Je viens de présenter une idée d’émission de téléréalité sur le monde de l’entreprise. Je suis allé à Los Angeles, je l’ai proposée à neuf chaînes. Tout s’est bien passé.
La première émission de téléréalité autour du monde de l’entreprise que j’ai vue dans ma vie a été Shark Tank. Je n’en ai raté aucun épisode. J’ai obligé mes enfants à la regarder. Je l’ai étudiée sous toutes les coutures.
J’ai reçu la plupart des « sharks » pour mon podcast : Mark Cuban, Kevin O’Leary, Barbara Corcoran, Daymond John, Robert Herjavec et Kevin Harrington (un shark de la première saison).
J’ai également coaché plusieurs entrepreneurs qui ont participé à Shark Tank. Ils étaient terrifiés à l’idée de passer devant les jurés, je les ai coachés et ils ont obtenu leur deal.
Une fois, j’ai passé toute la nuit avec une participante, abordant des questions difficiles susceptibles de lui être posées et travaillant avec elle ses réponses. Mark Cuban a fini par lui faire un chèque.
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À propos de Shark Tank : le jury est composé de professionnels de l’investissement installés sur une scène, légèrement surélevés par rapports aux candidats qui viennent demander de l’argent.
L’un après l’autre, les entrepreneurs se présentent dans le « shark tank » (littéralement, le bassin à requins) où ils présentent leur produit. Les sharks décident alors, sur le champ, s’ils vont ou pas leur accorder le financement.
Les entrepreneurs sont souvent humiliés, moqués, insultés. On leur pose les questions les plus stupides que j’aie jamais entendues. Mais, de temps en temps, ils reçoivent de bons conseils et, encore mieux, ils repartent avec un chèque si un ou plusieurs jurés pensent que leur entreprise est une bonne idée.
Les sharks, comme le décrit l’émission, sont des gens « pleins aux as » qui investissent leur propre argent.
Ce ne sont pas toujours les mêmes sharks à chaque émission. Mark Cuban est souvent un shark (voir également « Ce que j’ai appris de Mark Cuban en matière d’investissement »).
Le reste des jurés qui reviennent régulièrement sont Barbara Corcoran, fondatrice d’un groupe immobilier The Corcoran Group ; Kevin O’Leary, un multimillionnaire qui a créé The Learning Company et a revendu l’entreprise pour 3,2 milliards de dollars à Mattel ; Robert Herjavec, dont la première société, BRAK Systems, a été vendue pour 30 millions de dollars ; Daymond John qui a fondé Fubu, une entreprise vestimentaire.
Je ne suis pas jaloux de ces gens. L’argent n’achète pas le bonheur mais il ne fait pas de doute qu’il résout les problèmes pécuniers. Il ne tient qu’à vous après cela d’être heureux ou pas. De ne pas vous auto-saboter à chaque opportunité.
Je l’affirme : je suis très fort pour gagner de l’argent mais j’ai souvent eu un grand talent pour l’auto-sabotage. Un talent que j’espère avoir supprimé ces dernières années.
Je tiens donc en haute estime les gens qui ont appris au travers des expériences à ne pas saboter leurs réussites. Je pense le plus grand bien de tous les sharks.
Qu’ai-je donc appris de cette émission ? Certaines choses intéressantes pour les investisseurs, certaines pour les entrepreneurs, certaines pour moi et d’autres pour mes enfants.
1. Calculer
La première chose que fait un entrepreneur lorsqu’il entre sur scène, c’est de dire : « Bonjour, je m’appelle [son prénom] et je demande 100 000 dollars en échange de 10% des parts de mon entreprise. »
À ce stade, je mettais sur pause l’émission et je demandais à mes filles combien valait l’entreprise.
N’importe quel trader, investisseur ou entrepreneur fait ce calcul instantanément et je voulais que mes enfants y parviennent aussi.
Et elles ont appris à le faire. Au début, les réponses étaient un « je ne sais pas » ennuyé. Puis elles ont commencé à calculer mais en continuant à être ennuyées : « Un… million ? » Enfin, au dernier épisode, elles faisaient le calcul de tête et le hurlaient avant même que je n’appuie sur le bouton pause.
Mais parfois les entrepreneurs présentent des chiffres déroutants comme « Je demande 85 000 dollars en échange de 15% de ma société. » Puis ils se lancent directement dans leur histoire.
Pour être honnête, je ne parviens pas à faire ce calcul de tête rapidement et sans me tromper. Je me suis toujours demandé si certains entrepreneurs faisaient cela afin que les sharks se concentrent plus sur le produit que sur la valeur spécifique et chiffrée de l’entreprise.
2. Les apparences sont parfois trompeuses
Nous sommes dans une émission de téléréalité, pas dans une société de capital-risque. (Où, soit dit en passant, les apparences sont parfois aussi trompeuses. En fait, dans tous les aspects de la vie, les apparences sont parfois trompeuses, mais ceci n’est jamais plus vrai que dans une émission de « téléréalité »).
Lorsque vous voyez un échange de trois minutes sur Shark Tank, il peut en fait avoir duré trois heures.
La scène est coupée et montée de manière à créer le plus d’émotion possible. À raison : il s’agit d’une émission de télé.
Mais ne croyez pas que ceci est représentatif des négociations et des présentations qui se mènent dans le monde réel.
Mes conseils pour ceux qui veulent participer à cette émission, ou pour quiconque présente son projet à un investisseur, c’est d’étudier soigneusement chaque aspect de la formation des gens qui assistent à cet exposé.
Faites-le aussi avant vos rendez-vous galants ! Il y a dix ans, je suis sorti avec une femme qui s’intéressait à la Kabbale (une traduction ésotérique du judaïsme).
Je n’y connaissais rien, mais j’ai passé la journée avant notre premier rendez-vous à lire tout ce que je pouvais sur ce sujet. Je me faisais moi-même un exposé sur le sujet. L’ai-je épousée ? Non. Mais je continue à faire cela lorsque je dois faire une présentation.
3. Vendez du rêve, pas un chiffre d’affaires
La plupart des entrepreneurs qui participent à l’émission disent : « J’ai vendu pour 11 000 dollars de ce produit l’année dernière depuis mon garage. »
Ces gens sont ceux qui obtiennent les pires résultats, voire pas rien du tout.
Tout le monde se fiche de leurs 11 000 dollars. Parfois, les sharks se fichent même de ventes d’un million de dollars. (Un bon exemple était games2u.com qui, selon moi, était une excellente société mais qui est repartie sans deal.)
Et pourtant certaines entreprises sans ventes à leur actif sont reparties avec un superbe chèque.
Voici ce que les sharks, ou n’importe quel investisseur, veulent réellement comprendre.
Avez-vous un produit génial ? Savez-vous quelle est la taille de votre marché ? Avez-vous ce qui s’apparente à un business model ?
Les gens achètent du RÊVE. La perception, voilà la réalité.
Comment savent-ils que votre produit est génial ? Ils peuvent le savoir d’après votre cursus, d’après l’expertise technique dont vous avez eu besoin pour fabriquer le produit, si vous avez un brevet et si vous dites : « J’ai trois distributeurs sur le point de m’envoyer des commandes pour le produit. »
Vous pouvez avoir zéro vente mais si vous montrez que les gens sont intéressés et que votre produit est spécial, vous aurez une offre. Si vous dites : « Et ces trois dernières années, j’ai eu un total de 53 000 dollars de ventes, même si j’avais par ailleurs un emploi à temps plein », alors vous n’obtiendrez certainement pas de deal.
Vendez du rêve. Il vaut mieux ne pas parler de ventes à moins d’être capable d’épater les jurés avec vos chiffres.
4. Ne négociez pas petit
Il n’est pas si mauvais de « grapiller trois francs six sous », je vais expliquer cela un peu plus loin.
Si vous arrivez en disant « J’aimerais 100 dollars en échange de 25% de ma société », que vous n’avez aucune vente et que l’un des sharks répond : « Je vous donnerai 100 dollars en échange de 40% de votre société », alors dites oui sans hésiter.
Que vous importe le pourcentage ? Comme le dit Cuban dans l’un des épisodes : « Mieux vaut avoir 20% d’une société qui vaut 100 millions de dollars que 100% de rien. »
Pour l’une de mes sociétés florissantes que j’ai vendue, je voulais que mon associé prenne 10%. Il demanda 50%. J’ai accepté puis j’ai vendu l’entreprise quatre mois plus tard… à lui ! Parce qu’avec 50%, il devait y porter toute son attention. Avec 10%, peut-être aurait-il fait preuve de plus de négligence.
Toutefois, il vaut mieux gratter le plus possible. Si Mark Cuban vous offre 100 000 dollars en échange de 30% de votre entreprise, poussez votre avantage et demandez-lui quelques dollars de plus.
Dans toute négociation, celui qui a la plus longue liste GAGNE. Parce qu’alors vous pouvez laisser tomber les centimes en échange de plus de dollars.
Le prix est souvent la partie la moins importante d’une négociation. Demandez plutôt : « Pouvez-vous me présenter au patron de Netflix ? », « Pouvez-vous m’obtenir un deal de faveur avec les Mavericks de Dallas [une franchise de basket-ball dont Mark Cuban est propriétaire] ? », « Connaissez-vous un distributeur auprès duquel vous pourriez m’aider à faire agréer mon produit ? », etc.
Tirez de la valeur de chaque deal – en plus de l’argent.
L’argent ne sauvera pas ni n’aidera votre entreprise pendant très longtemps. Mais le bon deal et les bonnes connexions feront toute la différence.
Par conséquent, pendant que les autres jouent avec les dollars, assurez-vous de collecter tous les centimes et autres à-côtés qu’ils ont négligés.
Si vous voulez un deal, alors acceptez une offre que l’on vous fait. À moins que…
5. N’acceptez jamais le deal « de dernier recours »
Kevin O’Leary est célèbre pour ce deal.
Il attend que les autres sharks disent : « Je me retire. » Il sait alors qu’il est la seule possibilité qui reste à l’entrepreneur. À ce moment-là, ce que demande l’entrepreneur n’a plus d’importance. Que l’entrepreneur soit en croissance, qu’il ait des bénéfices, 1 million de dollars de CA, etc. Kevin O’Leary s’en fout complètement.
Il fait l’offre « de dernier recours ». Supposons que l’entrepreneur demande 500 000 dollars en échange de 10% de son entreprise, valorisant ainsi son entreprise à 5 millions de dollars. Même si l’entreprise pourrait raisonnablement être valorisée à ce chiffre, Kevin O’Leary s’en fiche.
Il proposera : « Je prends 51% de votre société contre 500 000 dollars. »
Peu importe qu’on lui réponde oui ou non.
Si l’entrepreneur accepte, alors il fait une super affaire : il vient de prendre le contrôle d’une entreprise qui, il le sait, vaut beaucoup plus. Si l’entrepreneur refuse, alors pas de problème. Une fois sur dix il dira oui, il n’a qu’à attendre que cela arrive.
MAIS il faut noter une chose importante : si vous êtes du côté investisseur et qu’on vous présente sans cesse des deals, alors attendez TOUJOURS un deal « de dernier recours » avant d’investir.
TOUJOURS !
6. Soyez la source
En tant que shark, Kevin O’Leary a deux autres techniques que j’admire.
Une de ses techniques, c’est d’attendre tandis qu’un ou deux sharks fassent une offre.
Puis il demande à l’entrepreneur de quitter la pièce. Ils se tourne alors vers les sharks qui ont fait une offre et leur dit : « Joignons nos forces et faisons cette offre ensemble. »
Lorsque l’entrepreneur revient, tandis qu’avant il avait deux ou trois offres concurrentes (un environnement d’enchères est toujours une bonne chose), il se retrouve à présent avec une seule offre.
Il a une minute pour se décider et accepter ou refuser une offre pire que l’offre la plus basse qu’on lui avait proposée auparavant. Kevin prend les commandes des enchères, transforme ce deal en « c’est tout ou rien » et se place à nouveau dans une situation imperdable.
Il RÉDUIT L’ÉVENTAIL des offres. Puis, selon la simple loi économique de l’offre et de la demande, la valeur penche en sa faveur. ET VOILÀ !
L’autre technique qu’il utilise est d’être la source de l’entrepreneur.
Soyez toujours la source.
Trois ou quatre des sharks peuvent faire une offre et entrent donc en concurrence. Kevin dira alors : « OK, pour résumer, voilà vos quatre offres. »
Il se positionne donc comme une source d’information. Soudain, il devient la « banque », semble être au contrôle des quatre offres et il peut les manipuler de la manière qui lui plaît et calme les sharks qui protestent parce qu’il se comporte comme si agir comme cela était dans le concept même de l’émission.
Lorsque vous êtes la banque, cela vous donne un léger avantage sur vos concurrents parce que les clients veulent faire affaire avec vous.
7. Le deal ne se conclut pas tant que l’argent n’est pas sur votre compte
Bien souvent, un entrepreneur remportera un super deal. Il arrivera en demandant 100 000 dollars en échange de 10% de son entreprise et il obtiendra 300 000 dollars en échange de 5% de son entreprise. Au final, le shark qui a fait le deal et l’entrepreneur en sortiront ravis et se serreront la main.
Tout va bien dans le meilleur des mondes. Dans le style typique d’une émission de téléréalité de Mark Burnett [producteur de l’émission], on assiste à une interview après l’épisode, où l’entrepreneur fait la fête et dit : « Yesss ! Je viens de conclure un deal grâce à Shark Tank ! Yesss ! »
Selon moi, la plupart de ces deals ne sont finalement pas conclus. Je n’ai que des preuves anecdotiques.
Mais j’ai étudié plusieurs des entreprises après l’émission, et il n’y a aucune mention de leur nouveau co-investisseur. Il n’y a qu’une mention : « Retrouvez-nous dans l’émission Shark Tank ce mardi ! »
Dans la vie, tout deal passe par diverses étapes : ventes, questions, enchères (s’il y en a), acceptation de l’offre, période de lune de miel, vérifications préalables, contrats légaux, potentiels remords du vendeur/de l’acheteur, puis enfin virement de l’argent.
L’émission ne nous conduit que jusqu’au stade d’acceptation de l’offre. Mais après il faut savoir que le deal peut capoter. Dans tout deal, comme dans les relations personnelles, c’est là un point qu’il ne faut pas oublier.
8. Sachez en quoi vous êtes bon
Lorsqu’un entrepreneur passait la porte pour la première fois, nous nous amusions à essayer de deviner quel investisseur/shark lui correspondait et souvent nous tombions juste. S’il s’agissait d’une idée dans le secteur de l’habillement, et si le PD-G de FUBU ne l’aimait pas, alors c’était mort.
Si un produit semblait être idéal pour une infopublicité (par exemple un appareil de musculation qui facilitait les pompes) et si l’expert en infopublicité ne l’aimait pas, alors pas de deal. S’il s’agissait d’investir dans Internet et que Mark Cuban ne l’aimait pas, alors pas de deal non plus.
Ceci est utile pour moi en tant qu’investisseur. J’ai investi dans plus d’une trentaine d’entreprises. J’ai réussi beaucoup de sorties (la vente pour 800 millions de dollars de Buddy Media à Salesforce et la vente pour 450 millions de dollars de TicketFly à Pandora sont deux exemples).
Je n’aime pas trop réfléchir lorsque j’investis dans des entreprises non cotées.
J’aime savoir que des investisseurs expérimentés et considérés comme des experts dans le secteur de l’entreprise co-investissent avec moi.
En fait, voici une autre astuce de Kevin O’Leary : il restait silencieux mais s’il voyait que le roi de l’infopublicité investissait, il essayait d’entrer dans l’action et de s’associer à lui parce qu’il savait que ce dernier offrirait un publireportage, passerait à la télé et ferait tout le boulot.
C’est également utile aux entrepreneurs.
Il faut présenter votre société à la bonne personne. Ne vous adressez pas à Barbara Corcoran, la reine de l’immobilier, si vous avez un produit que vous allez vendre à des casernes de pompiers.
Ce qui m’amène à…
9. Demandez conseil dès que vous le pouvez
Certains entrepreneurs avaient simplement de mauvaises idées.
Si par exemple vous vendez un jeans et que le fondateur de FUBU ne veut pas l’acheter, alors cela vous apprend immédiatement que votre idée est probablement mauvaise.
Mais je n’ai entendu qu’une fois au cours de cette émission un entrepreneur demander conseil : « Qu’est-ce que j’ai mal fait dans ma présentation ? » Et même alors, lorsque les sharks lui ont répondu, il était sur la défensive et se montrait insultant envers eux.
Si vous n’obtenez pas de deal, apprenez ce que vous avez mal fait. Alors, modifiez votre projet, changez de méthode ou bien lancez une nouvelle entreprise. Ce n’est pas la fin de votre vie si vous n’obtenez pas un deal pourri sur Shark Tank.
Demandez toujours conseil. Gardez « l’esprit du débutant ». Montrez-vous toujours curieux. Enfin…
« Si vous ne vivez pas dans le monde du choix, vous vivez dans le monde de l’excuse. » – James Altucher
10. Peu importe !
Vous venez de présenter votre produit pendant 15 minutes dans une émission de télé diffusée dans tout le pays, qui sera rediffusée au moins deux ou trois fois et qui sera écoutée une tonne de fois sur iTunes. Ce genre de publicité vous coûterait environ 1 million de dollars, voire plus.
Peu importe donc si vous avez obtenu ou pas un deal.
Ne rejetez pas la faute sur les autres. Ne cherchez pas des excuses. Cherchez des opportunités.
Assurez-vous que votre site web est prêt pour la publicité, pour l’assaut de trafic et de commandes, quelle que soit la qualité du produit et soyez reconnaissant pour la publicité gratuite. Certains entrepreneurs pleuraient lorsqu’ils n’obtenaient pas de deal.
Un entrepreneur tire avantage de toute situation et de chaque opportunité.
Les échecs sont toujours des opportunités. Mais le chemin peut être diffèrent.
De la publicité gratuite d’une valeur d’un million de dollars plus de bons conseils de la part de quelques milliardaires est une super expérience pour vous et votre entreprise. Tirez-en le maximum.
Ces dix leçons sont pour mes filles parce que je leur ai dit à la fin de notre marathon d’émissions Shark Tank que si, d’ici la semaine prochaine, elles n’avaient pas une idée à partir de laquelle elles peuvent fonder une société, alors ce serait : « Pas de cadeau de Noël cette année, ni de vacances cet été ! » – ce qui faciliterait infiniment ma vie.
C’est ma manière de faire. C’est à prendre ou à laisser.