En 2015, on m’avait demandé : « Où vous voyez-vous dans cinq ans ? »
Je ne me souviens pas de ma réponse, mais je peux vous affirmer ceci : quoi que j’aie répondu, j’avais tort.
En 2010, à la sortie de l’iPad, Steve Jobs a expliqué qu’il ne laisserait pas ses enfants l’utiliser de peur qu’ils ne deviennent accros. La vitesse de la bande passante était d’environ 2,5 Mbits/s. Les présentateurs sur CNBC se moquaient de moi lorsque j’affirmais qu’Apple serait la première entreprise cotée à un milliard de dollars. Et cette année-là, je me suis marié.
Tout ce que je viens de vous décrire est devenu obsolète dix ans plus tard.
Peut-être que la meilleure manière de dépeindre ce qui se passera dans dix ans sans trop se tromper est de dire « cela semble incroyable » ou peut-être « cela ne pourrait jamais se produire de nos jours ».
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Mais essayons un peu ! Pour prévoir ce qui se passera dans 10 ans (ou 64 ans), il suffit de prendre en compte les tendances actuelles, d’y ajouter une pincée (ou beaucoup) de tensions, qu’on corsera par un peu de chaos et un soupçon d’inspiration.
Ce qui aboutit à une planète dans un bourbier pas possible sur fond de high tech sympa.
A) La bande passante
Nous incrémentons la « G » pratiquement tous les deux ans et augmentons la bande passante à un taux exponentiel. Lorsque nous aurons la 10G sur nos téléphones, nous rirons en nous remémorant 2020 et la lenteur de l’Internet à l’époque, la mauvaise qualité des appels Zoom et comment on devait « s’abonner » pour avoir de la bande passante, alors qu’aujourd’hui, c’est un droit naturel, une ressource aussi importante que l’oxygène lui-même.
Mes enfants se moqueront de moi lorsque je serai nostalgique des jours où il n’était pas si facile d’entrer dans une réalité virtuelle totale avec des millions de pixels par centimètre. Dans l’avenir, cette réalité semblera aussi réelle, voire plus, que toute autre.
Avec 100Gbps (gigabits par seconde), nous serons capables non seulement de travailler à distance mais de travailler à distance dans le même bureau.
Je serai capable de me « VR-porter » (transporter par réalité virtuelle) à mon boulot, d’entrer dans mon bureau, de voir mes collègues, de me rendre à des réunions, tout cela sans sortir de chez moi. Les capteurs haptiques me feront non seulement ressentir tout ce que je touche dans la suite Microsoft VROffice, mais ils masseront également mes muscles afin qu’ils ne s’atrophient pas au cas où je fais des heures supplémentaires.
Lorsque Robyn et moi déambulerons dans un magasin d’imprimantes 3D d’Amazon, elle remarquera une remise pour des soutiens-gorge dans la devanture et moi je repèrerai un bon de réduction pour de la marijuana. Nous passerons devant un restaurant et elle consultera, à 30 cm de ses yeux, le menu vegan et moi le menu paléo.
Nous passerons à proximité d’un voisin et si ses paramètres de partage sont sur « tout le monde », nous verrons une image flottante du dernier film qu’il a vu ou des photos de ses dernières vacances. Ou une liste de ses opinions politiques – juste au cas où vous voulez avoir (ou éviter) une conversation avec lui.
Tout cela sera le résultat direct de l’augmentation de la bande passante, des capacités de stockage et des interfaces utilisateurs pour la réalité augmentée.
B) La montée des cryptos
Lorsque le COVID sera enfin derrière nous, beaucoup abandonneront les villes devenues trop chères, pour fuir l’insécurité et chercher une meilleure qualité de vie.
Du fait de l’augmentation de la bande passante et de la facilité d’utilisation de Zoom, on n’aura plus besoin de remplir les immeubles de bureaux. On pourra vivre n’importe où et travailler dans un bureau virtuel ou dans Microsoft VROffice.
Avec moins de personnes et d’entreprises, les recettes fiscales s’effondreront en même temps que les déficits grimperont en flèche. Les maires des villes seront obligés de licencier des professeurs, des éboueurs, des agents de police, etc. Le crime augmentera fortement, les rues seront jonchées de détritus et, de ce fait, la fréquentation touristique chutera.
Les villes devront inventer d’autres moyens pour devenir à nouveau attractives. Par exemple, chaque ville créera sa propre crypto-monnaie. Ainsi, la ville de New York lancera le NYCBucks.
Tout le monde à NY touchera un revenu universel de base en NYCBucks (au lieu des dollars). Cette subvention sera calculée en fonction du nombre de jours passés en ville. On ne pourra dépenser ses NYCBucks que dans la ville de New York.
Pour chaque transaction effectuée, l’acheteur et le vendeur « mineront » des micro NYCBucks en fonction de la taille de la transaction. Par exemple, pour 100 NYCBucks que vous minerez, vous pourrez les échanger contre 100 dollars qui seront déduits de vos impôts locaux et nationaux.
Les touristes reviendront alors dans les villes, tout comme les entreprises. Ce qui attirera de fait plus de monde pour y vivre. Et les villes seront alors sauvées.
C) La monnaie américaine s’effondrera, mais pas de la manière dont on le pense
PHASE 1 : Tout le monde s’inquiète de l’hyperinflation
« La Fed n’est pas une machine à imprimer », twittent rageusement les économistes américains.
Malheureusement, la valeur d’une monnaie ne se base pas uniquement sur l’offre, mais aussi sur la demande. La demande en dollars est trop forte. Le monde entier veut sortir de sa monnaie et veut du dollar.
En ce moment même, la Réserve Fédérale a une peur bleue de la DÉFLATION. Elle tuerait père et mère pour un peu d’inflation. C’est pourquoi elle ne cesse d’imprimer de la monnaie, encore et encore.
PHASE 2 : La grande sécession
Les Bleus n’aiment pas les Rouges. Pour eux, ce sont des fascistes. Comme par hasard, les Rouges aussi considèrent les Bleus comme des fascistes.
Bientôt, tous les Etats feront sécession lors d’une énorme Convention de Sécession organisée sur Zoom.
Chaque État signera des accords commerciaux avec les autres États, comme c’est le cas dans l’Union Européenne.
À tour de rôle, un groupe de gouverneurs ou de lieutenant-gouverneurs auront la charge d’un ministère. Les subventions seront décidées par des représentants de chaque État qui se réuniront de temps à autre sur Zoom. Le Congrès sera transformé en musée pour relancer un tourisme déclinant.
PHASE 3 : Les États Bleus mettent en place un contact tracing via les crypto-monnaies
Les crypto-monnaies seront utilisées pour traquer tous ceux qui sont atteints du coronavirus et ceux qui les ont approchés. Plus vous les utiliserez, plus vous minerez des tracing cryptos (cryptos de pistage) que les gouvernements des États Bleus transformeront en dollars bleus.
Mais les dirigeants des États Bleus se renderont alors compte que le contact tracing ne suffit pas, il faudra également du compliance tracing (c’est-à-dire du pistage de conformité règlementaire).
Il faudra s’assurer que tout le monde porte bien son masque. Que tout le monde se lave les mains. Ou que les gens se mettent bien en quarantaine lorsqu’ils sont malades, ou encore s’assurer que les personnes âgées respectent bien la distanciation sociale.
Mais alors, ce serait encore mieux pour la société si la conformité règlementaire prenait également en compte les messages haineux, voire peut-être les pensées haineuses, ou ceux qui ont côtoyé des gens qui pourraient avoir côtoyé des gens qui ne pensent pas correctement. « Il faut vivre avec son temps », se lamenteront les médias.
De plus en plus de gens mineront de la crypto « justice sociale » et les gouvernements des États Bleus devront emprunter de l’argent aux États Rouges pour contrer l’hyperinflation.
Les banquiers des États Rouges se mettront énormément d’argent dans les poches grâce aux commissions.
Mais les banquiers des États Rouges deviendront trop cupides, les échéances trop extrêmes, les États Bleus auront trop besoin d’argent et la monnaie de chaque État commencera à se dévaluer, ce qui provoquera une crise monétaire.
Et puisque les dollars bleus et les dollars rouges seront fortement liés au dollar américain, ce dernier commencera à chuter par rapport à l’euro. Les banques des États rouges feront faillite à cause de toute la dette que les États Bleus leur doivent et la monnaie des États Rouges s’effondrera, ce qui entraînera la faillite des États Bleus.
En fin de compte, le peuple décidera que les crypto dollars qu’il utilisait (par exemple, le NYCBucks mentionné plus haut) sera la monnaie de tous les États.
L’effet domino se fera sentir pour toutes les grandes monnaies fiduciaires à travers le monde et elles seront toutes substituées par un éventail de USBucks appelés dollars terriens. Dollars terriens et USBucks s’échangeront typiquement selon un taux de 1 pour 1.
La domination des cryptos serait totale.
D) Le stockage sera multiplié par 100 en termes de vitesse, de sécurité et de capacité
Du fait de la demande en termes de réalité virtuelle et de blockchain (étant donné que les cryptos seront largement adoptées), les besoins en stockage sur le cloud seront 100 fois plus importants que ce qu’ils sont aujourd’hui.
Les plus grandes entreprises au monde Amazon, Google, Dropbox, Apple fourniront et entretiendront le stockage sur le cloud et la sécurité des données. Chaque jour de 2030 verra plus d’informations ajoutées et de données créées que toute l’humanité n’en a créées de l’an 0 à 2025.
E) Calcul biomoléculaire et cryptographie quantique
Avec le calcul biomoléculaire, il sera possible de casser des codes cryptographiques à clé publique, ce qui signifie que les clés cryptos pourront être décodées. Et donc que les crypto-monnaies pourront être volées.
Même si on n’arrive toujours pas à élaborer l’ordinateur quantique (la loi de Murphy est constamment mise à défaut), la cryptographie quantique sera résolue (c’est un problème plus simple que l’ordinateur quantique) et mise en oeuvre pour s’assurer de la sécurité des cryptos, après que les clés publiques traditionnelles ont été décodées.
F) La génomique 3D
En 2020, la génomique est dans un état de stagnation en 2D. Certes, on a séquencé le génome et des maladies basées sur des mutations d’un seul gène sont régulièrement guéries grâce aux technologies CRISPR. Mais des maladies basées sur des mutations de gènes multiples sont encore impossibles à comprendre.
L’arrivée de la bio-informatique est parfaitement adaptée pour résoudre le problème et détecter les paires de gènes qui mutent pour tous les cancers, les maladies cardiaques, les AVC, la maladie d’Alzheimer.
Puis plus tard… Le QI, l’intelligence émotionnelle, les capacités athlétiques, le charisme. Les gouvernements chinois et texan n’auront aucun problème éthique à utiliser rapidement la génomique 3D pour créer un pays de bébés super intelligents. Personne ne sait quel en sera le résultat final.
G) La crypto IoT et l’acommerce (auto e-commerce)
Tout ce qui pourra être muni d’une puce le sera.
Votre réfrigérateur intelligent analysera lorsque la réserve de lait commencera à baisser, opérera une transaction blockchain avec la caisse à l’épicerie, un drone déposera le lait dans le portail de réception situé à l’arrière de la maison qui débouche directement dans le frigo. Plus le réfrigérateur opérera de transactions, plus il y aura de USBucks minés.
Si vous faites du jogging tous les jours, vos baskets signaleront lorsqu’elles ne seront plus en bon état et une nouvelle paire sera commandée.
Si votre taux de cortisol grimpe trop fort, votre médecin essaiera de vous contacter. Si vous vous énervez à la lecture des informations, le gouvernement surveillera vos agissements et peut-être que de la musique douce commencera à se faire entendre.
Le Big Data, l’IA et le tracking des neurotransmetteurs permettront que se produisent des situations à la Minority Report, où les crimes peuvent être prédits avant qu’ils ne soient commis.
Toutes les données seront pistées et il existe encore des poches de la société où le traçage de justice sociale maintiendra la population en bon ordre.
H) La gamification de l’éveil
Selon votre ADN et d’autres facteurs, le nombre idéal de pas, d’heures de sommeil, d’heures de lecture, de vitamine D, de calories dépensées, la quantité d’eau bue, etc. sera comptabilisé chaque jour. Cela ira bien au-delà des appareils Fitbit.
Il sera entendu par tous que la concurrence donne les meilleurs résultats. Ces derniers seront donc publics et classés selon diverses mesures sanitaires afin que tout le monde puisse voir qui est en meilleur santé que lui. Des applications de rencontre seront créées pour que ceux qui ont le même niveau de santé se rencontrent. Des USBucks seront minés par ceux qui seront en excellente santé à la fin de chaque mois.
Bientôt, d’autres facteurs de bien-être mental seront mesurés et mis en compétition comme ci-dessus – y compris la quantité correcte de prise quotidienne de dopamine, de sérotonine, d’ocytocine (peut-être la mesure de l’activité sexuelle ?), et on montrera par des techniques de méditation la vitesse à laquelle chaque pic de cortisol laisse la place aux endorphines.
Tout cela sera classé chaque mois. Les gagnants remporteront le rang de « Bouddha » et encore plus de USBucks seront minés.
Ceux qui auront les niveaux les plus élevés de cortisol seront taxés, ce qui incitera les gens à réduire leur stress.
Le meilleur arrivera – comme le pire. La bande passante et le stockage deviendront à 100% des services de base.
Le monde s’adaptera aux cryptos du fait de l’effondrement financier provoqué par un effondrement de la dette et de la politique.
Les frontières seront chamboulées et les pays en seront bouleversés. Le fascisme et le laissez-faire s’entremêleront en fonction de l’État dans lequel on se trouvera. La génomique 3D, la réalité virtuelle, l’acommerce et les crypto-monnaies feront partie de la vie quotidienne. On n’imaginera plus vivre sans.
Certains choisiront de vivre en permanence dans la réalité virtuelle et des machines empêcheront leurs muscles de s’atrophier. Leur « empreinte géographique » diminuera, ce qui permettra à plus de monde d’habiter sur la planète. Des millions de mondes artificiels seront créés pour traiter les trop nombreuses empreintes géographiques de la société.
Cela sera-t-il un monde meilleur ? Je ne sais pas. Le temps nous le dira.