Après la frénésie sur GameStop, AMC, Blackberry… on pourrait croire que toutes les valeurs « virales » (« meme stocks » en anglais) sont des sociétés en difficulté, qui ne méritent pas une telle attention de la part des investisseurs. Mais une valeur virale pourrait bien faire exception…
Je suis extrêmement amusé (et un peu perturbé) par toute l’attention que suscitent les actions dites « virales » (« meme stocks« ), ces derniers temps.
Si vous ne savez pas déjà de quoi il s’agit, les actions virales sont simplement des titres devenus populaires sur les réseaux sociaux.
Beaucoup de ces valeurs ont flambé à des niveaux inimaginables simplement parce que les utilisateurs de réseaux sociaux – tels que le forum WallStreetBets, sur Reddit – ont incité leurs membres à les acheter pour faire grimper leur cours volontairement.
(Oui, il s’agit bien de manipulation de marché. Et la manipulation de marché, c’est illégal. Mais lorsqu’un groupe de gens agit de la sorte, il est difficile de le poursuivre. Mais je m’écarte du sujet…)
Personnellement, je suis partagé, en ce qui concerne ces actions virales.
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Les avantages et les inconvénients de la popularité des actions virales
D’un côté, j’adore constater que davantage de gens s’intéressent à la Bourse. Le marché actions est l’une des meilleures façons, pour nous tous, d’investir sur la croissance de notre économie mondiale.
C’est véritablement un marché libre qui déborde d’opportunités, et cela me réchauffe le cœur de voir de nouveaux investisseurs entrer en jeu et faire progresser leurs gains.
D’un autre côté, bon nombre de ces actions virales, dont des boursicoteurs ont fait grimper le cours, appartiennent à des entreprises qui ne valent rien.
Certaines grandes gagnantes, à ce jeu, sont des sociétés littéralement en faillite dont l’action a grimpé simplement parce que ces groupes de gens ont décidé d’acheter en même temps, ce qui a fait bondir le titre.
À long terme, cela n’a aucun sens.
Et pour les nouveaux investisseurs qui ne comprennent pas ce qui se passe, ces hausses brutales (et le krach qui suit lorsque la réalité s’impose) présentent d’énormes risques.
Cela me rend furieux car, souvent, ce sont ceux qui peuvent le moins se permettre de perdre de l’argent qui se font aspirer dans ces investissements promettant de « s’enrichir rapidement ».
Dernièrement, j’ai entendu les employés d’un café (et ses clients), des voisins, des chauffeurs-livreurs, et même mes enfants, donner des conseils sur la façon de négocier ces titres.
Et souvent, ce que j’entends va totalement à l’encontre du savoir que j’ai acquis au cours de mes 20 ans de carrière de professionnel de l’investissement.
Si vous détenez certaines de ces valeurs virales qui ont nettement grimpé, alors félicitez-vous d’avoir réalisé des gains – si c’est le cas. Et ensuite, je vous dirais qu’il vaut mieux les vendre tout de suite, ou du moins faire en sorte d’avoir un plan pour gérer cette position au cas où les titres baisseraient brutalement.
Car, dans la plupart des cas, ces actions n’ont aucune valeur ou leur évaluation élevée ne reflète pas la réalité des entreprises concernées.
Mais cela étant dit, je peux adhérer à l’une d’entre elles, en particulier.
Et aujourd’hui, je tiens à vous raconter l’histoire de cette action exaltante qui pourrait grimper grâce à ces investisseurs des réseaux sociaux, et aux excellentes activités de l’entreprise en question.
Alors jetons un coup d’œil…
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Une action virale aux activités légitimes dans un contexte de reprise
La société que je tiens à vous présenter aujourd’hui est Cleveland-Cliffs Inc. (CLF).
Cette société est connue pour ses mines de fer situées dans la région des Grands Lacs, autour du Michigan et du Minnesota.
En tant que compagnie minière nord-américaine, CLF possède un avantage spécifique, s’agissant des activités manufacturières américaines.
Le fer est une importante ressource utilisée dans la fabrication de l’acier. Or les mines de fer de CLF sont géographiquement proches des plus grands producteurs d’acier du pays.
Comme les mines de CLF sont situées près de ces aciéries, la société peut facilement extraire du minerai de fer, le charger sur une barge et le transporter de l’autre côté des Grands Lacs pour le livrer à tout client américain.
En revanche, les concurrents étrangers doivent expédier le minerai de fer de Chine, ou d’autres parties du monde, ce qui augmente le coût du transport. Et donc, les concurrents internationaux ont beaucoup de mal à s’aligner sur les prix que CLF est en mesure d’offrir.
Par conséquent, CLF est extrêmement bien placée pour proposer du minerai de fer à ses clients.
Et dans le contexte actuel de reprise économique, cet avantage lié à la proximité et à des coûts de transport plus faibles contribue à faire grimper l’action.
Les analystes de Wall Street prévoient qu’au cours de l’année prochaine, la société passera d’une perte de 0,11 $ par action (à cause du ralentissement des activités manufacturières pendant la pandémie) à un profit de 2,25 $ par action. C’est un redressement exceptionnel !
Il n’est pas étonnant que le titre ait bondi au cours des derniers mois.
Mais même si ce sont les fondamentaux de CLF qui m’enthousiasment, les traders d’actions virales suivent une tout autre histoire, eux…
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Les traders d’actions virales font grimper les actions
La principale raison justifiant que les traders d’actions virales s’intéressent à CLF, ce sont les positions « short » (paris à la baisse).
Les investisseurs professionnels (et souvent des particuliers, également) « shortent » fréquemment des actions qui, selon eux, vont baisser.
Pour appliquer cette stratégie, il faut d’abord emprunter des actions auprès de son courtier et les vendre sur le marché (vente à découvert).
Ensuite, le trade doit être clôturé en rachetant les actions sur le marché pour les restituer au courtier à qui on les a empruntées.
Cela peut paraître compliqué, mais c’est en fait très facile.
Et sur le marché libre, c’est un bon moyen de maintenir les cours à un juste niveau. Si les actions deviennent surévaluées, les vendeurs à découvert ont intérêt à parier sur leur baisse.
Cette « fonctionnalité » de vente à découvert, sur le marché, peut empêcher certains secteurs de s’envoler et de créer de dangereuses bulles.
Mais les traders d’actions virales ne voient pas les choses ainsi. Ils croient que de « méchants vendeurs à découvert » font artificiellement baisser le cours des actions.
Et donc, ces individus sur les réseaux sociaux font volontairement grimper le cours des actions faisant l’objet de shorts, pour tenter de pénaliser les traders de Wall Street, qui ont parié contre ces titres.
(Vous voyez ce que je veux dire, quand je parle de manipulation de marché ?)
Quoi qu’il en soit, CLF est devenue la cible des traders d’actions virales car le titre a fait l’objet d’un nombre considérable de shorts.
Selon les données publiées, 52 millions d’actions CLF sont vendues à découvert, actuellement.
Ce n’est pas un énorme volume, comparé aux 490 millions d’actions en circulation. Mais ces statistiques de shorts ne sont pas toujours très exactes.
En effet, certains animateurs du marché (« market-makers« ), à Wall Street, ne sont pas tenus de déclarer leurs positions de la même façon qu’un hedge fund ou d’autres investisseurs institutionnels sont tenus de le faire.
Alors les traders d’actions virales croient que les shorts sur CLF sont bien plus nombreux. Et ils s’unissent autour de CLF pour faire grimper l’action plus haut et pénaliser les investisseurs qui ont parié contre ce titre.
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Une dette gérable et un avenir radieux
Lorsque l’on entend que des investisseurs parient contre CLF, la première question que l’on peut se poser est la suivante : pourquoi ?
Après tout, il est fréquent que les investisseurs pariant sur la baisse de certaines actions comptent parmi les cerveaux les plus brillants de Wall Street.
Dans ce cas, la décision de parier contre CLF paraît peu judicieuse.
Au cours de l’année dernière, CLF a dû réaliser quelques ajustements pour survivre à la crise du coronavirus.
Lorsque le chiffre d’affaires de la société a baissé, CLF a dû trouver des fonds, pour ne pas fermer. Et donc, l’entreprise a emprunté des capitaux et vendu de nouvelles actions.
Ces décisions lui ont permis de conserver assez de trésorerie dans ses comptes pour rester en activité.
Et à présent, son chiffre d’affaires augmente. Ce revenu va aider CLF à gérer ses nouvelles dettes et, au bout du compte, à stimuler les gains des nouveaux actionnaires.
CLF pourrait même rétablir son dividende une fois que l’entreprise sera revenue à un niveau normal.
Si l’économie n’avait pas repris et si les activités manufacturières n’avaient pas redémarré, ces dettes supplémentaires auraient pu achever l’entreprise.
Mais à présent, il semblerait qu’elles aient accompli précisément ce qu’elles devaient faire : aider la société à survivre au cours d’une période difficile, et en ressortir avec des activités rentables.
Et, pour votre information, le nombre de traders ayant parié sur la baisse de CLF a considérablement chuté, au cours des derniers mois.
C’est une excellente nouvelle car cela montre que les risques ont diminué et que le titre semble être un investissement bien plus intéressant, aujourd’hui.
Bref, cette action virale est l’un des rares cas ayant du sens, en fait, et peut recevoir ma bénédiction en tant que valeur susceptible de vous aider à faire fructifier l’argent de votre retraite.
Comme toujours, chaque investissement réalisé présente des risques. Alors ne placez jamais tout votre argent sur la même action.
Mais si vous ouvrez une position raisonnable sur cette entreprise minière rentable, je pense que votre investissement progressera au fil de la reprise économique.