Aussi appelée loi ALUR (loi n°2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové), ce texte a aussi dans sa ligne de mire les mutations d’immeubles… Mais il existe une parade.
Pour accroître les pouvoirs urbanistiques des collectivités publiques, l’article 149 de la loi nouvelle vise désormais aussi les donations et transmissions à caractère immobilier.
Le droit de préemption urbain renforcé ou ordinaire, ainsi que le droit de préemption pour les zones d’aménagement différé (ZAD) ont été revus. Les ZAD contribuent d’ailleurs à geler un marché immobilier catégoriel sur de longues durées. Aujourd’hui, le cumul de ces zonages peut concerner une très grande partie du territoire de votre commune.
Si la collectivité exerce son droit de préemption, votre immeuble migre vers son patrimoine
Aux termes des articles L213-1 et L213-1-1 du Code de l’urbanisme, voici notamment les cas de figure où la collectivité publique peut faire main basse sur votre bien :
donation d’immeubles entiers ou parties d’immeubles divisés ;
donation de droits portant propriété ou simplement jouissance d’un immeuble ;
transmission d’immeuble bâti ou non bâti.
Les voies de contournement ou d’exemptions sont peu nombreuses.
Sont hors loi Duflot :
Les transmissions gratuites intervenant entre parents en deçà du sixième degré. Cela peut vous sembler loin mais la notion de « degré » est souvent mal définie dans l’esprit des gens.
Ainsi en ligne directe (parents-enfants), le degré de parenté se calcule en rajoutant un degré par génération : le fils est parent au premier degré avec son père ou sa mère. Mais en ligne collatérale, ce n’est plus aussi simple. Le degré de parenté est la somme des générations qui séparent deux personnes de leur ascendant commun ; pour le calculer, on part d’une personne, puis on remonte à l’ascendant pour redescendre vers l’autre personne. Ainsi, le neveu est parent au troisième degré de son oncle car il y a une génération entre l’oncle et ses père et mère et deux générations entre les père et mère de l’oncle et le neveu.
A ce jeu-là, les mutations entre cousins lointains et arrières petits-neveux et nièces reviennent vite dans le champ de la loi.
Si vous envisagiez de donner un bien à la fille de votre nouveau conjoint, n’y pensez même pas ! Car aux yeux de la loi, et quelle que soit votre affection envers elle, vous n’avez aucun lien de parenté. Bref, dans une société marquée par le phénomène croissant des familles recomposées, la loi Duflot s’avère aussi moderne qu’un silex taillé à la main.
La donation de droits indivis, c’est-à-dire d’un morceau d’immeuble non défini. Toutefois, on connaît les affres d’une gestion en indivision dont les contentieux se comptent par milliers dans les tribunaux.
Les transmissions entre concubins. Si l’indivision entrave la gestion d’un patrimoine immobilier et se montre très efficace pour fâcher les familles… si les transmissions entre vifs entre conjoints mariés ou pacsés sont hors du champ d’application, celles entre concubins ne le sont pas.
Les legs contenus dans un testament échappent à cette incursion de la puissance publique.
La loi voulue par Mme Duflot prétendait lutter contre les fausses donations dissimulant en réalité une vente avec remise d’argent en dessous de table.
Evidemment, on comprend aisément qu’un défunt n’encaissera pas d’argent occulte et qu’il ne peut donc pas frauder. Reste à savoir si les fausses donations étaient à ce point nombreuses qu’elles nécessitaient tout cet arsenal législatif ? Car précisément la loi étant générale, elle vient troubler toutes les mutations qui étaient sincères.
C’est France Domaine qui va évaluer votre bien immobilier en cas de transmission
Par une fiction juridique, et pour les besoins de la cause interventionniste publique, une donation qui est un acte gratuit est réputé onéreux, d’où l’intervention de France Domaine dans vos affaires.
Mais nouveauté, la puissance publique ne reprendra pas forcément la valeur que vous comptiez faire figurer dans l’acte de donation. Mme Duflot a voulu que ce soit l’Etat lui-même, via le Service des domaines, qui procède à l’évaluation. L’Etat devenant alors « juge et partie »… pas très rassurant pour les citoyens !
On s’éloigne ainsi un peu plus de la liberté contractuelle énoncée aux articles 6 et 1134 du Code civil… alors même qu’au nom de cette liberté, c’est toujours la valeur énoncée par les parties qui sert d’assiette au calcul des droits de donation.
France Domaine fixera donc un prix, mais s’il est trop faible, vous pourrez seulement renoncer à l’opération. C’est la seule et unique sortie de secours qu’a laissée la majorité parlementaire au service de Mme Duflot dans son article R.213-10 du code de l’urbanisme !
En effet, si vous contestez ce prix, vous pouvez aller devant le Juge de l’expropriation (avec le risque jamais nul de perdre votre procès) ou bien « tout laisser tomber » : en restant silencieux deux mois de suite, cela équivaut à renonciation d’aliéner. Mais forcément votre projet de transmission entre vifs tombe à l’eau.
Votre seule possibilité resterait alors de faire un testament, de faire un legs particulier concernant le bien, mais du coup celui qui aurait été votre donataire aujourd’hui devra attendre votre décès pour recevoir ledit bien. Bref, tous vos projets de transmission sont bloqués.
« La technique actuellement la plus pacifique et efficace pour détruire une ville, à l’exception du bombardement » ? Une loi immobilière !
La citation vient de l’économiste socialiste suédois Assar Lindbeck commentant ce type de loi immobilière. Les effets de la loi ALUR sont catastrophiques dans tous les domaines :
- gel des investissements locatifs qui se traduit par une offre insuffisante dans certains secteurs et entretiendra les pénuries, alors même que le titre ronflant « Accès au logement » de la loi nouvelle affirme le contraire. Certains ambitionnent de faire de la France un pays d’HLM gérés par des collectivités mitées par la dette publique…
- limitation de la circulation des biens et donc de la vivacité du marché immobilier, puisque la collectivité pourra toujours s’interposer pour faire capoter une mutation afin de faire rentrer l’actif immobilier dans son giron.
La SCI au secours de votre patrimoine immobilier
Certes, la SCI en tant que société à prépondérance immobilière n’est pas exclue du champ d’application de ce volet de la loi ALUR. Je vous mentirai en vous disant le contraire.
Toutefois, la SCI dispose de certaines particularités qui, sous réserve d’être maniées correctement, lui permettent d’échapper à la loi Duflot. Nous vous proposons de les découvrir dans la version enrichie et mise à jour du Rapport spécial SCI 2015.