Barbara Cartland a battu un record du monde. En 1983, elle a écrit 23 romans. Elle avait 82 ans. Cette année-là donc, elle écrivit pas moins de deux romans par mois.
Au total, elle a écrit 723 romans publiés. Le dernier, elle l’a écrit à 97 ans. Lorsqu’elle est morte un an plus tard, il restait 160 romans non publiés qui attendaient de l’être.
Est-ce que les gens aimaient son travail ? Selon les chiffres que vous prenez, elle a vendu entre 600 millions et 2 milliards de livres. La plupart de ses livres étaient des romans d’amour.
Était-elle créative ? Était-elle une artiste ? Je ne sais pas si ces questions importent.
Elle adorait écrire, sinon elle ne l’aurait pas fait. Et les gens ont adoré son travail, sinon elle n’aurait pas réussi à vendre autant de livres. L’art est-il une question ou une réponse ?
Picasso semble le savoir, lui. Il a dit : « Moins il y a d’Art dans la peinture, plus il y a de peinture. »
En d’autres termes, agissez. Laissez derrière vous toutes les définitions des autres, sinon vous allez vous noyer dedans.
Pourquoi écouter Picasso ? Il a produit 5 000 oeuvres d’art tout au long de sa vie. En moyenne deux par jour.
Être prolifique, est-ce une obligation pour être créatif ? Non, pas du tout. Beaucoup de grands écrivains et d’artistes ont produit une oeuvre principale et puis c’est tout. D’autres sont plus prolifiques.
Jimi Hendrix a enregistré environ 70 albums avant de mourir à l’âge de 27 ans.
Mozart a composé 600 oeuvres tout au long de sa vie. Charles Schultz a créé 17 897 bandes dessinées de Charlie Brown avant de mourir.
Je veux être comme eux. Il n’y a rien de plus cruel que cette page blanche chaque matin. Je veux créer, à partir de rien, quelque chose qui n’a jamais existé auparavant.
Les gens disent : « Tout a déjà été écrit. Tout a déjà été dit. »
Mais c’est un mensonge. Je pense que toutes les idées ont déjà été écrites. Mais chaque être humain lui appose sa propre patte.
Apposer cette patte, cette empreinte digitale à un concept suffit à le rendre différent, unique. Et avec de la pratique et votre propre sensibilité, vous pouvez faire de cette empreinte quelque chose que les autres ont envie de voir.
Je ne sais pas s’il existe des règles pour la créativité. Ces 15 dernières années, j’ai publié 17 livres et peut-être 2 000 ou 3 000 articles. Et pourtant, aujourd’hui, je n’ai pas de « règles ».
Heureusement, je peux m’approprier certaines d’entre elles et y apporter ma prétentieuse touche personnelle. Retournons voir Picasso et voyons ce qu’il nous dit.
« Si votre travail ne vous amène pas d’ennuis, c’est qu’il n’est pas bon. »
J’adore cette citation. « Les ennuis » se rapportent à tant de choses. Peut-être que des gens ne vous aimeront pas. Peut-être que vous êtes trop dans l’expérimentation. Peut-être que le problème, c’est que votre travail est trop neuf.
Comment Barbara Cartland a-t-elle pu écrire 700 romans d’amour ? Ils s’appuient tous sur la même formule. Et c’est là que les ennuis commencent.
Dans chacun de ses 700 livres, deux amoureux se rencontrent. Puis un obstacle apparaît et les sépare. Cartland a imaginé 700 problèmes différents pour séparer ses amoureux. Puis elle les a résolus.
Dans tous ses polars, John Grisham prévoit une scène où le héros est complètement à la merci de son ennemi. Dans tous les James Bond, Bond a le corps lié et est sur le point de mourir aux mains du méchant.
S’ils résolvent le problème de la même manière à chaque fois, alors ils perdent leur créativité. L’artiste doit résoudre le problème d’une manière différente à chaque fois.
Plus grand est le problème, et meilleur sera le dénouement, en général. J’ai perdu beaucoup d’argent lors de la faillite de l’une des entreprises dans lesquelles j’étais impliqué. C’était un gros problème.
Alors je me suis investi dans d’autres projets que j’aurais oubliés ou ignorés dans d’autres circonstances. Les résultats ont été incroyables. Merci, chère mauvaise entreprise, pour ces énormes pertes. Suis-je en train de chercher les problèmes avec cet article ?
Le problème de cet article, c’est qu’il est égoïste d’écrire à propos de la créativité. Qu’est-ce que j’en sais après tout ? Je ne sais rien.
Alors je résous le problème en faisant appel à Picasso, à Barbara Cartland et à Mozart, et j’essaye de regrouper leurs pensées sur la créativité afin d’en construire une image.
Je suis un élève. Et ils seraient mes professeurs.
« Apprenez les règles comme un pro, pour que vous puissiez les casser comme un artiste. »
Kurt Vonnegut n’a rien fait dans les règles pour écrire ses romans. Avant lui, ses homologues écrivaient des histoires élaborées, avec des descriptions fleuries et des personnages profonds.
Dans le classique de Vonnegut, Abattoir 5 ou la Croisade des enfants, le héros est un type craintif qui explore l’espace et le temps et qui, au milieu de l’histoire, assiste aux bombardements de Dresden.
Malgré son voyage à travers le temps et l’espace, Abattoir 5 ou la Croisade des enfants est dans le fond un mémoire qui brise tous les codes.
Vonnegut a dit : « On ne peut pas briser les règles de la grammaire avant de les avoir apprises. »
Ce livre, il l’a écrit après avoir suivi pendant de nombreuses années les « codes » traditionnels de la science-fiction et de la fiction.
Comme l’a écrit Shawn Coyne dans The Story Grid, tous les genres ont leurs schémas narratifs. Ne les brisez pas. Réinventez-les.
Lorsque Luke était à la merci de Dark Vador… BOUM !
« Je suis ton père. »
Mais est-ce de l’art finalement ? Si l’on suit une formule ? Shawn précise que Steve Jobs a reproduit à l’identique les caractéristiques du téléphone portable avant de créer l’iPhone, qui est une oeuvre d’art.
Elon Musk a reproduit toutes les caractéristiques de la voiture avant de créer sa première Tesla.
Il y a de la magie dans le fait de se réapproprier quelque chose qui a déjà été fait un milliard de fois.
« L’action est le facteur clé de succès. »
Des gens qui ont une idée de livre, de série, ou d’entreprise, je n’en connais que trop. Mais ils disent toujours quelque chose comme « Je le ferai quand j’aurais le temps » ou bien « C’est déjà trop tard » (en ignorant que Barbara Cartland a écrit 23 livres l’année de ses 82 ans).
Le point commun de tous les artistes dont nous avons parlé, c’est qu’ils ont pratiqué leur art tous les jours. C’est difficile de s’asseoir tous les jours… de ne faire que ça. Une page blanche. Une toile blanche. Vierge.
Et puis… si vous parvenez à faire quelque chose… cela risque d’être nul. Cela risque d’être la pire des choses que vous ayez créée.
Kobe Bryant, l’un des plus grands joueurs de basket de tous les temps, possède un record du monde insolite : il a loupé plus de 13 000 tirs – plus qu’aucun autre joueur de basket professionnel.
Agir est plus important que tout le reste.
Rien > Penser > Faire > Terminer > Recommencer tous les jours jusqu’à… Je ne sais pas.
Mais j’espère pouvoir le faire tous les jours.
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« Copier les autres, c’est nécessaire, mais se copier soi-même, c’est pathétique. »
J’ai du mal avec cette phrase. Les gens me demandent parfois quel est mon problème récurrent. Le voici.
Parfois en relisant l’un de mes articles, je me dis : « Les gens l’ont bien aimé celui-ci. Je devrais en faire d’autres dans ce style. »
Je déteste cette sensation.
Je dois me mettre en danger plus souvent. À chaque fois que Picasso s’est senti trop à l’aise, il a complètement changé de style. Sa période bleue n’a rien à voir avec sa période cubiste, qui elle-même ne ressemble en rien à sa période surréaliste (voir Guernica).
Je suis sûr que, pour chacune de ces périodes, il se nourrissait de la précédente. Mais ce n’était pas un génie solitaire.
Bien que Picasso soit sans doute le père du cubisme, il était aussi l’héritier de Cézanne et de Matisse, apprenant d’eux, rivalisant, jusqu’à essayer de surpasser ce qu’ils avaient fait auparavant.
Il les a copiés, puis a amené son propre style, créant ainsi un nouvel alliage qui deviendra ce que nous appelons aujourd’hui le cubisme. Puis il est passé à autre chose et n’y est jamais retourné.
Pour être honnête, Barbara Cartland s’est sans doute trop copiée elle-même. Les deux dernières décennies de sa vie, bien que prolifiques, ont généré moins de ventes. Mais qu’y a-t-il à redire ? Elle aimait ce qu’elle faisait et voulait continuer à le faire.
À ce propos, Picasso a dit une fois : « Le succès est quelque chose de dangereux. On commence à se copier soi-même, et se copier soi-même est encore plus dangereux que de copier les autres. Cela mène à la stérilité. »
Je me demande toujours ce que je vais bien pouvoir faire après. C’est sans doute pour cela que j’admire tous ces maîtres de la réinvention.
La réinvention fait peur. Et elle est risquée. Mais elle est inévitable. Voilà, maintenant j’ai peur.
« Le principal ennemi de la créativité est le bon goût. »
Depuis que Cinquante nuances de Grey s’est vendu à 40 millions d’exemplaires, tout le monde s’est mis à le détester.
J’ai écrit un article qui expliquait pourquoi c’est une superbe oeuvre littéraire. J’ai reçu des mails disant : « C’est à cause de cela que l’Amérique est en train de sombrer. Il faut vraiment être inculte pour apprécier des romans à l’eau de rose comme celui-ci. »
Bon.
Et pourtant 40 millions de gens se sont dit que ce livre rendrait leur vie meilleure. Pendant ce temps, le lauréat du National Book Award réussira avec un peu de chance à dépasser les 5 000 ventes.
Les ventes ne font pas tout, je le sais bien. Et parfois une œuvre d’art peut être destinée à une élite et non à la masse.
Mais les arbitres du bon goût se réfèrent éternellement au passé. L’avenir est encore une ardoise vierge. Sinon, nous y serions déjà.
« Tout ce que vous pouvez imaginer est réel. »
Elon Musk voudrait mourir sur Mars. « Mais pas lors de l’impact », précise-t-il.
Peut-être y arrivera-t-il ; peut-être pas. En tout cas, il a créé une fusée qui peut l’y emmener. La plus grande avancée technologique en astronautique depuis 40 ans.
Il a créé des batteries et des générateurs solaires pour alimenter la fusée.
Il a lancé des fusées dans l’espace et a créé des voitures électriques qui peuvent aller de 0 à 100 km/h en 2,6 secondes.
Je ne sais pas. Peut-être y arrivera-t-il.
Un jour, j’ai décidé de proposer une idée directement au PDG de la chaîne télé HBO, le groupe derrière Game of Thrones (entre autres). Sur le chemin, j’ai rencontré l’une de mes amies et je lui ai dit où je me rendais.
Elle m’a dit : « Tu ne peux pas faire ça ! » Je ne pouvais pas aller parler au patron du patron du patron de mon patron.
Mais je l’ai fait.
Et il a dit « oui ».
La plupart du temps, les gens disent « non ». Dans pratiquement tout ce que j’ai fait, j’ai obtenu 20 « non » pour un « oui ».
Est-ce bien ou pas ? Peut-être que je vais essayer d’obtenir plus de « oui ». D’accord. Peut-être. J’essaierai. Et peut-être que cela arrivera.
Picasso disait aussi : « J’essaie toujours de faire des choses que je ne sais pas faire, c’est ainsi que j’apprends à les faire. »
Ma fille a perdu un match de tennis l’autre jour à l’école.
Je lui ai demandé : « Qu’est-ce que tu as appris ? »
Elle a dit : « Qu’est-ce que tu veux dire ? J’étais déçue. »
Si elle se repose sur ses acquis (un service sûr et fiable plutôt qu’un service plus fort mais plus risqué) alors elle ne pourra jamais améliorer ce qu’elle ne sait pas faire pour l’instant.
C’est en se concentrant sur les choses qu’on ne « sait pas faire » qu’on influe sur les victoires et les défaites. En se concentrant sur les choses qu’on sait faire, on ne fait rien d’autre que de rester dans sa zone de confort.
En 1952, Picasso a arrêté de peindre – pour toujours, pensait-il. Pour la première fois de sa vie, il a commencé à écrire de la poésie. Et à chanter.
Était-il bon ? Probablement pas. Il a recommencé à peindre. Mais il a changé un « je ne sais pas » en « je l’ai fait ».
« Les imprévus, essayer de les éviter – c’est impossible. Les imprévus révèlent l’homme. »
La vie réelle n’est pas un livre de développement personnel. Ni un article sur les 10 façons de devenir un leader.
Ce sont les imprévus qui vous permettent de comprendre qui vous êtes en tant que personne. En tant que créateur. C’est lorsque la trahison ou la déception s’immiscent dans votre vie que vous découvrez de quel bois vous vous chauffez, que vous pouvez l’analyser, et le transformer.
Je me demande parfois si les gens changent. Parce que normalement je n’aime pas les gens qui font des choses que j’estime malhonnêtes.
Pourtant j’ai moi-même été malhonnête. J’ai été exécrable. Alors j’espère que je peux changer.