Les scandales et les crises sanitaires se succèdent. C’est comme si rien dans la chaîne de production ne s’éclairait. Et vous, comment consommez-vous ?
Aujourd’hui, 80% de la croissance du secteur de l’élevage est le fait de systèmes industriels. Or, d’après un rapport de la FAO (l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture), l’élevage serait l’une des causes principales des problèmes environnementaux majeurs que l’on connaît (réchauffement de la planète, dégradation des terres, pollution de l’atmosphère et des eaux, perte de biodiversité).
L’élevage sur notre planète produit plus de gaz à effet de serre que tous les moyens de transports humains réunis (ONU). L’élevage des bovins occupe plus de deux fois l’espace terrestre utilisé pour les cultures. Responsable de 70% de la déforestation, il est à l’origine de 70% des prélèvements d’eau. Presque 50% des céréales produites dans le monde sont destinées au bétail.
Le minerai de viande : un prix qui cache l’arnaque
La protéine animale est aujourd’hui moins chère qu’à n’importe quelle autre période de l’histoire. Depuis les années 1950, le coût d’un logement a été multiplié par 1 500%, celui d’une voiture par 1 400%, tandis que les œufs et la viande ne coûtent même pas deux fois plus cher.
Un miracle ? Non, une décision politique qui favorise les profits de puissants lobbies. Si le prix de la viande est quasi stable depuis plus d’un demi-siècle, c’est qu’il est dopé par les subventions agricoles. Le coût des pollutions, de l’impact sur l’environnement et autres pandémies est assumé par la collectivité.
Un or rouge bien trop rentable… On vous parle de transparence, de traçabilité, de salubrité. Vous reprendrez bien un peu de farine animale ? Oui, parce qu’on nourrit bien les uns avec les carcasses des autres, balayant les critères sanitaires passés ! Les farines animales ont été réintroduites en 2013 et en 2014.
Selon l’Institut de veille sanitaire, 50% des antibiotiques produits dans le monde sont destinés aux animaux. Ils sont administrés systématiquement même en l’absence de pathologie avérée. Cette situation aggrave le phénomène d’antibiorésistance des bactéries transmissibles à l’homme.
On oublie trop vite le coût sanitaire. Depuis 2012, les abattoirs « s’autocontrôlaient ». C’est une mission de service public qu’on a laissée aux industriels (manque de contrôleurs vétérinaires). Ce n’est pas l’idée du siècle. Je ne mets pas en cause la capacité des industriels à honorer leurs engagements. Tant qu’ils sont lucratifs, on est tranquilles. Mais patatras, voilà que les scandales ressortent… Entre l’abattage massif des canards et une filière bio, ultra-minoritaire, qui n’exempte pas les pratiques brutales, vous êtes bien avancé. Une proposition de loi sur le « respect de l’animal en abattoir » a été votée en janvier 2017 à l’Assemblée et instaure des caméras dans les abattoirs dès le 1er janvier 2018 après une phase d’expérimentation.
L’élevage intensif vous déconnecte de la réalité animale, au point de transformer les éleveurs en apprentis sorciers. Ce sont des producteurs de kilos de protéines, un point c’est tout. Ce sont les petits éleveurs qui se retrouvent pris en étau entre la hausse des intrants qu’ils sont obligés d’acheter quitte à s’endetter (médicaments, soja importé, traitements des déjections) et les prix bas auxquels la grande distribution leur achète leurs carcasses, sous peine d’aller se fournir ailleurs.
Parlons de votre santé
L’Anses a présenté le 24 janvier les principaux résultats de l’actualisation des repères nutritionnels du programme national nutrition santé (PNNS), qui vise à améliorer l’état de santé de la population en agissant sur l’alimentation.
Il est recommandé de manger moins de viande et de « réduire considérablement » la consommation de charcuteries. L’Anses ne préconise pas plus de 70 grammes par jour pour la viande (hors volaille), soit 500 grammes par semaine, et 25 grammes par jour pour la charcuterie.
Elle se fonde sur le rapport du Centre international de recherche sur le cancer, l’agence cancer de l’OMS, fin octobre 2015, qui a classé la viande transformée, essentiellement la charcuterie, dans la catégorie des agents « cancérogènes pour l’homme », tandis que les viandes rouges (qui incluent le porc et le veau) sont considérées comme « probablement cancérogènes ».
Alors que pouvez-vous faire ?
Sans doute revoir votre mode d’alimentation et vous servir de l’arme la plus puissante dont vous disposez : votre fourchette.
Réduire votre consommation de viande a un impact direct sur de nombreux problèmes écologiques. Pour autant, tout le monde n’est pas prêt à passer à un régime zéro protéine animale (végétalien) ou intégrant seulement des œufs et des laitages (végétarien). Le facteur culturel reste très prégnant en France.
Vous mangez trois fois par jour, plus ou moins, et à ce titre vous êtes responsable de ce que vous mettez dans votre assiette. Vous êtes à plus forte raison responsable de ce que vous ne voulez plus y mettre.
Le pari du végétal gagne l’innovation
« Le marché des produits végétariens et des substituts de viande progresse rapidement et il y a un besoin évident d’aider les consommateurs à identifier ces produits », souligne l’Union végétarienne européenne (EVU), qui demande à Bruxelles de réaliser des enquêtes afin de publier des « chiffres fiables » sur cette consommation. L’association est à l’origine du V-Label qui permet d’identifier ces produits dans les rayons à travers l’Europe, et notamment en France.
Faisons un petit tour d’horizon des solutions de substitution à la viande qui s’offrent à vous :
- le soja, l’ingrédient number one pour les alternatives à la viande, parce qu’il s’approche de la texture fibreuse de la viande. À condition d’être bio et consommé dans le cadre d’une alimentation diversifiée, le soja constitue un excellent aliment ;
- le seitan, un produit similaire à la viande à base de protéines de blé (gluten de blé). Il se compose de la protéine collante insoluble du blé et est de ce fait aussi appelé « viande de blé » ;
- le Quorn, conçu à l’origine comme un aliment pour lutter contre un potentiel déficit de protéines dans l’alimentation mondiale, est le nom commercial d’un produit alimentaire biotechnologique, à base du champignon Fusarium venenatum ;
- le valess, obtenu à partir de lait frais. La fabrication est similaire à celle du fromage. La structure semblable à celle de la viande est obtenue par l’ajout de fibres végétales ;
- le lupin est une plante utilisée comme ornement (longues grappes de fleurs colorées) et présente de nombreux avantages, notamment une grande variété d’utilisation. Légumineuse trop peu connue, vous la trouvez sous forme de farine avec laquelle vous pourrez faire des galettes par exemple ;
- le tempeh est un produit au goût et à l’aspect particulier, constitué de graines de soja compressées. Le cuisiner est indispensable.
La cuisine du futur se concocte aussi dans un tube à essai
Les Américains appellent ça la foodtech. C’est la recherche de la source de protéine qui ressemblera le plus en goût, en texture et même à la cuisson à la viande.
La société américaine Beyond meat (littéralement « au-delà de la viande ») produit du « simili-carnés ». Ces « chasseurs de protéines », comme ils se qualifient eux-mêmes, obtiennent une texture très proche de la texture animale. Ils mélangent des protéines de soja et de pois, soumises à plusieurs reprises à une chaleur élevée et à une haute pression. Le résultat est une « viande » qui ressemble à s’y méprendre à la vraie, ses créateurs l’affirment.
Je peux vous citer l’exemple des sociétés Match Meats (St. Louis), Field Roast (Seattle) et Modern Meadows. La viande in vitro y est cultivée dans un laboratoire financé par le cofondateur de Google, Sergey Brin.
C’est un marché prometteur et extrêmement innovant qui promet de brasser des milliards d’ici une décennie selon les plus optimistes des investisseurs issus pour la plupart de la Silicon Valley.
Il faut se pencher un peu sur la composition de tous ces produits pour s’apercevoir qu’ils sont souvent additionnés de graisse de palme pour que la cuisson s’approche le plus possible de celle d’un steak de bœuf. N’est-on pas à l ‘aube de la junk food végétarienne ? Les considérations financières semblent l’emporter sur la santé…
Un autre mode de consommation est possible : le régime bipartite
Si vous faites partie de ceux qui se disent « demain, j’arrête la viande ! » et que vous reportez sans cesse votre décision, ne culpabilisez pas !
Votre tête est végétarienne, mais vos papilles ne peuvent pas envisager un avenir sans viande. Devenez « flexitarien » : végétarien du lundi au vendredi et omnivore le week-end. S’abstenir cinq jours sur sept, c’est baisser sa consommation de viande de 70%.
Souvenez-vous des méfaits de l’industrie de la viande et optez pour une viande en provenance de circuits courts, locaux et durables.
En associant différentes sources de protéines, vous disposez de tous les acides aminés indispensables. Ces protéines n’ont pas besoin d’être mangées toutes dans une même journée, il faut simplement varier les plaisirs.
Comment démarrer ?
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Pour les plus sceptiques d’entre vous, je terminerai par ceci.
Entre 1950 et 2000, la population mondiale est passée de 2,6 à 6 milliards. En parallèle, la production de viande est passée de 45 à 233 milliards de kilos chaque année. Avec une population de 9 milliards en 2050, la production de viande devrait doubler et atteindre jusqu’à 450 milliards de kilos d’ici 2050.
Cela ne sera pas possible !
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