Ce week-end, j’ai servi des céréales au chocolat aux enfants au petit-déjeuner, des pâtes aux légumes au déjeuner, des brioches au goûter et, au dîner, j’ai réchauffé dans un Tupperware le ragoût préparé par mamie. J’ai traité les enfants contre les poux, je les ai enduits de crème hydratante pour leur peau sèche.
Après quoi je me suis octroyée une pause-café/cigarette à la terrasse d’un bistrot parisien. Rien d’extraordinaire me direz-vous.
C’était oublier que l’air, l’eau et le sol sont pollués.
Le bilan : une bonne louche de perturbateurs endocriniens (PE) sans le savoir !
Notre quotidien envahi par les Perturbateurs Endocriniens
Mais qu’est-ce qui se cache au juste sous ce nom un peu barbare ? Les PE sont partout : cosmétiques, aliments, vêtements, mobilier, peinture, produits d’entretien, etc. Ces substances, naturelles ou artificielles, interfèrent avec notre système hormonal et perturbent son bon fonctionnement.
Les hormones, pour rappel, ce sont ces molécules messagères produites par les glandes endocrines, qui interviennent dans de nombreux processus de notre organisme (fonctions cardiaques, capacités cognitives, fertilité, etc.).
Les PE, en imitant le rôle des hormones, perturbent leur bon fonctionnement.
Mais encore ?
Le problème qui se pose est la multiplication de celles-ci sans que l’on puisse encore mesurer de façon exacte l’impact sur notre santé. Il faut des années de recul pour l’évaluer.
En tous cas, la liste des risques supposés fait froid dans le dos :
- cancers du sein et de la prostate ;
- troubles de la thyroïde ;
- maladies cardio-vasculaires ;
- diabète de type 2 ;
- obésité ;
- asthme, intolérances alimentaires ;
- troubles du comportement, baisse de QI, autisme ;
- malformations génitales (surtout chez les hommes), des cas de puberté précoce, des problèmes de libido ou d’érection, de stérilité.
Ils ont déjà fait des dégâts
Surtout, certains de ces perturbateurs ont déjà été à l’origine de plusieurs scandales sanitaires. On peut citer :
- Le Distilbène (D.E.S) : cette hormone de synthèse censée éviter les fausses couches (prescrite des années 40 et aux années 70) s’est avérée inefficace et dangereuse.
Les méfaits de ce médicament courent sur trois générations : malformations génitales du foetus, cancer du sein des filles exposées in utero (risque multiplié par deux), et pour couronner le tout, des grossesses à haut risque ou l’infertilité pour « les filles du D.E.S ». Quant aux « fils du D.E.S », ils présentent des malformations génitales… Leurs propres enfants sont suivis pour la fréquence des malformations.
- Les dioxines : ce sont des résidus de combustions industrielles (incinérateurs) ou naturelles (feux de forêts), classés comme substances cancérigènes par l’OMS. On les retrouve dans la chaîne alimentaire (graisses animales). Ils occasionnent des problèmes de procréation et de développement de l’enfant, des cancers, des altérations du système immunitaire.
Plusieurs accidents majeurs ont eu lieu en Europe : accident d’usine chimique à Seveso (Italie) en 1976, volailles contaminées en Belgique en 1999, des tonnes de viandes de porc et de produits dérivés rappelées par l’Irlande en 2008.
- Les polychlorobiphényles ou pyralènes (PCB) : ils servaient d’isolants (dans les condensateurs électriques et les condensateurs pour leurs propriétés de résistance au feu), de lubrifiants dans les turbines et rentraient dans la composition des huiles et des peintures.
Utilisés pendant 60 ans (depuis les années 30), ils restent présents dans la plupart de nos cours d’eau et donc dans la chaîne alimentaire. Très peu biodégradables, ils augmentent les facteurs de risques de quatre pathologies : les cancers, les troubles neurologiques chez l’enfant, l’infertilité et l’affaiblissement du système immunitaire.
Bien qu’interdits depuis 1987, ils demeurent dans des appareils qui doivent être « décontaminés » d’ici 2025… Une échéance fixée par la Convention de Stockholm en 2004 !
Des mesures urgentes au point mort
Le manque de consensus et la complexité scientifique autour des PE entravent la prise de mesures. Car les PE recouvrent une pluralité de substances et multiplient les voies d’exposition (eau, air, alimentation, produits industriels). Nous sommes exposés en continu (surtout lors de la grossesse, de la lactation ou de la puberté), mais de façon inégale (par exemple, un professionnel de l’agriculture ou de l’industrie chimique sera davantage touché que le reste de la population).
D’un point de vue économique, deux groupes s’affrontent : les chercheurs et les médecins, qui soulignent l’impact sanitaire et financier des PE (estimé à 157 milliards d’euros/an selon une estimation du Journal of Clinical Endocrinology and Metabolism), et les lobbies industriels qui dénoncent le coût de la substitution, qui tuerait l’emploi et l’innovation.
Priée par Ségolène Royal de « bouger plus vite », la Commission européenne fait preuve jusqu’ici d’une certaine inertie (elle a, par ailleurs, été condamnée le 16 décembre 2015 pour ne pas avoir au 13 décembre précisé les critères scientifiques utilisés pour caractériser les PE).
Certes, tous ces arguments financiers sont à prendre en compte, mais il s’agit avant tout de notre santé et de celle de nos enfants. Est-ce négociable ?
A nous de prendre les choses en main !
Lors d’un colloque sur les PE organisé les 21 et 22 janvier 2016 à Paris à l’institut Pasteur, Patrick Padovani, médecin généraliste, avait prévenu : « Si on ne fait rien, nos petits-enfants seront des mutants ! »
Alors prenons les devants et agissons dès aujourd’hui, en lisant avec attention les étiquettes et en faisant le tri dans vos placards par exemple.
Mieux vaut tard que jamais et, en matière de santé surtout, mieux vaut prévenir que guérir !
Dans le prochain numéro de J’Agis !, Meriem Saïdi vous fera part de ses 7 recommandations pour résister aux perturbateurs endocriniens. C’est de notre santé qu’il s’agit, et personne ne saura en prendre soin mieux que nous. Pour en savoir plus et le recevoir dès sa sortie dans votre boîte mail, cliquez ici.