Un confrère m’a raconté que certains de ses clients — ayant vu le CAC 40 évoluer entre +3% et -1,7% en intraday après les annonces de Mario Draghi du 10 mars dernier — commençaient à s’inquiéter de l’orientation que pourraient prendre les marchés des actions.
Le métier de conseiller en gestion de patrimoine indépendant (CGPI) consistant avant tout à protéger les patrimoines des investisseurs particuliers, mon confrère souhaite proposer à ses clients une solution d’investissement dans l’or physique. Il m’a demandé mon avis sur l’offre d’un bancassureur réputé.
La solution en question étant disponible uniquement auprès des CGPI et les supports commerciaux inaccessibles en ligne pour le grand public, je tairai le nom de la société.
Cette offre que j’ignorais m’a néanmoins rappelé « l’achat d’Or physique en ligne « , de Cortal Consors (banque en ligne et marque de BNP Paribas) qui avait décroché le prix de l’Innovation du Forum de l’Investissement en 2009.
Pour ce qui est du bancassureur qui nous intéresse, la possibilité d’accéder à de l’or physique sur un compte-titres date d’avril 2012.
Les grandes lignes de l’offre
- Transmission des ordres d’achat et de vente par courrier ou par fax.
- Transcription de l’opération sur le compte-titres détenu auprès du bancassureur.
- Livraison physique de pièces et/ou lingots (identifiés via un numéro de série) acquis dans des coffres non alloués de CPoR Devises.
- Pas de possibilité de demande de livraison physique de son métal.
- 24 supports sont proposés, de la pièce au lingot de 1 kg.
- Valorisation consultable en ligne.
- Frais d’achat/vente : 3% avec un minimum de 100 euros.
- Droit de garde : 0,25% TTC par trimestre avec un minimum de 30 euros.
Mon avis point par point sur cette offre
- Si vous souscrivez à cette offre « or physique », le site Web de la société ne vous sera utile que pour consulter le suivi de la valorisation de vos actifs. Pour passer vos ordres, vous devrez remplir un bulletin de souscription qu’il vous faudra transmettre au bancassureur par
pigeon voyageurcourrier postal, dans l’hypothèse où vous ne disposeriez pas d’un bon vieuxminitelfax. - Ensuite, l’achat sur un compte-titres. A la différence du titulaire d’un contrat d’assurance-vie, la personne qui possède un compte-titres est propriétaire de ses titres ; la banque en est simplement dépositaire. Certes, mais pourquoi diable intégrer un risque de contrepartie dans l’équation alors que l’achat d’or physique vise en principe à se protéger contre la matérialisation de risques extrêmes ? Par exemple, quid de la possibilité pour le client d’un compte-titres de passer des ordres et de les voir exécuter si le bancassureur connaît un jour de graves difficultés ?
- La plaquette commerciale ne fait pas apparaître où se situent les coffres sécurisés de CPoR Devises. En ce qui me concerne, il est hors de question que je mandate une société pour garder mon métal sans que je choisisse le pays de stockage. J’ai appelé CPoR Devises : on m’a indiqué que tous leurs coffres se situent en France. Comme pays respectueux des libertés en général, et de la propriété privée en particulier, on peut mieux faire.
- Certaines sociétés reconnues découragent les demandes de livraison du métal en appliquant des tarifs élevés. Mais avec notre bancassureur, c’est bien d’une stricte « impossibilité » de prendre livraison physique de son métal dont il est question.
- Sur les 24 supports proposés, on ne compte que deux types de pièces faisant l’objet d’une forte demande internationale : l’American Eagle et le Krugerrand. Passez votre chemin si vous souhaitiez acquérir des Nugget, des Philarmoniker ou des Maple Leaf pourtant très répandues.
- La valorisation en ligne est une prestation normale.
- Les frais d’achat et de vente sont élevés par rapport à des prestataires en ligne ayant pignon sur rue.
- Au niveau des droits de garde, le stockage de produits non alloués est une formule censée diminuer les coûts pour le client. Or, « 0,25% TTC par trimestre avec un minimum de 30 euros », c’est loin d’être ce qu’il y a de moins cher pour ce niveau de prestation.
Si l’on veut acheter de l’or parce que l’on pense que quelque chose de grave risque de se produire, alors on achète du physique et on paye pour bénéficier d’un niveau de sécurité élevé, voire maximum. Je ne vois aucune raison de faire dans la demi-mesure, donc aucune raison de souscrire à cette offre dont j’ai bien du mal à cerner les avantages.
Comment choisir une solution d’achat d’or physique avec un niveau de sécurité maximum ?
Depuis 2008, les solutions d’achat de métaux précieux sont de plus en plus nombreuses, mais les critères pour bénéficier d’un niveau de sécurité maximum restent les mêmes :
- durée d’existence et réputation du vendeur ;
- achat de ses produits (pièces et lingots) auprès d’un fournisseur s’approvisionnant au plus près de la source de production (ateliers de frappe nationaux) ;
- possibilité de solution de stockage incluse dans l’offre, avec plusieurs impératifs :
- le stockage doit être externe au négociant et en dehors du système bancaire, sur un compte dit « ségrégué » avec des biens dits « alloués » (réduction du risque de contrepartie au minimum et identification claire de la propriété des pièces et des lingots) et dans un pays ayant historiquement garanti le respect de la propriété privée,
- il doit être opéré par une société leader dans le domaine du gardiennage et avec la publication régulière d’audits du contenu des coffres par une société indépendante reconnue ;
- possibilité de prendre livraison de sa propriété ;
- facilité d’achat et de revente ;
- langue de travail des interlocuteurs ;
- last but not least, les frais d’achat, de vente et de stockage, la sécurité ayant un prix.
Qu’en conclure pour vos investissements ?
L’or physique via un bancassureur n’était pas vraiment « novatrice » en 2009, et encore moins en 2012, puisque la création du pionnier GoldMoney date de 2001.
L’innovation est depuis lors incarnée par des sociétés de négoce en métaux précieux de plus en plus nombreuses et proposant des services de plus en plus développés.
Simone Wapler et Yannick Colleu évoquent régulièrement les meilleures d’entre elles dans la lettre Crise Or & Opportunités avec de nombreux conseils administratifs et fiscaux. En ce qui me concerne, j’ai traité de ce sujet en détails dans le sixième chapitre de mon livre. Si vous habitez la Normandie ou à proximité, signalons un cabinet de CGPI reconnu et à même de vous proposer des solutions pertinentes d’investissement dans l’or physique : Bertrand Millet à bm@delahaye-associes.fr.
Enfin, je souhaite longue vie à ce bancassureur ; Cortal Consors, banque en ligne de BNP Paribas, a annoncé cesser son activité au 1er mai 2016.
1 commentaire
Merci de votre article sur la bancassurance et l’or
Que pensez vous de Bitgold?
Merci