« Nombres débiteurs » et « dates de valeurs », « année lombarde », oublis de frais obligatoires, omissions d’informations … tant d’éléments qui sont de plus en plus sous le feu des projecteurs judiciaires. Cette nébuleuse de termes vous effraie-t-elle ?
Vous feriez pourtant bien de vous y intéresser. Il y va de votre intérêt : prêt à la consommation, prêt immobilier, prêt aux entreprises, tous sont concernés.
Aujourd’hui, grâce à l’aide d’un spécialiste sur le sujet : Yves Delaporte, du cabinet éponyme qui a répondu à mes questions, je vous révèle certaines pratiques bancaires abusives dont vous auriez déjà pu pâtir – ou que vous pourriez rencontrer à l’avenir.
L’« année Lombarde », un besoin de transparence
Les banquiers Lombards donnèrent leur nom à cette pratique qui consistait, depuis le Moyen- âge, à réduire l’année à 360 jours, pour l’octroi d’un crédit.
D’un côté, les calculs s’en trouvaient facilités (30 jours/mois), de l’autre, il y avait un avantage pécuniaire à la clef.
A tel point que l’usage a perduré.
Malgré un long enchaînement jurisprudentiel qui dure depuis 1993, on pourrait croire que le coup de grâce a été porté à l’année dite « lombarde. »
Effectivement, la Cour de cassation condamne cette pratique qui occulte 5 à 6 jours, selon que l’année est bissextile ou non, et qui a pour effet de majorer les intérêts de tous les financements court termes (découvert, escompte…).
Le code de la consommation (R 313-1) est formel : un mois normalisé compte 30,41666 jours (pour une année de 365 jours).
Alors certes, on comprend que les Lombards eurent l’idée de s’économiser les méninges. Mais à l’heure où l’informatique règne en maître, l’excuse d’un calcul « complexe » ne tient plus.
Et hélas, malgré une jurisprudence foisonnante, les établissements bancaires continuent de perpétuer cette coutume lombarde.
Une véritable lisibilité du taux nominal serait d’afficher les 0,14% occultés.
Chipotage sur les chiffres vous dites ?!
On pourrait croire qu’une différence de quelques jours est négligeable. C’est un tort : la conséquence est une majoration du taux d’intérêt aux dépens du client.
Par exemple, pour un taux nominal affiché à 10 % par an, pour un découvert de 100 €, le débiteur payera en réalité 10,14 € par an (soit 10,14%)…
Inutile de vous dire que sur des sommes importantes, le tout répercuté sur des dizaines d’années, l’opération est juteuse pour la banque…
Les clients, comme David face au Goliath bancaire, pourraient se laisser intimider. Bien souvent, ils ignorent qu’ils sont victimes d’erreurs de calculs et pire, de pratiques illégales, sur les crédits qu’ils ont souscrits.
Or l’année Lombarde n’est que la partie émergée de l’iceberg.
Le taux effectif global est-il réellement « global » ?
Créé par le législateur en 1966 et codifié aujourd’hui dans le code de la consommation (article L.313-1), le taux effectif global (TEG) est le taux « global » fixé par un établissement de crédit au titre de son financement. Qu’il soit à court ou long terme, le TEG détermine le coût total du crédit que vous allez supporter lorsque vous souscrivez un crédit immobilier ou un crédit à la consommation par exemple.
L’objectif est d’offrir un moyen de comparaison sur les taux pratiqués entre les établissements financiers. Le taux nominal est en effet le taux « affiché, » qui ne révèle pas les éléments annexes que sont, par exemple, les frais de dossier. Ainsi, le TEG fournit un moyen de comparaison plus transparent… du moins en principe.
Il doit comprendre :
- Le taux d’intérêt nominal
- L’ensemble des frais tels que ceux d’inscription et de dossier ;
- La prime d’assurance, si assurance il y a (elle est généralement obligatoire).
Tout est beau dans le meilleur des mondes : les clients comparent les taux selon les banques, cela favorise la concurrence et la transparence.
C’est justement là où il faut être vigilant !
Yves Delaporte souligne « une réelle distorsion entre le TEG affiché et le TEG réellement pratiqué ». Ces distorsions portent notamment sur des erreurs dans le calcul de l’assiette du taux. Tous les frais ne sont pas en réalité inclus. C’est le cas des « frais notariés notamment, qui très souvent ne sont pas pris en compte » m’explique le spécialiste. Or, même si ces frais ne rapportent rien à la banque, ils doivent être compris dans les calculs.
Ce n’est pas tout.
En ce qui concerne les découverts, trois problèmes principaux peuvent faire l’objet de contentieux :
- La minoration de l’assiette : une fois encore, certains frais ne sont pas inclus de sorte que le TEG n’est plus « global ». Les banques sont habiles à multiplier des commissions diverses et variées, dont vous ignoriez l’existence au début du contrat.
- La minoration du coefficient de TEG : similaire à « l’année Lombarde » décrite précédemment, cette fois, ce sont les années bissextiles qui sont « oubliées. »
- Enfin, le plus édifiant, les dates de valeur : la question ne porte pas sur la licéité toujours discutable des dates de valeur. En revanche le TEG doit être calculé sur le financement « effectif ». Or les jours de valeur rajoutés par la banque ne représentent pas un financement « effectif » donc le TEG n’est pas un financement « effectif ».
Un exemple simpliste pour bien comprendre : le lundi vous êtes à découvert, le jour même, vous faites un virement suffisant pour combler le découvert. Votre situation est normalement rentrée dans l’ordre, sauf que la banque va enregistrer votre opération de virement deux jours après : le mercredi. En termes de jours de valeur, vous êtes à découvert pendant une durée de deux jours.
C’est strictement interdit, le TEG stipulé par la banque doit prendre en compte la date d’opération et non la date de valeur !
Alors que faire ?
« Systématiquement, nous proposons de négocier avec les banques » – me dit mon interlocuteur, dont le cabinet prend en charge principalement les entreprises en difficulté. – « Le problème, c’est qu’elles refusent dans la majorité des cas ».
C’est donc la voie de l’action en justice qui s’ouvre. Elle ne doit pas rebuter le client, car si l’abus est avéré, il est systématiquement gagnant. En outre, la banque lui doit un devoir de conseil en tant que professionnel.
En effet, la sanction d’un TEG erroné est qu’on recalcule le crédit au taux légal qui est bien inférieur. Cette année, il s’élève à 0,93% – plus que l’année dernière, où il s’élevait à 0,04%.
Il convient d’ailleurs de signaler que la méthode de calcul du taux d’intérêt légal a été modifiée cette année, combinée à la dépénalisation de l’usure (délit pénal avant 2003), cela laisse présager une certaine connivence de l’Etat avec les banques, qui n’aurait de cesse d’alléger les sanctions à leur égard…
[Découvrez tous les abus des banques dont vous êtes peut-être les victimes dans le dossier réalisé pour vous par notre spécialiste dans J’Agis ! Comment les repérer et surtout comment les contrer ? Toutes les réponses ici…].