En cinq ans, le nombre de personnes de plus de 60 ans vivant hors de France a plus que doublé et augmenterait de 4% par an en moyenne, selon l’enquête sur l’expatriation des Français de 2013 menée par le ministère des Affaires étrangères.
Voici les chiffres clés de l’expatriation des seniors retraités et actifs :
- plus de 252 000 Français de plus de 65 ans sont des expatriés-retraités ;
- 180 pays sont concernés ;
- le premier pays d’accueil est désormais le Portugal, suivi de l’Espagne et du Maroc (d’après un sondage réalisé par OpinionWay en 2015) ;
- 24% des seniors partent pour des raisons familiales, 25% pour des motivations professionnelles.
Mais, partir à l’étranger, cela s’organise !
La réussite d’une expatriation est essentiellement liée à sa préparation. Si les seniors expatriés sont majoritairement des retraités, le fait de partir vivre sa retraite hors de l’Hexagone n’empêche en rien de percevoir sa pension et de bénéficier des droits y afférents. Faut-il encore s’y préparer, afin d’éviter les déconvenues.
Démarches à effectuer en priorité lorsque vous êtes déjà à la retraite :
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Les grands changements
- Le régime matrimonial
En changeant de pays, vous pouvez changer de régime matrimonial sans le savoir : si vous vous êtes marié après le 1er septembre 1992, sans contrat (la communauté réduite aux acquêts), vous devrez prendre en compte la loi de la mutabilité. Vérifiez le régime légal du pays choisi : si c’est la séparation de biens, vous y serez automatiquement soumis. Les couples mariés avant cette date et ceux ayant conclu un contrat de mariage conserveront leur régime initial.
Vous avez la possibilité, avant le départ, d’établir un contrat de mariage ou de rédiger une déclaration de loi applicable (DLA), qui n’a pas besoin d’être homologuée devant un juge, contrairement au contrat, un simple passage devant le notaire suffit.
Cette première démarche vous permettra :
- d’acheter un bien immobilier dans un pays qui ne reconnaît pas la communauté : il sera acquis en commun, et non en indivision ;
- de sécuriser la part d’héritage que vous souhaitez laisser à votre conjoint ;
- d’anticiper la complexité d’une succession internationale en cas de décès à l’étranger. Depuis 2015, dans tous les pays de l’Union européenne, excepté le Royaume-Uni, l’Irlande et le Danemark, la loi de la résidence habituelle du défunt s’applique à l’ensemble de la succession, à moins qu’il n’ait opté, par testament, pour sa loi nationale. Dans tous les autres pays, on applique la loi française pour les biens meubles et la loi du pays d’accueil pour les biens immobiliers acquis sur place.
Il est primordial de réaliser un bilan successoral et d’organiser votre succession avant votre départ. Le système se complexifie avec les couples binationaux et les familles recomposées.
- Le système de santé
Le système français, bien qu’il soit déficitaire, est sans comparaison : attendez-vous à débourser davantage.
Si vous continuez à percevoir une retraite française, vous pouvez rentrer en France pour vous faire soigner. Vos frais vous seront remboursés aux taux pratiqués pour les résidents.
Si vous vous expatriez dans l’UE ou en Suisse, vous bénéficiez des mêmes droits que les nationaux. Vous aurez le choix entre rentrer en France ou vous faire soigner dans votre nouveau lieu de résidence : renseignez-vous sur les infrastructures de votre pays d’accueil et sur la prise en charge. Cela vaut la peine de comparer la qualité et les coûts avant le départ.
Certains pays hors UE ont signé une convention bilatérale de Sécurité sociale avec la France (le Maroc, par exemple).
Pour tous les autres pays, vous devez vous renseigner vous-même, soit par le biais d’une assurance privée, soit en adhérant à la Caisse des Français de l’étranger (CFE). Il vous en coûtera 4,2% de vos pensions de retraite par an (avec un minimum de 220 euros par trimestre si votre pension est inférieure à 21 714 euros brut par an).
N’hésitez pas à consulter le site de la CFE, qui peut s’avérer très utile quand certaines assurances privées ne prennent pas en charge les personnes au-delà de 65 ou 70 ans.
Une dernière recommandation : n’hésitez pas à souscrire une assurance rapatriement. L’assurance liée à votre carte bancaire (si vous avez payé un billet avec celle-ci) n’est valable qu’environ 90 jours à compter de la date de votre départ.
- Votre patrimoine et la fiscalité
Si vous gardez trop d’avoirs sur le sol français, vous serez considéré comme résident français et soumis à la fiscalité française : c’est sur l’ensemble de vos biens situés en France que vous serez taxé (pour l’ISF, le seuil est aux alentours de 1 300 000 euros).
- Votre déménagement doit être réel (résider plus de 183 jours par an à l’étranger), vous ne laissez pas courir d’abonnements, vous pouvez louer ou vendre vos biens immobiliers… Le tout est d’être clair sur votre lieu de résidence, pour éviter toute contestation de votre résidence fiscale à l’étranger.
- Vous devez renoncer à certains produits d’épargne, éligibles aux seuls résidents : les livrets de développement durable, d’épargne populaire ou livrets jeune. Vous pouvez détenir un livret bancaire ordinaire, un livret A et B, un plan d’épargne populaire (PEP), un compte et plan d’épargne logement (CEL et PEL), un contrat d’assurance-vie et des bons de capitalisation.Vous pouvez conserver votre plan d’épargne en actions (PEA) et votre PEA-PME. Les placements financiers des non-résidents ne sont ni imposables à l’ISF ni assujettis aux prélèvements sociaux. Pour éviter la fuite de capitaux et favoriser l’investissement sur le territoire, de nombreuses exceptions ont été prévues sur les placements financiers et les revenus qui relèvent des capitaux mobiliers : assurance-vie, contrat de capitalisation, obligations, actions, comptes courants, dépôt à terme… Vous pouvez les garder, à condition qu’ils ne vous procurent pas la majorité de vos revenus (ce qui remettrait en cause votre domiciliation fiscale), sinon clôturez-les avant votre départ).
- Les biens immobiliers conservés en France sont assujettis à l’ISF : il peut être opportun de vendre votre résidence principale, non soumise à l’impôt sur les plus-values, au moment de partir. Vous pouvez louer les biens conservés une partie de l’année. Les revenus fonciers des biens conservés, ainsi que les plus-values des biens vendus, restent, dans la plupart des cas, imposables et soumis aux prélèvements sociaux en France. Les conventions internationales peuvent prévoir d’autres règles, et il existe aussi des mesures d’exonération. Le système est complexe…
Vous pouvez, dans un premier temps, vous renseigner auprès du Centre des impôts des non-résidents (dont vous trouverez les coordonnées ici). Pour la liste des conventions internationales signées par la France en matière de taxation, consultez les sites officiels : http://www.legifrance.gouv.fr et http://www.impots.gouv.fr/portal/static/.
Pour vous y retrouver dans la complexité du système et pour éviter une double imposition*, je vous conseille de consulter un notaire et/ou un avocat.
* Retenez bien ceci :
Si vous résidez à l’étranger plus de 183 jours par an et que le centre de vos intérêts économiques ne se trouve plus en France, vous ne serez plus considéré comme résident fiscal français. Vous ne serez taxable en France que sur vos revenus de source française, et non sur vos revenus hors France (vos pensions de retraite et vos revenus fonciers).
Attention ! Votre pays d’accueil peut aussi prévoir une taxation : étudiez bien les conventions fiscales signées par la France. En général, elles attribuent à l’Etat de résidence le droit de taxer les pensions et les rentes viagères, la France y renonçant.
Si vous demeurez fiscalisé en France (moins de 183 jours par an et/ou trop d’intérêts économiques en France), c’est l’obligation fiscale illimitée qui s’applique : vous êtes soumis à l’ISF sur la totalité de vos revenus et de vos biens, en France et hors France.
Les derniers préparatifs
- Informez votre banque
Il est judicieux de conserver un compte courant : ce compte de non-résident vous permettra de faire face aux premières dépenses à engager à l’étranger, ou en France lorsque vous reviendrez. Vous pourrez gérer vos éventuelles locations, les impôts…
- Informez les impôts
Vous aurez deux déclarations à remplir (imprimés n°2042 et n°2042-NR) pour vos revenus de l’année du départ : n’oubliez pas de leur donner votre nouvelle adresse.
- Informez la Sécurité sociale et votre caisse de retraite
N’oubliez pas de leur fournir vos nouvelles coordonnées bancaires. Votre caisse de retraite vous demandera un certificat de vie annuel, visé par les autorités compétentes de votre pays d’accueil.
- Le permis de conduire
Votre permis de conduire est valable dans l’espace économique européen. Ailleurs, il n’est utilisable que 3 à 12 mois. Vous devez déposer à votre préfecture ou sous-préfecture une demande de permis de conduire international. Gratuit, valable 3 ans dans de nombreux pays, il vous permettra de circuler librement à condition de présenter votre permis français.
- La santé
Faites un bilan et les vaccinations obligatoires. Renseignez-vous sur les maladies courantes dans le pays d’accueil. Parlez-en à votre médecin traitant. Vous pouvez consulter le site des Affaires étrangères.
- Les animaux de compagnie
Selon le pays et l’animal, il devra subir des formalités plus ou moins contraignantes (vaccination, quarantaine). Dans l’UE, vous devez le faire identifier (tatouage ou puce électronique), le vacciner contre la rage et produire un passeport européen pour animal de compagnie. Renseignez-vous au consulat ou à l’ambassade pour les autres pays.
- Enfin le déménagement !
Choisissez de préférence une entreprise certifiée (NF Service, ISO 2009). La Fédération internationale des déménageurs internationaux (Fidi) propose une liste de déménageurs certifiés. Si vous partez hors UE, vous devez fournir à la douane un inventaire détaillé des biens transportés.
Avez-vous choisi votre future résidence avec soin ?
Il faut partir dans un pays qu’on apprécie et avoir envie de s’y intégrer : c’est, avant tout, un choix de vie, et pas seulement un moyen de payer moins d’impôts ou de profiter d’un pouvoir d’achat plus important. Après avoir consulté votre notaire, votre avocat, votre contrôleur fiscal, votre médecin, votre banquier, vous prendrez le temps d’apprendre la langue. Vous ne vivrez pas en autarcie.
Voilà quelques idées de destinations…
- Le Portugal
Vous devez justifier de revenus suffisants. La crise économique étant passée par là, l’immobilier est accessible, mais gare à l’achat, consultez un avocat. Seules Porto et Lisbonne disposent d’infrastructures médicales haut de gamme. Le français est bien parlé, mais la pratique du portugais est nécessaire hors des grandes villes. Les retraités du privé sont exemptés d’impôts pendant 10 ans. Le coût de la vie est de 15 à 25% moins élevé qu’en France.
- Le Maroc
Vous devez avoir une carte de résident renouvelable. L’immobilier est accessible. Le système public de santé est médiocre et les cliniques privées sont très chères. Le système fiscal pour l’imposition des retraites est avantageux, mais une fois votre retraite rapatriée sur un compte en dirhams, elle n’est plus convertible. Le français est bien parlé.
- La Thaïlande
Un minimum de 1 600 euros par mois vous donne accès à un visa annuel renouvelable. La location est conseillée : vous êtes propriétaire de la maison que vous achetez, mais pas du terrain. L’anglais est globalement compris dans les régions touristiques, sinon apprenez le thaï. Les infrastructures médicales sont de bonne qualité et les consultations très abordables. Votre retraite reste imposable en France. Le coût de la vie est 60 à 70% inférieur à celui de la France.
- La Floride
Soit vous faites des courts séjours avec visa (trois mois), soit vous tentez d’obtenir la carte verte, ce qui est difficile en tant que retraité. Vous pouvez aussi acheter un visa EB5, destiné aux investisseurs, qui nécessite d’importants moyens financiers. Vous pourrez louer facilement votre résidence durant votre absence. Le système de santé est de qualité, mais hors de prix. En dehors de l’anglais, l’espagnol est largement parlé.
Vous pouvez avoir accès à une carte de débit en ouvrant un compte, mais pour la carte de crédit ou un simple abonnement de téléphone portable, il vous faudra un bon « scoring » (évaluation de votre qualité de débiteur). Le niveau de vie est équivalent à Paris pour une ville comme Miami et 15% moins cher dans les autres villes.
A la vue de ces disparités, je n’ai qu’une chose à vous dire : prenez le temps de bien préparer votre départ et bonne retraite !
Un livre pour approfondir le sujet : Retraite, partir vivre à l’étranger, D. Sarget et F. Coletto-Labatte, Ixelles éditions |