Alors que la course à l’introduction en Bourse fait rage entre les principaux acteurs du secteur des VTC (Véhicules de Tourisme avec Chauffeur) depuis le début de l’année 2019, c’est Lyft qui prend les devants en annonçant son entrée d’ici la fin de la semaine prochaine.
Dès lors, on retrouvera la principale concurrente d’Uber cotée sur le Nasdaq sous le nom LYFT.
Elle va mettre sur le marché 30,77 millions de titres, qui devraient s’acquérir entre 62 et 68 dollars l’unité. Les dirigeants de Lyft pourraient lever jusqu’à 2,4 milliards de dollars.
Méconnue en Europe, l’entreprise californienne transporte ses clients exclusivement aux États-Unis et au Canada. Elle a notamment bénéficié des frasques du fondateur d’Uber entre 2014 et 2017, qui ont considérablement terni l’image du leader du marché et ont permis à Lyft de s’imposer en tant que meilleure alternative.
Depuis, le facétieux Travis Kalanick s’est éclipsé, mais Lyft a profité de l’élan. La voici qui grille la priorité à sa meilleure ennemie – dont l’attendue introduction en Bourse déchaîne les passions depuis 2017 jusqu’à devenir potentiellement la plus importante de l’histoire dans le secteur technologique.
Une introduction à plus de 100 milliards de dollars pour Uber
Espérée pour 2019 depuis que Dara Khosrowshahi a pris la tête du groupe américain (fin août 2017), l’introduction d’Uber était elle aussi attendue pour le premier trimestre – l’annonce du lancement du processus ayant été faite le lendemain de celle de Lyft.
Tout indiquait en effet que son entrée en Bourse était imminente, mais l’immiscion soudaine de Lyft pourrait encourager Uber à privilégier la sagesse et la mesure pour peaufiner son image auprès des investisseurs.
Les dernières déclarations de Dara Khosrowshahi, président du groupe, s’inscrivent dans cette posture stratégique : « Nous ne le ferons que lorsque nous serons prêts et que les marchés y seront propices. »
Néanmoins, ces mêmes investisseurs pourraient commencer à trouver le temps long et le soufflé pourrait retomber si l’introduction n’intervenait pas cette année.
Uber devra donc juger du moment adéquat pour finaliser cette opération : ne pas se précipiter au risque de donner l’impression d’une action entreprise « en réponse » à Lyft et destinée à montrer qui est le plus fort ; mais ne pas trop tarder non plus pour tirer profit de cette effervescence inédite qui appelle des prédictions historiques.
En octobre dernier, les banques d’affaires Goldman Sachs et Morgan Stanley – qui ont d’ores et déjà proposé leurs services pour la gestion de l’IPO – avaient avancé une valorisation ahurissante de 120 milliards de dollars. Notons que si cette introduction en Bourse excédait les 100 milliards de dollars, il s’agirait alors d’un record dans le secteur technologique.
Le leader chinois est en embuscade
Observateur attentif de cette lutte fratricide, un troisième acteur pourrait également couper l’herbe sous le pied du leader américain en opérant son introduction en Bourse dans les prochains mois. Il s’agit de Didi Chuxing, souvent surnommé avec cette arrogance toute occidentale « le Uber Chinois », qui revendique 550 millions d’usagers et contrôle 90% du marché des VTC dans le pays le plus peuplé du monde.
De cette IPO, il en a été question dès avril 2017, mais l’assouplissement des règles d’entrée à la Bourse chinoise et l’élan de dynamisme suscité par le plan « Made in China 2025 » justifient l’imminence et la crédibilité de cette nouvelle hypothèse.
Et la firme asiatique a de solides arguments pour arbitrer le duel américain. Des choix stratégiques particulièrement pertinents lui ont permis d’asseoir son influence à la table des négociations.
Ainsi, dès 2015, DiDi prend une participation de 100 millions de dollars dans Lyft, comme pour soutenir la concurrence avec Uber. Puis en août 2016, à la suite de longues discussions avec Uber qui souhaitait prendre place sur le lucratif marché chinois, DiDi annonce l’acquisition de Uber China par l’intermédiaire de Jean Liu, sa présidente nouvellement intronisée.
En échange, Uber obtient une participation de 20% dans Didi Chuxing. Mais l’entreprise chinoise affiche ses ambitions, et Jean Liu impose sa patte. Un an et demi plus tard, en janvier 2018, la femme d’affaires finalise l’acquisition de 99, son grand rival au Brésil.
Didi Chuxing est actuellement valorisé à plus de 65 milliards de dollars.
Un français veut devenir grand
En Europe, le français Kapten réclame également sa part du gâteau. Anciennement Chauffeur Privé, la plateforme de réservation a annoncé le 6 février dernier qu’elle changeait de nom afin de se développer à l’international.
Depuis son rachat fin 2017 par l’allemand Daimler (DAI – XETRA), l’entreprise souhaite changer d’envergure et le fait savoir : la direction vise le leadership en Europe et la 5e place mondiale d’ici quatre ans.
Le marché des VTC est en plein bouleversement et Uber a désormais dans son rétroviseur des concurrents bien décidés à bousculer la hiérarchie d’un secteur que le géant californien a inventé – créant ainsi les bases de la nouvelle économie.
Plutôt que d’investir sur l’un de ces acteurs au moment de leur IPO – et ainsi de passer à côté des plus gros profits – James Altucher recommande de se positionner sur la valeur qui va bénéficier de toutes les autres. Une seule condition : investir dès maintenant, avant que le marché n’explose.