Il y a presque deux ans, j’avais écrit un article qui expliquait pourquoi vous deviez quitter votre boulot.
Il ne s’agissait pas d’un article naïf et passionné destiné à vendre les mérites de la vie d’entrepreneur, mais plutôt à aborder les mauvaises nouvelles qui s’accumulent dans le monde de l’entreprise et qui font que, petit à petit, vous allez ressentir le besoin de le quitter.
À juste titre, à la lecture de cet article, beaucoup de gens m’ont demandé : « Et ensuite ? Que dois-je faire ? »
J’ai donc posé cette question aux gens qui avaient déjà franchi le pas : « Qu’avez-vous fait ? Comment avez-vous quitté votre boulot et gagné un million de dollars ? »
Tout le monde n’est pas Mark Zuckerberg ou Larry Page. Tout le monde ne va pas arrêter ses études pour créer l’iPhone, une machine à remonter le temps ou une cuvette de toilettes capable de s’adapter à la corpulence de celui qui s’assoit dessus (même si ça serait une bonne idée).
Certaines personnes aimeraient simplement quitter leur emploi et gagner un million de dollars. Dans le film The Social Network, Justin Timberlake, qui interprète Sean Parker (entre autres cofondateur de Napster), a cette citation : « Un million de dollars, c’est pas cool ; un MILLIARD, ça c’est cool ! »
En réalité, un million de dollars, c’est quand même souvent assez cool. Tout le monde ne peut pas être un champion à la tête d’une fortune de 100 millions de dollars investis dans du capital-risque. Parfois, c’est bien de gagner un million de dollars, d’être son propre patron et d’utiliser cette liberté financière pour s’élancer vers le succès.
J’ai donc contacté Bryan Johnson, qui a fondé une entreprise appelée Braintree, qui est maintenant une division de Paypal. Vous n’avez peut-être jamais entendu parler de Braintree mais vous avez sûrement entendu parler de ses clients. Bryan fournit des services de transactions par carte de crédit ou de paiement pour des entreprises comme OpenTable, Uber, Airbnb, etc.
Je n’avais jamais parlé avec Bryan auparavant. Je n’ai jamais investi dans Braintree. Pour autant que je sache, je n’ai jamais investi (malheureusement) dans un client de Braintree.
J’aime interpeller des gens qui, selon moi, ont des histoires intéressantes à raconter. C’est ainsi que je construis mon réseau, constitué non seulement de contacts financiers mais aussi d’amis potentiels.
Je savais qu’il serait intéressant d’écouter Bryan raconter comment il avait fondé Braintree et je pensais qu’il saurait parfaitement répondre à cette fameuse question : « Qu’est-ce que je fais après ? »
En 2007, Bryan, qui était cadre de niveau intermédiaire chez Sears, quitta son boulot. Au bout de deux ans, il gagnait plus d’un million de dollars par an. Braintree finit par devenir très gros et leva 34 millions de dollars avec Accel et d’autres – mais ce n’était pas ce qui m’intéressait.
« Comment y êtes-vous arrivé ? » je lui ai demandé. « Quelles sont les étapes ? »
Voici sa réponse : « Je détestais mon boulot et l’idée d’avoir un salaire fixe ne m’a jamais convenu. Auparavant, j’avais été agent commercial dans la vente de traitement de crédits ; je démarchais des commerçants comme des restaurants ou des magasins afin qu’ils remplacent leur terminal de paiement par carte par celui je vendais. Je me suis donc dit que je pouvais faire la même chose mais pour mon propre compte plutôt que pour celui d’une entreprise. »
Règle n°1 : se débarrasser des intermédiaires
Au lieu de se retourner vers l’entreprise pour laquelle il opérait des ventes, Bryan se débarrassa des intermédiaires : il s’adressa directement à Chase Paymentech, la société de traitement de paiements et d’acquisition de commerçants de JPMorgan Chase, et signa son propre accord de distribution avec elle. Il fit tout cela AVANT de quitter son emploi chez Sears.
Beaucoup de gens me demandent : « J’ai un boulot, dois-je déjà trouver un fonds de capital-risque ? » NON, bien sûr que non ! D’abord, vous devez vous débrouiller par vous-même. Ces fonds ne soutiennent que ceux qui montrent qu’ils en ont sous la pédale !
Règle n°2 : choisir un secteur sans originalité
Tout le monde est toujours à la recherche de « la prochaine idée du siècle ». Aujourd’hui, elle consiste à trouver des minéraux de terres rares sur Mars. C’est là un BOULOT DIFFICILE. Ne vous lancez pas là-dedans !
Bryan a choisi un domaine dont ont besoin tous les négociants du monde. Il savait aussi que ce secteur était en pleine explosion du fait de tous les sites de vente en ligne qui fleurissaient.
Il n’est pas nécessaire de proposer la toute dernière innovation, simplement des choses qui existent déjà mais en un peu mieux que les autres.
En outre, lorsque vous êtes agile et plus petit que les mastodontes qui sont empêtrés dans la bureaucratie, vous pouvez proposer de meilleures offres, de meilleurs services, et un meilleur contact avec vos clients. Les clients viendront chez vous.
Règle n°3 : trouver un client !
C’est là probablement la règle la plus importante pour tout entrepreneur. Les gens veulent suivre le « parcours magique » – c’est-à-dire avoir des investisseurs, quitter leur boulot, créer un produit et puis, d’un coup de baguette magique, acquérir des millions de clients. Ça ne marche JAMAIS ainsi.
Bryan a trouvé dix clients (sur les douze premiers qu’il a contactés) qui se montrèrent prêts à changer leur système de paiement et à le lui confier. Il calcula qu’il avait besoin de gagner 2 100 dollars par mois pour quitter son emploi et s’installer dans l’Utah avec sa famille. Avec ses dix premiers clients, il gagnait 6 200 dollars par mois. Il avait donc une marge de sécurité. Il quitta son boulot et tout d’un coup, il s’est retrouvé dans le grand bain.
Règle n°4 : renforcer la confiance pendant votre sommeil
On appelle souvent cette règle « Gagnez de l’argent en dormant. » Mais c’était déjà le cas pour Bryan. Il gagnait de l’argent sur chaque achat effectué par carte de crédit avec ses dix premiers clients.
« Je ne voulais pas parcourir les rues de la ville à démarcher des clients, raconte-t-il. Et je n’étais pas un développeur donc je n’ai pas trouvé de moyen pour que les gens s’inscrivent en ligne. Certaines personnes m’ont soufflé l’idée d’ouvrir un blog. Or un bon blogueur se doit d’être totalement transparent, sinon ses lecteurs le lui reprocheront ouvertement. J’ai donc commencé à bloguer à propos de ce qui se passait réellement dans le secteur des cartes de crédit, combien de négociants seraient escroqués, etc. Et je postais mes articles dans les meilleurs sites sociaux : Digg, Reddit et StumbleUpon. Parfois, les articles devenaient les plus lus de ces sites et mon blog générait tellement de trafic qu’il tombait en panne. Je suis de fait devenu une source fiable sur le traitement des cartes de crédit. Très rapidement, tous les sites en ligne qui avaient du mal à s’y retrouver dans ces systèmes se sont mis à me contacter pour que j’installe leur passerelle de paiement et autres services de transaction. »
Deux choses à ce propos…
Règle n°5 : on ne blogue pas pour gagner de l’argent
Bloguer, c’est une question de confiance. On ne fait pas de pub sur son blog (ou rarement), on ne blogue pas pour décrocher un gros contrat d’édition (ou rarement), mais on construit une relation de confiance qui ouvre des opportunités.
Dans le cas de Bryan, son blog lui a apporté plus de visibilité que s’il avait fait du porte-à-porte et il lui a offert sa première grande opportunité.
« Pour aller vite, OpenTable m’a contacté : ils voulaient une solution logicielle pour stocker les cartes de crédit, transmettre les données aux restaurants tout en étant conformes du point de vue réglementaire. J’ai signé un contrat de deux ans avec eux, ce qui m’a permis d’engager des développeurs et m’a permis de construire leur solution. Tout d’un coup, je me suis retrouvé avec plus de services à vendre à mes clients. »
Règle n°6 : dites OUI !
Il commença à mettre les négociants en relation avec Chase Paymentech. Puis OpenTable lui demanda de faire du développement de logiciel, alors même qu’il n’en avait jamais fait auparavant. Il ACCEPTA !
Il embaucha des développeurs, mit au point un super produit et multiplia par quatre, voire plus, son chiffre d’affaires. Cela positionna son entreprise dans une stratosphère complètement nouvelle de services offerts aux clients.
Puis, par le bouche-à-oreille, d’autres entreprises en ligne se mirent à utiliser les services de Braintree : Airbnb, Uber, etc. Et les capital-risqueurs se mirent à le contacter parce que tous leurs clients leur disaient que Braintree leur fournissait leurs services de paiement.
Il n’est pas si facile pour une start-up en ligne d’avoir des services de paiement.
Bryan m’expliqua : « Pour chaque nouveau client, nous élaborions tout un package pour Chase Paymentech, en expliquant pourquoi on pouvait faire confiance à ce client. »
Règle n°7 : le service clients
On doit traiter chaque client, ancien ou nouveau, comme un être humain.
« Nous savions intuitivement ce que nous n’aimions pas dans les services clients partout ailleurs : être mis en attente, changer sans cesse d’interlocuteur, etc. Nous avons donc tout mis en œuvre qu’il y avait aussi peu de friction que possible entre l’appel du client et l’aide qu’il recevait de notre part. »
Lorsque vous êtes une petite entreprise, vous n’avez aucune excuse pour avoir un mauvais service clients.
Vos meilleurs nouveaux clients sont vos anciens clients et la meilleure manière de toucher vos anciens clients, c’est de leur fournir rapidement de l’aide lorsqu’ils en ont besoin.
Les services aux clients sont le point de contact le plus fiable pour continuer à leur vendre vos services.
« J’ai compris, lui dis-je. Mais je me dois de poser la question : quand avez-vous commencé à gagner des sommes à plus de sept chiffres ? »
« Dès la deuxième année, je gagnais plus d’un million par an, me répondit Bryan. Et mon entreprise continuait à se développer. Nous doublions de taille chaque année. Nous n’arrivions pas à embaucher assez vite. »
En 2011, au bout de quatre ans d’activité, Braintree fit sa toute première levée de fonds : 34 millions de dollars dans une levée en série A. Actuellement, selon Crunchbase, Braintree traite plus de 5 milliards de dollars de transactions de cartes de crédit par an.
Pas mal pour quelqu’un qui a quitté son job et voulait juste trouver un moyen de payer ses factures.