Les marchés ont brutalement réagi cette semaine après l’annonce d’une nouvelle élection présidentielle demandée par le Premier ministre grec… Intéressons-nous à ce que cela signifie pour l’euro.
- Que s’est-il passé ?
Le Premier ministre grec, Antonis Samaras, a décidé de convoquer lepParlement pour organiser une nouvelle élection présidentielle (prévue normalement pour le 17 décembre prochain). Puisque la présidence est décidée par le parlement grec, cela signifie que le Premier ministre a besoin d’obtenir l’accord des trois cinquièmes des députés pour valider son choix.
Le problème est que, depuis l’arrivée de la coalition actuelle au pouvoir, elle ne dispose que d’une très faible majorité au parlement. En effet, les multiples plans d’austérité ont eu raison des alliances passées et le gouvernement pourrait avoir des difficultés à obtenir le nombre de voix suffisant pour faire élire le candidat de son choix.
En cas d’échec, il faudrait alors déclencher une élection générale immédiate, plus d’un an avant la date prévue. Et aux vues des récents sondages montrant la montée en puissance du parti anti-austérité Syriza, il y a de quoi craindre de nouveaux remous dans la Zone euro…
- Pourquoi Antonis Samaras a-t-il pris cette décision ?
Le pari de Samaras est qu’en renforçant la perspective d’une élection générale anticipée, il peut forcer les députés réticents a finalement approuver le candidat qu’il a choisi. Ce serait aussi un signal fort pour les investisseurs internationaux et la Troïka (FMI, Commission européenne et BCE) à qui il veut prouver sa capacité à procéder à de nouvelles réformes économiques.
Peut-être espère-t-il aussi que la perspective de perdre le vote de confiance va effrayer la Troïka qui assouplira alors sa position pro-austérité. Car tout ceci intervient au moment où les ministres européens des Finances ont décidé de ne pas autoriser la Grèce à quitter le programme de sauvetage de cette année, et d’accorder au pays seulement deux mois supplémentaires pour améliorer ses finances.
- Comment les marchés ont-ils réagi ?
Si cette manoeuvre politique vise à consolider l’économie grecque en faisant reculer les critiques émises au niveau national et international, cela ne semble pas fonctionner jusqu’ici. En effet, Antonis Samaras semble avoir effrayé les investisseurs, car à l’annonce de cette élection anticipée, la Bourse d’Athènes a chuté de plus de 10%, son plus grand krach depuis décembre 1987.
De plus, l’écart entre les rendements des obligations grecques et allemandes a augmenté de 49 points de base, entraînant avec eux les rendements des obligations de tous les autres pays européens fortement endettés ! De quoi étrangler un peu plus les Etats en situation de déficit budgétaire aggravé.
- Qu’adviendrait-il si Syriza gagnait les élections ?
La raison pour laquelle les investisseurs sont tellement préoccupés par une victoire de Syriza, est que ce parti souhaite augmenter les dépenses et exiger que les investisseurs détenteurs d’obligations grecs acceptent une grosse décote ! Ce qui serait presque certainement refusé et qui conduirait alors à l’exclusion de la Grèce de la Zone euro.
Le leader de Syriza, Alex Tsipras, a tenté de modérer sa rhétorique ces dernières semaines, en promettant même que son hypothétique gouvernement ne ferait pas plonger le pays en déficit.
Cependant, les investisseurs sont également inquiets de la volonté affichée de Syriza de mener une politique anti-business. En effet, Syriza est née en 2004 de la fusion de plusieurs groupes politiques d’extrême-gauche, y compris des groupes communistes. Tsipras a lui-même exprimé son admiration pour Mao.
- Qu’arriverait-il si la Grèce quittait l’euro en 2015 ?
Pour le moment, la Grèce génère un excédent budgétaire primaire (hors paiements d’intérêts). Cela signifie qu’elle pourrait faire défaut sur l’ensemble de sa dette sans avoir besoin de financements étrangers supplémentaires. Une monnaie plus faible rendrait les exportations grecques moins chères et stimulerait le tourisme.
Cela aiderait à réduire le chômage — toujours à plus de 25% malgré le retour de la croissance économique. Cependant, il y a un risque réel que cette sortie ravive la crise de la Zone euro. Cela pourrait aboutir à une Zone euro réduite à un noyau “nord européen”, voire même à une disparition totale de la monnaie unique.
- Que pourrait faire Bruxelles pour empêcher cela ?
Une option serait que la BCE et la Commission européenne donnent à la Grèce les garanties lui permettant de quitter le programme de sauvetage, ou lui accordent un certain degré de relâchement budgétaire.
Cependant, ils sont clairement inquiets du précédent que cela créerait vis-à-vis des autres pays endettés. De plus, cela contrarierait fortement l’Allemagne tout en n’ayant aucune garantie que Syriza n’arriverait pas en tête des votes…
La solution la plus logique pour la BCE serait de lancer le tant attendu programme d’assouplissement quantitatif… mais là encore, c’est une solution qui risque fortement d’exaspérer l’Allemagne…
Le sort de l’euro dépendra donc encore une fois du coup de poker d’Antonis Samaras. Il va donc falloir être très prudent si vous avez un portefeuille d’actions et rester à l’écoute de ce que les Grecs décideront…