C’est le titre d’un essai décapant, publié par Anthony Fardet, chercheur en nutrition préventive à l’INRA de Clermont-Ferrand, qui dénonce l’invasion des « faux aliments » et leurs conséquences sur la santé.
Ce livre vous ouvre les yeux sur un phénomène mal connu : l’ultra-transformation. L’industrie agro-alimentaire permet de fractionner les aliments et d’en isoler les composants. Ces composants servent ensuite d’ingrédients aux industriels qui les recombinent en y ajoutant du sel, des matières grasses, des sucres simples et de nombreux additifs. Le rôle des additifs étant de redonner artificiellement le goût, la couleur et la texture perdus lors du fractionnement.
Voilà pourquoi on parle de « faux aliments ». Ces produits ressemblent à des aliments, ont le goût des aliments, mais n’en sont pas.
La matrice alimentaire
Au coeur de ce travail totalement original, qui s’appuie sur l’expertise d’un nombre croissant de chercheurs dans le monde, il y a la notion de matrice de l’aliment.
Qu’est-ce que la matrice ? Ce sont les composants d’un aliment, qu’il s’agisse de nutriments ou de non-nutriments, et la relation moléculaire qui existe entre eux, c’est-à-dire les liens chimiques. Cette structure complexe peut être intacte (ex : une pomme). Elle peut être modérément altérée (ex : une compote de pommes) ou radicalement modifiée (ex : jus de pomme).
Les vrais aliments sont les aliments bruts ou peu transformés, ceux dont la matrice n’a pas été beaucoup modifiée. Les faux sont les aliments ultra-transformés, ceux qui constituent 80 à 100% de la plupart des rayons du supermarché. Ils sont très caloriques, ils possèdent un index glycémique élevé qui provoque un pic de glycémie dans le sang. Ce sucre est ensuite stocké par le corps sous forme de graisse.
Les effets à craindre
Pour la même teneur en nutriments, la pomme que l’on croque n’aura pas les mêmes effets sur l’organisme que la compote ou le jus. Comme l’indique le chercheur : « Un pain fait de farine blanche à laquelle on ajoute du son fait davantage monter la glycémie qu’un pain fait de farine intégrale. Il est moins rassasiant et fait plus monter le sucre sanguin. Pourtant les constituants pris isolément sont les mêmes ! Un aliment, ce n’est pas qu’un assemblage de nutriments, c’est un tout. Et le tout vaut mieux que les parties. »
Anthony Fardet décrit clairement les effets de ces faux aliments : « Les premiers effets sont une augmentation significative des prévalences de surpoids, obésité et diabète de type 2, notamment chez les plus jeunes. Ensuite, ces dérégulations métaboliques augmentent le risque des autres maladies chroniques comme les maladies cardiovasculaires et certains cancers digestifs. Au final donc, on constate très clairement que ces faux aliments sont indirectement la première cause de décès dans les sociétés occidentales, et notamment en milieu urbain ; ceci loin devant l’alcool et le tabac. »
Deux questions s’imposent
- Comment en est-on arrivé là ?
Ceci s’explique par une dérive insidieuse de la recherche en nutrition, qui n’a cessé de vouloir expliquer les effets d’un aliment par ses constituants individuels. D’où les débats infinis, jamais tranchés, sur la responsabilité des glucides, des graisses, des graisses saturées ou pas, des vitamines dans nos problèmes de santé.
Les produits bio ne sont pas épargnés par cette tendance, rentabilité oblige ! De nombreux produits « sans gluten » ou « vegan » ne présentent que peu d’intérêt pour la santé et peuvent s’avérer nocifs (glycémie qui explose, par exemple, avec des farines de riz et de maïs).
- Que faut-il penser des recommandations officielles qui nous disent de manger moins de gras, de sucre, de sel ?
Et si les conseils nutritionnels avaient tout faux ? Une fois ce sont les graisses qu’il faut éviter, une autre fois les sucres. On colle des pastilles vertes, oranges, rouges sur des emballages selon des critères surannés. Pendant ce temps, obésité, diabète et cancers progressent.
Selon Anthony Fardet : « Elles peuvent porter une certaine valeur en soi, mais qui n’est que partielle, car elles sont basées sur une approche réductionniste* de l’alimentation ne consid rant les aliments que comme des sommes de nutriments et calories. Pour être efficaces, les recommandations des pouvoirs publics devraient se baser sur une approche holistique de l’alimentation, à savoir mettre en avant le degré de transformation des aliments (le seul à faire sens du point de vue de la santé et de la nutrition), l’effet « matrice », l’impact sur l’environnement et le bien-être animal ; ce qui n’est absolument pas le cas. On continue à raisonner par nutriment et groupes d’aliments alors que la science montre clairement que ce ne sont pas les nutriments qu’il faut mettre en cause mais les « véhicules » de ces nutriments et leur degré de transformation. »
*Ce réductionnisme alimentaire se retrouve d’ailleurs dans le fameux Nutriscore qui vient d’être adopté par la France et qui, à peine adoubé, est caduc. Il réduit lui aussi l’aliment à une somme de nutriments, ce qui est faux.
Les conseils nutritionnels, en se focalisant sur les graisses, le sucre ou des groupes d’aliments font, en réalité, le jeu de ces faux aliments et sont impuissants à enrayer les maladies chroniques.
Des solutions collectives et individuelles existent
« Les industriels peuvent tout faire. Aujourd’hui ils répondent à la demande, qu’ils ont aussi contribué à créer, il faut bien l’admettre, profitant du faible niveau d’éducation nutritionnelle de la population. Si le grand public commence à changer ses choix alors les industriels suivront… ou mourront ! »
Ils peuvent très facilement développer des aliments moins transformés, diminuer le nombre d’additifs, etc. C’est une question de volonté et de deniers.
Au-delà du constat, Anthony Fardet donne des règles pour identifier les faux aliments et propose des solutions tant individuelles que collectives pour prévenir les maladies chroniques causées par l’alimentation et, dans le même temps, préserver la planète.
Les préconisations d’Anthony Fardet dans son livre :
- réviser les recommandations nutritionnelles faites à la population française ;
- abandonner l’étiquetage nutritionnel Nutriscore, non validé scientifiquement, pour un étiquetage beaucoup plus simple et beaucoup plus efficace basé sur le degré de transformation des aliments ;
- encourager les industriels à proposer des aliments peu transformés, avec moins d’additifs.
Vous pouvez manger « vrai » en respectant trois règles de base :
- privilégier les produits végétaux sur les produits animaux dans un rapport d’environ 85% / 15% ;
- consommer de préférence des produits pas, peu ou moyennement transformés ;
- diversifier son alimentation, manger bio, local et de saison.
Je souhaite vous avoir donné envie de lire ce livre, qui devrait vous inciter à faire vos courses d’une autre façon, et surtout à vous nourrir différemment, si ce n’est déjà fait !
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1 commentaire
Merci pour votre analyse de mon bouquin : vous en avez parfaitement saisi la substantifique moelle. Anthony Fardet