Je vous en parlais le 22 mars dernier. Enivrée par la perspective de griller la priorité à Uber et de profiter ainsi de la frénésie qui entoure depuis 2017 la prochaine introduction en Bourse du leader des VTC, l’entreprise Lyft s’est immiscée dans le marché boursier à une vitesse telle qu’elle s’est retrouvée dans les graviers dès le deuxième virage.
Tout avait pourtant bien commencé pour l’entreprise californienne – présente exclusivement aux États-Unis et au Canada – qui achevait sa première journée de cotation à 78,29 $, en hausse de 8,74%.
Cette introduction du 29 mars avait même vu le titre gagner 21% dès les premières minutes, avec un pic à 88 $.
Mais, comme on s’essouffle après que l’adrénaline a maintenu l’illusion de puissance, Lyft n’a pas tenu la distance : le titre a reculé de près de 12 % pour sa deuxième journée, pour finir son tour de piste à 69,01 dollars.
À l’heure où j’écris ces lignes, les actions Lyft cotent aux alentours des 70 $, sous les 72 $ de sa valeur d’introduction et bien loin de ses jubilatoires premières minutes.
L’amant d’un jour
Rappelons que lorsque Lyft a commencé à discuter du pricing de son IPO, un canal de 62 $ – 68 $ était envisagé. Le choix du montant des premières actions est primordial pour l’entreprise et les banquiers d’investissement qui gèrent l’IPO, car il apparaît comme une première estimation du désir des investisseurs.
Ainsi, si le prix officiel de l’IPO se situe dans le bas du canal, on pourrait en déduire que la demande est plus faible que prévu. Et une telle rumeur peut, par ricochet, réfréner les ardeurs de plus d’un investisseur influençable.
Au contraire, si le prix fixé se situe dans le haut du canal, cela tend à indiquer que la demande est forte mais que les investisseurs pourraient rapidement découcher sitôt leurs appétits rassasiés.
Et lorsqu’il fut finalement décidé que les actions seraient proposées au public à 72 $, soit 4 $ de plus que le haut du canal, c’est exactement ce qui s’est passé.
James Altucher rappelait hier dans l’un de ses services que dès lors que Lyft a commencé à coter aux environs des 87 $, « il n’y avait aucune raison, pour quiconque avait la possibilité de vendre ses actions, de ne pas le faire ».
Les petits porteurs chérissent les valeurs raisonnables, il arrive même qu’ils leur jurent fidélité. En voyant Lyft gagner 15 dollars par rapport à une valeur d’introduction déjà au-dessus des attentes, ils en ont eu assez de s’encanailler.
C’est ainsi que Lyft fut cet amant d’un jour.
Les valeurs de la tech sont insaisissables
Peu enclins à accorder leur confiance à Lyft sur le long terme, les investisseurs ont préféré s’en détacher dès le lendemain.
Mais ce n’est pas la première fois qu’une valeur de la tech fait scandale dès son introduction en Bourse. Avant elle, Facebook, Twitter ou encore Alibaba s’étaient réveillées avec la gueule de bois, après une première journée d’ivresse.
Le titre Facebook, par exemple, avait ainsi perdu 10,6% de sa valeur dès le lendemain de son introduction. Et Uber n’est certainement pas à l’abri d’un tel dégrisement, à la hauteur de l’euphorie qui l’accompagne actuellement.
Cette année, des noms prestigieux tels que Airbnb, Slack, Palantir Technologies, Pinterest et Postmates ont également prévu d’entrer en Bourse.
Facebook a démontré s’il en était encore besoin que les investisseurs reviennent parfois vers les valeurs qu’ils ont délaissées, comme on regrette d’avoir laissé partir des amours passées.
Pour Lyft comme pour les grands noms qui vont faire leur entrée dans le monde dans le courant de l’année, il ne faut donc jurer de rien.
Quant à Uber, comme je le précisais il y a quelques semaines, elle devra juger avec d’autant plus de clairvoyance du moment adéquat pour finaliser cette opération. En Bourse, où les réputations se font et se défont si hâtivement, la sagesse reste la meilleure des postures.