De la maladie d’Alzheimer à l’anxiété, du diabète à la dépression, la spirale infernale de maladies de la vie moderne semble indiquer que les Américains et Européens sont malades et tristes.
Pourquoi ?
La malbouffe, la surconsommation de médicaments et la culture-poubelle ne sont que des symptômes.
Pour Charles Hugh Smith, « la financiarisation de l’expérience humaine » en est la cause, et c’est le mal social de notre ère :
« Il s’agit de tout transformer en une transaction financière qui profite aux entreprises et à l’Etat. Etant donné que l’Etat a besoin d’entreprises rentables pour générer des revenus fiscaux (et pour payer les salaires qui génèrent les impôts sur le revenu), l’Etat est un partenaire implicite de toute transaction visant à financiariser l’expérience humaine. »
L’un des signes clairs de l’omniprésence de cette tendance est le fait que peu de gens la remarquent. Pensez-y :
- des outils que l’on se prêtait fut un temps sans frais entre voisins sont maintenant achetés dans des grands magasins — même si l’on n’a l’intention de s’en servir qu’une seule fois ; voire loués via des plates-formes collaboratives ;
- la garde des enfants, que l’on confiait par le passé aux soins attentifs d’amis ou de parents, est sous-traitée à des crèches, baby-sitters et des garderies ;
- le dîner en famille devient une rareté.
La liste est longue, et les changements sont de moins en moins remarqués.
Toute une génération grandit sans faire l’expérience d’échanges amicaux, coopératifs ou gratuits qui constituaient jusque-là la norme.
Et ce n’est pas anodin : la financiarisation de transactions est à la fois une cause et une conséquence de la solitude.
Et la solitude peut tuer.
Les risques de l’isolement
Une étude de l’université Birmingham Young publiée en mars 2015 combine les résultats de 70 études préalables sur environ 3 millions d’individus au total.
La solitude, selon cette étude, est un plus gros risque pour la santé que l’obésité. Elle est même quasiment aussi dangereuse pour la santé que l’alcoolisme.
Le rapport conclut que se sentir seul augmente de 26% le risque de décès pendant la durée de l’étude.
Mais qu’en est-il des personnes, dans ces études, qui évitaient les autres en affirmant préférer être seul ?
Du point de vue de la santé, ce genre de personnes était encore moins bien loti.
Vivre seul volontairement augmente le risque de décès de 32%.
Malheureusement, les gens semblent opter de plus en plus souvent pour ce type de style de vie et en vantent ostensiblement les mérites.
Mon mur Facebook déborde de conseils du type « Comment gérer les introvertis dans mon genre. »
« Je suis comme je suis, » affirment-ils. « Laissez-moi vivre. »
Mais j’aurais tendance à conseiller à ces fiers introvertis de se demander dans quelle mesure leur comportement est induit.
Comme le souligne Charles Hugh Smith, l’atomisation de la société bénéficie aux gouvernements, aux banques et aux entreprises de tout poil. Et leurs efforts semblent être couronnés de succès.
- Dans les années 1920, 5% des Américains vivaient seuls.
- En 2013, ce chiffre était passé à 27%.
« Non seulement nous n’avons jamais vécu aussi seul en cent ans, mais nous n’avons jamais vécu aussi seul sur la planète, » affirme le co-auteur de l’étude, Tim Smith.
Dans notre « société de l’individualisation maximale » comme l’appelle le psychologue Martin Seligman, les avantages de la solitude peuvent paraître multiples.
Les ennuis potentiels liés aux interactions émotionnelles peuvent sembler éreintants.
Mais pensez-y : Quand vous — quand nous — affirmons apprécier l’isolement, ce n’est peut-être pas notre voix qui se fait entendre.
Il s’agit du discours d’une culture avare et parasite qui s’exprime au travers de nous.
Aucun être humain ne prospère vraiment dans un état d’isolement total, pas même des artistes incompris comme vous… ou moi.
Nous pouvons insister sur le fait que nous sommes parfaitement ravis, contents de pouvoir profiter de l’ivresse d’une autonomie totale.
Mais si l’on réfléchit un peu aux moments les plus heureux de notre vie, la liste inclut toujours des moments d’intimité — ou des instants passés en groupe — mais presque certainement aucun moment passé totalement seul.
Une bonne santé ne consiste pas simplement en un régime alimentaire optimal, de l’exercice régulier et une bonne dose de sommeil.
Votre médicament le plus puissant est en fait simplement quelqu’un d’autre.
Et ce qu’il y a de fantastique, c’est que vous êtes aussi le meilleur des traitements pour une autre personne.