Si vous ne supportez plus de m’entendre parler de robots, je crains qu’il ne vous faille passer votre chemin pour aujourd’hui car je vais encore vous parler de robotique.
Mais pas de n’importe laquelle : de nanorobots.
J’en conclus que ceux d’entre vous qui n’ont pas abandonné la lecture de cet article sont donc intéressés par les nanorobots. Et, vous avez bien raison car ces nanomachines, qui ne sont parfois même pas visibles à l’oeil nu, pourraient accomplir des miracles à l’intérieur même de votre corps.
Commençons par une définition. Les nanorobots ou nanobots peuvent recouvrir deux concepts. Tout d’abord, celui de minuscules robots, de véritables machines mais dont la taille se compte en nanomètre (10 puissance -9 mètres). Pour être tout à fait franche, ce genre de nanorobots reste encore très largement du domaine de la science-fiction même si les micro-robots (des machines de la taille de quelques micromètres), eux, sont une branche très active et très prometteuse de la robotique.
L’autre acception du terme de nanorobots est celui de molécules génétiquement modifiées et programmées pour une tâche bien précise. Elles ont hérité d’un autre nom, peut-être plus parlant, celui de bactéribots.
Les nanorobots à l’oeuvre dans notre corps
A quoi peuvent donc servir de si petits robots ? Le principal champ d’application, celui qui concentre la plupart des recherches, est celui de la médecine.
Ingérés ou injectés, des robots nanométriques pourraient sans effort se frayer un chemin dans notre organisme pour y accomplir différentes missions : transporter un traitement jusqu’aux cellules en ayant besoin, cibler des cellules cancéreuses, faire le ménage dans nos artères, détruire des ennemis-envahisseurs (virus, bactéries…). Des nanorobots pourraient servir de minuscules ouvriers et défenseurs de notre corps.
Certains y voient même la possibilité de créer de minuscules chirurgiens qui seraient chargés de nous opérer de l’intérieur.
L’idée n’est pas nouvelle : depuis la fin des années 90, certains rêvent que de minuscules robots puissent se charger de nettoyer nos artères de toute trace de cholestérol qui y traînerait.
Une équipe de chercheurs de l’université de Drexel (Philadelphie), en association avec des chercheurs coréens et suisses, ont ainsi mis au point des « Micro-swimmer Robots » (mini-robots nageurs), c’est-à-dire des nanoparticules hybrides (car composées en partie de matériel bactérien) et magnétiques qui se déplacent dans le système sanguin guidées par des champs magnétiques.
Après avoir été injectés dans le corps du patient, ces nanorobots sont guidés, grâce au magnétisme, jusqu’à la cible désirée – et tout particulièrement les artères cardiaques. Ils peuvent ensuite se regrouper pour effectuer leur tâche : déboucher les artères en administrant des anticoagulants dont ils sont chargés. A terme, ces robots pourraient remplacer les stents et les angioplasties (intervention chirurgicale sur les vaisseaux sanguins).
Les nanorobots pourraient aussi être un remède… à l’infertilité masculine. Une équipe de chercheurs allemands travaille sur des nanorobots chargés de transporter les spermatozoïdes paresseux jusqu’à l’ovule. Ces spermbots se déplacent eux-aussi grâce aux champs magnétiques et une vidéo présentant le projet est visible ici.
Outre le recours aux champs magnétiques extérieurs, certaines équipes travaillent sur des nanorobots qui pourraient s’autopropulser mais ces recherches n’en sont encore qu’à leurs balbutiements.
La surveillance au plus près de nos cellules
Autre fonction qui pourrait être attribuée aux nanorobots : celle de surveiller au plus près notre organisme.
Une équipe du Max Planck Institute travaille par exemple sur un microrobot (un peu plus gros qu’un nanorobot) qui sera à terme équipé d’une caméra et capable de nager dans nos liquides internes (le sang, la lymphe, etc.). De quoi maintenir une surveillance constante de nos organes ou encore repérer très en amont le développement de tumeurs.
Des frappes ciblées contre le cancer
S’il y a bien un domaine dans lequel les nanorobots suscitent un immense enthousiasme, c’est celui des traitements anti-cancer.
Des nanorobots, chargés d’une thérapie anti-cancéreuse, iraient directement « larguer » le traitement à la surface des cellules cancéreuses. Les avantages seraient non négligeables. D’abord, ces nanorobots ne s’attaqueraient qu’aux cellules cancéreuses en préservant les cellules saines, ce qui limiterait très significativement les effets secondaires ressentis lors des actuelles chimiothérapies ou radiothérapies, qui détruisent tout sur leur passage, ou presque.
Ensuite, le recours aux nanorobots accroîtrait l’efficacité des thérapies qui ont déjà fait leurs preuves. Au lieu d’être ingérés ou injectés, les principes actifs sont directement déposés à la surface des cellules cancéreuses. De quoi espérer les éradiquer bien plus facilement.
L’espoir est donc là. Mais, qu’en est-il de la réalisation ? En matière de lutte anti-cancer, quelques essais ont fait grand bruit ces dernières années. Un premier essai encourageant a ainsi été mené en 2013 par une équipe coréenne de l’université de Chonnam. Les chercheurs coréens sont parvenus à créer des nanorobots hybrides à partir des bactéries de la salmonelle. Ces nanorobots, qui transportent un traitement anti-cancer, sont guidés vers les cellules malades par des signaux chimiques émis par celles-ci. Les essais, menés sur des animaux, auraient permis de détruire efficacement les tumeurs.
Tout récemment, en janvier dernier, une équipe de chercheurs de l’université de Bar Ilan a annoncé avoir lancé un essai clinique sur des patients humains. Les nanorobots développés par Ido Bachelet sont constitués d’un petit bout d’un ADN replié sur lui-même (technique dite de l’ADN origami).
Ces nanorobots ressemblent donc à un bivalve (imaginez une moule ou une palourde) qui s’ouvrirait pour délivrer le traitement au plus près des cellules malades. Ils utilisent les protéines présentes à la surface des cellules cancéreuses pour les repérer et les cibler. Après avoir été testée sur des animaux, cette technique est utilisée pour la première fois sur un patient atteint de leucémie. C’est absolument fascinant et si les essais s’avèrent concluants, je ne manquerai pas de vous le signaler.
Qu’est-ce que cela signifie pour vous ?
Soyons clair, l’utilisation des nanorobots n’en est qu’à ses prémices. Si les essais sur les bactéries ou les animaux se multiplient, les essais cliniques sur l’homme se comptent sur les doigts d’une main.
Les équipes sont confrontées à de multiples problèmes : comment permettre aux nanorobots de se frayer un chemin dans notre organisme sans déclencher les alarmes du système immunitaire (c’est d’ailleurs pour cela que la plupart des équipes privilégient les nanorobots issus de bactéries ou de virus), comment améliorer leurs déplacements, comment s’assurer qu’ils sont inoffensifs pour nos cellules et organes sains, etc.
Bref, il faudra certainement plusieurs années avant qu’un traitement reposant sur ces nanorobots ne soit autorisé en Europe ou aux Etats-Unis.
Malgré tout, deux biotechs (malheureusement non cotées) se consacrant au sujet sont à surveiller : Zymergen et Ginkgo Bioworks (qui vient tout juste de lever 100 millions de dollars au cours d’un tour de table).
Du côté des poids lourds du secteur, Pfizer collabore avec l’équipe d’Ido Bachelet qui a lancé l’essai clinique sur la leucémie. Une voie détournée de miser sur le secteur mais bien moins risquée !
L’autre solution que je vous propose est certes un poil moins fascinante (encore que !) techniquement que les nanorobots, mais elle partage avec eux de nombreux points communs (en particulier dans le ciblage précis des cellules à traiter), tout en ayant l’immense avantage d’être à un stade bien plus avancé de recherches et de commercialisation. Cette solution, c’est l’immunothérapie.
Elle permet de proposer des chimiothérapies et des radiothérapies ciblées tout en en réduisant les effets secondaires.
Par exemple, la technique développée par Actinium Pharmaceuticals consiste à attacher une charge radioactive à un anticorps qui a appris à cibler des protéines très spécifiques présentes sur les cellules cancéreuses. Le résultat est une radiothérapie bien plus précise et bien plus efficace.
Plusieurs traitements reposant sur l’immunothérapie ont été autorisés au cours des dernières années et, comme vous l’explique régulièrement Ray Blanco dans NewTech Insider, l’immunothérapie est une des voies les plus prometteuses en matière de lutte contre le cancer.
[NDLR : D’ailleurs, Ray a plusieurs valeurs à vous recommander dans le secteur. A retrouver dans NewTech Insider car les gains sont à portée de main.]