Le cours du pétrole s’est effondré pour passer en territoire négatif il y a quelques jours. Voici quelques explications sur ce qui s’est passé et comment vous préparer aux retombées.
Cet article est bien différent de ceux que j’écris généralement. Son objectif est de vous apporter les connaissances et les données dont vous avez besoin pour éviter les écueils dans le chaos actuel.
Comme vous le savez peut-être, j’aime beaucoup investir dans le pétrole. J’investis dans de nombreux puits pétroliers, pas seulement pour l’argent que cela me rapporte mais aussi pour les avantages fiscaux que cela entraîne. Toutefois, la plupart des gens investissent dans le pétrole via un canal différent appelé le marché boursier.
Si vous avez surveillé le marché ces derniers jours, vous avez pu voir le cours du pétrole s’effondrer et atteindre des plus bas historiques. Pour la plupart des investisseurs, cela s’apparente à un moment exceptionnel pour acheter et faire carton plein.
Mais, tandis que j’entamais mes vérifications préalables et analysais comment en tirer parti, j’ai repéré certains facteurs alarmants. Au lieu d’un gain facile, la situation actuelle du pétrole ressemble plutôt à une chausse-trappe.
Que se passe-t-il avec les prix du pétrole ?
Avant d’aller plus loin, il convient d’énoncer deux faits très simples.
D’abord, la cupidité n’est pas une raison suffisante pour acheter quelque chose. Ensuite, la panique ne justifie pas de vendre quelque chose.
Autrement dit, ne vendez ni n’achetez ce que vous ne comprenez pas.
Si vous n’y connaissez rien en pétrole, dans le trading des futures ou des ETF, alors il vaudrait mieux vous renseigner avant de commencer à acheter. Ce n’est pas parce que le pétrole est incroyablement bon marché en ce moment que vous devez vous précipiter. Cela vous mènerait droit à la catastrophe. Ne mettez pas les mains dans ce que vous ne comprenez pas.
La meilleure des opportunités peut être réduite à néant par un mauvais investisseur, tout comme un bon investisseur peut rendre profitable une mauvaise opportunité.
Il ne faut donc pas hésiter à bien s’informer afin de pouvoir déterminer s’il faut investir dans le pétrole en ce moment et, le cas échéant, quelle stratégie utiliser…
Dans une obligation, on retrouve la racine du verbe « obliger ». Une obligation est un contrat qui contraint deux parties l’une envers l’autre. Si vous achetez un bon du Trésor américain, vous prêtez de l’argent à l’État américain. Ce dernier est alors obligé de vous rembourser ultérieurement selon un calendrier convenu.
Une option est un accord qui vous donne le choix d’acheter ou de ne pas acheter dans le futur. C’est une promesse qui vous permet d’acheter à un prix prédéterminé à un moment prédéterminé.
Un future ressemble un peu à une option, excepté que cette fois-ci vous devez acheter au prix prédéterminé à une date future prédéterminée. Vous n’avez pas le choix d’acheter ou pas.
Par exemple, admettons que Gary est un cultivateur de maïs et que vous êtes le PDG de Kellogg’s. Gary veut vous vendre son maïs. Ne serait-ce pas idéal si Gary pouvait le cultiver en sachant que vous achèterez toute sa récolte ? Et ne serait-ce pas idéal si vous n’aviez pas à chercher de nouveaux cultivateurs de maïs à chaque fois que vous en avez besoin ? Bien sûr que c’est génial ! C’est pour cela que vous passez un accord avec Gary.
En se mettant d’accord sur un future, les deux parties ont l’avantage de neutraliser les fluctuations des prix. Vous pourriez payer Gary un peu moins cher son maïs parce que vous lui donnez la tranquillité d’esprit en sachant qu’il peut se débarrasser de la totalité de sa récolte. Pas de gaspillage. Vous pourriez payer un peu plus pour le maïs sachant que le prix dans le futur n’atteindra pas des sommets.
Vous élaborez donc un contrat qui vous donne, à Gary et à vous, une certaine stabilité.
Vous vous êtes donc engagé à acheter le maïs de Gary. Vous devez en prendre livraison à une date future précise sur laquelle vous vous êtes mis d’accord. Quant à Gary, il doit vous vendre son maïs à cette date future au prix auquel vous vous êtes accordés.
C’est pour cela qu’on appelle ces accords des contrats à terme ou futures.
Jusqu’ici rien de compliqué. Mais c’est par la suite que cela se corse.
Il existe un marché où les gens vont s’échanger ces futures. Vous avez promis d’acheter le maïs de Gary, mais vous pouvez vendre cette promesse à quelqu’un d’autre.
Par conséquent, si le prix du maïs varie, vous pourriez vous dire : j’ai promis à Gary d’acheter son maïs, mais je vais vendre cette promesse à quelqu’un d’autre qui paiera le maïs et en prendra livraison.
Voilà le problème avec le trading des matières premières comme le maïs ou le pétrole. Vous devez les stocker. Or le pétrole est nocif, il sent mauvais, il est inflammable, il ne dure pas indéfiniment et il peut se dégrader.
Beaucoup de gens aimeraient pouvoir investir dans le pétrole. Ils veulent spéculer et parier dans le but de générer un profit, mais ils ne veulent pas posséder du pétrole.
Que se passe-t-il si vous avez promis d’acheter du pétrole mais que vous n’avez nulle part où le stocker ? Toutes vos citernes sont pleines. Pire, la consommation de pétrole a fortement chuté du fait de la crise du coronavirus et de l’arrêt de l’économie mondiale. Vous ne parvenez même pas à vous débarrasser des stocks que vous possédez déjà, sans parler de ceux que vous avez promis d’acquérir dans le futur.
Ajoutons à présent un peu d’huile sur le feu (mauvais jeu de mot).
La Russie et l’Arabie Saoudite sont entrés dans une guerre des prix effrénée. Les deux pays ont commencé à produire une quantité de pétrole énorme dans le but de faire baisser les cours et, avec un peu de chance, pousser tous leurs concurrents à la faillite. Disons que leur plan a marché. Ils ont fait tellement baisser les prix que les États-Unis ont cessé de produire leur pétrole de schiste (qui revient très cher) à cause de la pression continue sur les prix.
Comment se situent les ETF dans tout cela ?
Les ETF et le krach pétrolier de 2020
Un ETF est l’acronyme anglais de « exchange traded fund » ou fonds indiciel coté. Le mot clé ici est « coté » puisque les ETF ont été créés pour s’échanger sur les marchés, pas pour être achetés et gardés.
Savez-vous que si vous possédez un ETF or, vous ne possédez en réalité pas une seule once d’or ? Ce n’est pas comme une action qui vous permet de posséder une part de l’entreprise. Au lieu de posséder de l’or physique, vous possédez une petite partie d’une entreprise qui possède de l’or. Vous ne verrez jamais cet or, vous n’en possédez même pas une once.
Cela nous amène à l’ETF pétrole appelé USO. L’USO n’achète pas du pétrole. Ce fonds achète des futures sur le pétrole. Ceci est très important.
L’USO promet d’acheter et de réceptionner le pétrole. Or, en ce moment, les réserves débordent. L’USO n’a plus de place pour stocker tout le pétrole qu’il avait promis d’acheter.
Comment les prix du pétrole peuvent-ils devenir négatifs ?
Ce lundi, nous avons observé une dynamique vraiment étrange, avec le passage des prix du pétrole en territoire négatif. En gros, l’USO ne pouvant plus prendre livraison du pétrole, il a fait chuter les prix, dans une tentative de trouver un repreneur. Mais personne n’en a voulu et les prix ont donc dégringolé.
À présent, vous comprenez que nous sommes face à un simple problème d’offre et de demande : trop d’offre et pas assez de demande dans le monde. Pourquoi ?
Le trafic aérien est à l’arrêt. Les gares routières sont fermées. Les gens ne prennent quasiment plus leur voiture.
Toutes ces activités qui en temps normal nécessitent du pétrole ont cessé du jour au lendemain.
Par conséquent, ceux qui possèdent les futures (comme l’USO) ont paniqué et ont compris que s’ils ne vendaient pas leur pétrole, c’est eux qui allaient devoir le réceptionner. Les futures sont alors passés en territoire négatif parce que les détenteurs de ces contrats ont dû payer quelqu’un d’autre pour accepter de recevoir le pétrole. On a littéralement dû payer des gens pour accepter de recevoir du pétrole !
Que fait l’entreprise qui a trop de pétrole ? Il ne faut pas oublier qu’elle ne peut ni le jeter, ni le brûler, ni le détruire. Mais il n’est pas non plus possible d’en faire cesser la production. On ne peut pas simplement fermer le robinet du pétrole dans le Golfe du Mexique, sinon il ne pourra plus jamais être rouvert. Les producteurs ont donc été obligés de payer des gens pour accepter leur pétrole. Beaucoup de compagnies pétrolières risquent de faire faillite… et le feront.
Voyons ce que signifie des prix du pétrole négatifs
Pour résumer, une personne a promis il y a un certain temps d’acheter et de prendre livraison de pétrole. Mais le monde a tout d’un coup changé et aujourd’hui, il n’y a plus de consommation (demande) et beaucoup d’offre. Cette personne a fait cette promesse il y a longtemps, prévoyant un monde différent de celui dans lequel nous vivons aujourd’hui.
Elle pensait que le monde aurait usage du pétrole qu’elle avait promis d’acheter. Mais le monde a changé et à mesure que la situation a empiré, il est devenu évident que le monde ne reviendrait pas assez rapidement à la normale. C’est pourquoi elle a dû vendre, coûte que coûte.
La bonne nouvelle est qu’il s’agit là d’un problème à très court terme. En ce moment, nous avons des millions de barils de pétrole en stock. Mais la consommation à court terme est si basse qu’il n’y a pas de demande pour ce pétrole alors que l’offre est abondante.
C’est là la base de tous les problèmes du marché pétrolier en ce moment. Par conséquent, si vous songez à acheter les actions des compagnies pétrolières tant qu’elles sont au plus bas, vous devez alors bien vous rendre compte qu’il y a une probabilité qu’elles fassent bientôt faillite et qu’il ne vous reste plus rien.
Ou peut-être songez-vous à acheter l’ETF USO en ce moment, pendant qu’il est si bas. Quand va-t-il remonter la pente, d’après vous ? Quand la demande coïncidera-t-elle enfin avec l’offre ?
Combien de temps encore avant que les gens ne reprennent l’avion ? Peut-être bientôt, mais il est également possible que le monde apprenne à mener des réunions d’affaires via Skype et Zoom plutôt que de dépenser du temps et de l’argent à prendre l’avion pour se rencontrer en personne. Les gens vont-ils continuer à travailler comme ils le faisaient avant, avec des trajets en voiture de plus d’une heure ? Ou ont-ils appris à travailler de chez eux et donc à s’épargner des trajets longs et coûteux ?
La leçon à tirer de tout ceci est la suivante : il ne faut pas se précipiter dans un investissement sans bien réfléchir à tous ses tenants et aboutissants. Le pétrole peut être bon marché en ce moment mais cela pourrait devenir la nouvelle norme.
Si vous vous sentez frustré, ne vous en faites pas. Investir n’est pas censé être chose aisée. Lorsque vous investissez, vous gagnez votre argent, ce n’est pas un cadeau. C’est le challenge qui rend la chose amusante et gratifiante.