qu’en cas de cession intervenant au-delà de 30 années de détention et non plus 15 comme auparavant, suivant la modification de l’article 150 VC du Code général des impôts (CGI) !
Mais la donation d’un bien immobilier a ceci d’intéressant qu’elle peut vous permettre de purger toute la plus-value…
Dans le même temps, et cela demeure inchangé, la donation d’un bien immobilier purge la plus-value : c’est-à-dire que si le donataire (celui qui reçoit) revend ce bien ultérieurement, il n’aura d’impôt sur les plus-values à acquitter que pour la seule partie résultant de l’accroissement de valeur intervenu depuis le jour de la donation où il a reçu ce bien.
En effet, la valeur d’acquisition prise en compte est celle qui sert de base lors de l’établissement de l’acte de donation. Lorsque l’on sait que la loi TEPA de 2007 a relevé l’abattement sur les donations et successions en ligne directe à 150 000 euros (réactualisé à 159 325 euros – art. 779 du CGI), certains peuvent être tentés de rapprocher les deux textes pour échapper à toute imposition, tant sur la donation que sur la revente future par l’heureux bénéficiaire.
Un exemple de montage alléchant : la surévaluation volontaire lors de la donation.
Prenons un exemple tout simple : vous avez acheté un petit studio étudiant il y a six ans au prix de 40 000 euros tous frais inclus. Il vaut aujourd’hui 80 000 euros. Si vous le vendez après le 1er février, vous aurez engrangé une plus-value brute de 40 000 euros; après application du tout petit abattement de 2% par année de détention au-delà de la cinquième, votre plus-value nette taxable sera de 39 200 euros. Frappée à 32,5% (prélèvements sociaux inclus), votre “ardoise” auprès du Trésor public se montera à 12 740 euros.
Mais comme l’immobilier est une classe d’actifs réels qui prend de la valeur à long terme, on peut décemment penser que si vous donnez maintenant ce studio à votre enfant et que celui-ci le revend dans 10 ans, par exemple à 159 000 euros, il devra donc acquitter une imposition relative à la plus-value brute de 79 000 euros (correspondant à la différence entre 80 000 euros et 159 000 euros).
Une chose est certaine : les taux de fiscalisation auront encore augmenté d’ici là. Votre démon tentateur vous souffle donc de procéder à une surévaluation dans l’acte de donation — d’autant plus indolore que vous profitez actuellement d’un généreux abattement de 159 000 euros !
Une telle manoeuvre permettrait de purger à l’avance la plus-value de votre enfant tout en éludant aujourd’hui les droits de mutation à titre gratuit.
Alors, votre démon tentateur a-t-il trouvé la martingale ?
Eh bien hélas non ! Certes, si lors de la donation vous procédez à une surévaluation, il y a de grandes chances que le fisc n’y trouvera rien à redire – en fait, il ne se hâte de procéder à des redressements que lorsqu’il y a sous-évaluation. Sachez pourtant que votre démarche peut tourner au cadeau empoisonné pour votre enfant !
Quand le Conseil d’Etat dit “non” aux évaluations fantaisistes !
C’est ce qui ressort clairement d’une affaire examinée en Conseil d’Etat le 12 octobre 2011 (n°324717).
En l’espèce, il s’agissait d’une donation d’actions cotées, mais le raisonnement des juges du Palais Royal est tout à fait transposable quels que soient les actifs concernés.
Pour la haute juridiction, une valeur déclarée dans l’acte de donation, si elle est manifestement surévaluée (et quand bien même le fisc n’avait pas réagi lors de la transmission), peut tout à fait être écartée lors de la revente du bien.
Seule bonne nouvelle pour les contribuables, la charge de preuve incombe aux services fiscaux : en effet, le Conseil d’Etat exige de l’administration fiscale que celle-ci établisse que “la valeur retenue pour les droits d’enregistrement soit dépourvue de toute signification“.
Ce raisonnement novateur du juge de l’impôt nous est d’autant plus utile qu’il tombe au moment où un très fort alourdissement des plus-values immobilières entre en vigueur.
Aussi, dès lors que les biens à donner sont facilement évaluables parce qu’ils sont “standards” (ex. un appartement) et que les transactions sur des biens similaires sont nombreuses, mieux vaut vous montrer prudent quant à la valeur déclarée à l’acte. Une sous-évaluation vous exposerait rapidement à un douloureux redressement… mais une surévaluation peut constituer une bombe à retardement !