Comme je vous le disais vendredi, l’e-santé est un secteur en pleine croissance dans le domaine du bien-être. Mais dans le domaine médical, cette révolution digitale se heurte encore à des obstacles et à des réticences dont il faut comprendre les fondements. Ne suivons pas son développement du coin de l’œil.
La collecte et l’utilisation de vos données : le nœud du problème
Les données sont au cœur de cette révolution (échanges entre deux appareils, entre patient et médecin, entre deux médecins). Les échanges doivent permettre d’éviter les examens onéreux et les prescriptions inutiles. Mais il ne suffit pas de collecter les données, encore faut-il pouvoir les lire ! Et il n’y a pas toujours d’application unique, ce qui complique la tâche des praticiens.
Un autre souci à gérer est la volumétrie. Que faire de toutes ces données ? En France, c’est l’ASIP (l’Agence des systèmes d’information partagés pour la santé) qui est chargée de faire en sorte que les logiciels de santé et les applications connectées soient compatibles, convenablement stockées et analysées.
Ces données vous appartiennent-telles ?
La réglementation française est stricte : la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) est chargée de faire appliquer la loi qui porte sur la sécurité et la confidentialité des données personnelles. La loi impose aussi l’intégrité des données : l’éditeur doit s’assurer qu’aucune information erronée ne puisse se glisser dans les données collectées au risque de mettre en danger le patient. L’attention de la CNIL se porte sur la prolifération du piratage et les risques de bug des systèmes de collecte.
Tout chercheur souhaitant exploiter les données collectées doit déposer un dossier à la Cnil répondant à des critères précis tels que le droit à l’oubli et la sécurisation des données.
Un Français sur deux considère que la santé connectée est une menace pour le secret médical (Odoxa, janvier 2015).
Rassurez-vous, vous aurez la maîtrise de vos données : le DMP, en admettant que vous y adhériez, restera sous votre contrôle. C’est vous qui déciderez de qui peut y avoir accès [Yann Boutaric vous expliquait comment dans le n°26 de J’Agis ! Recevez dès maintenant votre exemplaire en cliquant ici…].
Si vous utilisez des applications et des objets connectés, sachez qu’une nouvelle réglementation européenne vous permettra en 2018 de récupérer toutes vos données pour les transférer à un concurrent qui vous offrirait davantage de garanties de sécurité.
La généralisation de l’e-santé n’est pas pour demain !
La France accuse un retard en matière d’utilisation des nouvelles technologies médicales car elle ne fait pas l’unanimité chez les médecins. Une raison simple : la télésurveillance modifie en profondeur le travail du praticien.
Le rapport direct de médecin à patient (le colloque singulier) est bouleversé. Et la télésurveillance peut lui apporter une surcharge de travail qui n’est pas rémunérée.
Au-delà de la preuve scientifique de l’efficacité du numérique, l’enjeu est économique. Seuls quelques actes de télémédecine commencent à être remboursés par l’assurance-maladie. La question de comment rémunérer ce travail est légitime.
Le corps médical prend des initiatives
Le concept de médecine digitale partagée prend ici tout son sens : oui à la technologie, mais ça ne suffit pas. L’e-santé doit être en permanence évaluée selon trois axes :
- l’évaluation médicale bien sûr (résultats en termes de mortalité) ;
- l’évaluation sociétale de la décision digitale partagée : il faut connaître l’impact de ce type d’approche dans le quotidien du patient, du praticien, des organisations et des structures ;
- l’évaluation médico-économique : vous aurez beau avoir une grande idée, si elle n’est pas rentable, elle restera au placard.
D’après une étude récente, le coût évitable des complications dues à la mauvaise observance des traitements en France s’élève à 9 milliards d’euros. L’e-santé est présentée comme une solution efficace pour contrôler l’observance médicamenteuse.
Inventer la pratique médicale de demain
Le Dr Eric Couhet, Directeur général de Connected Doctors, parle de la non observance en termes d’oubli du médicament et de couacs dans le changement de traitements. L’enjeu est d’inventer la pratique médicale de demain. Il évoque un « nouveau contrat social à faire avec le patient ». « En France, on est dans le tout curatif gratuit ». C’est une révolution culturelle de part et d’autre, vers un modèle anglo-saxon où la médecine prédictive est bien plus développée (heureusement, vu le niveau élevé de leurs mutuelles).
Selon lui, les patients sont « prêts » parce que souvent utilisateurs de logiciels, d’applications, de forums autour du bien-être ou de la santé, ceci en dehors du suivi d’une éventuelle pathologie et en dehors de leur relation au praticien.
Et vous, êtes-vous prêt à expérimenter la médecine du futur ?