Cher Lecteur,
Dans un programme en 10 points digne d’un plan quinquennal, Emmanuel Macron nous a promis il y a quelques semaines une nouvelle révolution industrielle avec à la clé la création de centaines de milliers d’emplois dans les secteurs du futur : robotique, objets connectés, techno-médecine, réalité augmentée, textiles innovants…
Comment le gouvernement compte-t-il atteindre un tel objectif ?
Pour le moment, la principale mesure annoncée est la mise en place d’un sur-amortissement de 40% sur les achats de biens d’équipement… plus récemment dans le cadre de la réforme du marché du travail, un plafonnement des indemnités de licenciement a été annoncé.
Bien que l’idée soit louable, nous sommes loin de la révolution réglementaire et fiscale qui serait nécessaire à une véritable libération de l’économie.
L’occasion pour nous de vous proposer un article du Mises Institute démontrant la relation entre dynamisme économique et poids des réglementations. En espérant que le ministre de l’Economie nous lira…
Meilleures salutations,
Isabelle Mouilleseaux
Libre d’Agir
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Réglementation étatique et stagnation économique
Peter St.Onge, traduit par Sébastien Maurice pour Libre d’Agir
L’un des débats les plus intéressants des dernières décennies concerne l’explication du ralentissement économique.
Depuis 2000, la croissance du PIB par habitant aux Etats-Unis a été de 0,9% par an en moyenne, contre 2,3% au cours des cinquante années précédentes.
C’est une grosse différence. Au rythme de 2,3% par an, nous doublons notre niveau de richesse à chaque génération. Avec 0,9%, il nous faut presque un siècle pour arriver au même résultat. Comment expliquer ce ralentissement ?
Croissance annuelle du PIB par habitant
Même Ben Bernanke s’est pris au jeu sur son nouveau blog, pendant que Tyler Cowen écrivait un court essai sur ce sujet, intitulé La Grande Stagnation.
La plupart des économistes, de gauche comme de droite, s’accordent sur la nécessité d’investir pour augmenter la productivité de l’économie.
Donc naturellement, les économistes se concentrent sur le taux d’investissement. Or ce taux s’est réduit à travers la plupart des économies industrialisées.
Peurs injustifiées de la thésaurisation et de la déflation
Pour les Keynésiens, tout problème économique provient d’une insuffisance de demande — c’est leur seul outil d’analyse pour tout expliquer. Donc, avec quelques différences mineures, la position de Bernanke, Summers et l’omniprésent Krugman est qu’il y a trop d’épargne qui dort au lieu d’être investie. Cette épargne freine les gains de productivité.
L’épargne pour les Keynésiens et les Autrichiens désigne de la monnaie non dépensée en biens de consommation. Mais les Keynésiens oublient que vous pouvez faire deux choses très différentes avec votre épargne : la thésauriser, ou l’investir. Thésauriser signifie la cacher sous le matelas, ce qui terrifie les Keynésiens. Investir signifie que vous dépensez cet argent dans des biens ou services productifs.
Quand les Keynésiens se plaignent de l’épargne dormante, ils veulent dire qu’il y a trop de thésaurisation. Mais c’est une méconnaissance totale de la façon dont la thésaurisation influence l’investissement. Ne pas dépenser un dollar est équivalent à retirer temporairement ce dollar de la circulation. Vous auriez aussi bien pu l’avoir enterré. Cela signifie que l’ensemble des dollars toujours en circulation voient leur pouvoir d’achat augmenter.
Pour illustrer cela, disons que vous avez 100 milliards de dollars en circulation dans l’économie et que vous décidez de brûler 25 milliards. Que va-t-il arriver ? Les 75 milliards restant vont faire le « travail » des 100 milliards de départ. Ce qui signifie que chaque dollar augmente en valeur de 33%. Maintenant, si au lieu de brûler cet argent vous l’aviez thésaurisé, l’effet est le même : les dollars toujours en circulation auraient augmenté en pouvoir d’achat. Il s’agit d’une déflation. Vous aurez toujours les mêmes dépenses, mais elles se réaliseront avec moins de billets.
Donc la thésaurisation ne fait simplement que transférer du pouvoir d’achat aux dollars restant en circulation. Ce qui signifie que l’épouvantail keynésien de l’excès d’épargne n’a, en fait, aucune influence sur l’investissement. La thésaurisation se neutralise elle-même par l’ajustement du pouvoir d’achat de la monnaie qu’elle provoque.
Le rôle de la réglementation
Alors qu’est-ce qui provoque le ralentissement économique ? Cowen, qui est l’un des rares économistes formés aux théories économiques de l’école autrichienne, se rapproche selon moi de la véritable cause quand il regarde le problème du côté de l’offre. Malgré tout, je pense qu’il passe à côté d’une évidence. Cowen affirme que nous avons déjà récolté les fruits les plus faciles à cueillir — espaces inexplorés, éducation des enfants — et maintenant nous devons simplement accepter de nous habituer à la nouvelle norme.
Le problème avec cette théorie est le timing. La conquête de nouveaux espaces s’est terminée il y a plus d’un siècle, bien avant le grand saut de la croissance économique américaine (« l’âge d’or »). Le taux d’alphabétisation a également plafonné bien trop tôt, environ un siècle avant le début du ralentissement. Je suspecte qu’une analyse statistique montrerait que, par pure coïncidence, l’exact opposé s’est produit : la croissance économique a explosé une fois que l’exploration de nouveaux espaces est arrivée à sa fin et que l’alphabétisation s’est stabilisée.
Alors, quelle est la cause du ralentissement ? Eh bien, nous devons trouver quelque chose qui s’est produit durant la bonne période. De mon point de vue, le problème est assez évident : la réglementation rampante. Il est difficile de quantifier cet effet : comment mesurer l’impact d’une réglementation interdisant, par exemple, la vente de nourriture dans la rue ou l’exercice du métier de coiffeur sans disposer d’un diplôme ? Il nous faut donc trouver un indicateur permettant une approximation.
Voici un graphique montrant l’évolution du nombre de pages de réglementations par année dans le registre fédéral. C’est un indicateur du nombre de réglementations supplémentaires, qui nous permet d’en estimer le fardeau. Vous pouvez constater une très forte augmentation à partir des années 1970, brièvement interrompue par le processus de déréglementation enclenché sous Carter, puis une ascension à partir de la fin des années 1980.
Nombre de pages du registre fédéral
Une comparaison entre les chiffres de la productivité et le nombre de pages de réglementations révèle un bon niveau de corrélation entre ces deux variables : avant 1971, la croissance du PIB s’élevait à 2,4% par an en moyenne. Depuis 1971, la croissance est retombée à 1,8%.
Cependant, les récessions que nous avons connues depuis 2001 ne s’expliquent pas simplement par le nombre de pages de réglementations — il n’y a pas eu de bond important des réglementations dans le registre fédéral en 2000.
Le timing n’est donc pas parfait, mais nous devrions également effectuer d’autres comparaisons. En particulier, regardons si d’autres pays ont connu eux aussi un ralentissement, ou seulement certains pays, car cela affectera notre analyse des causes du ralentissement.
Les éléments proposés dans la théorie de l’excès d’épargne défendue par le trio Summers-Bernanke-Krguman, aussi bien que dans l’explication de Cowen, devraient affecter de façon comparable l’ensemble des pays développés. Alors qu’avec l’explication basée sur le poids des réglementations, nous devrions constater des conséquences différentes sur l’économie qui varie en fonction des politiques réglementaires plus ou moins dures menées par chaque pays.
Les chiffres tendent à prouver la théorie basée sur le poids des réglementations puisque certains pays riches continuent de se développer. Le grand ralentissement n’affecte pas tous les Etats. Voici un graphique de la performance durant la « grande stagnation » des cinq pays en tête du classement des libertés économiques en 2015 réalisé par l’Heritage Foundation.
Trois pays ont dépassé les Etats-Unis durant cette période : Singapour, l’Australie et la Suisse. Singapour n’a dépassé les Etats-Unis en termes de revenu par habitant qu’en 2011, l’Australie en 2010, et même la Suisse était au même niveau en 2000 — à présent ils sont presque 50% plus riches.
Alors qu’est-ce qui distingue ces pays ? Apparemment, des pays tels que l’Australie, Singapour et la Suisse n’ont presque rien en commun — langue, superficie, ressources, structure de l’économie, institutions politiques. Ce qu’ils ont en commun, en revanche, c’est un gouvernement réduit, un faible poids des réglementations et un Etat de droit. En fait, deux d’entre eux, la Suisse et Singapour, sont régulièrement tancés par les Etats-Unis en tant que paradis fiscal.
Si c’est effectivement cette attitude ouverte aux affaires qui a permis à ces pays d’échapper à la soi-disant grande stagnation, il s’agit d’une raison de plus de douter des conseils du trio Summers-Bernanke-Krugman.
Plutôt que de renforcer l’intervention du gouvernement dans le domaine du crédit, ou de sombrer dans le pessimisme de Cowen, la solution est claire : mettre autant d’efforts dans la réduction du poids des réglementations et des taxes que nous en avons mis jusqu’à présent pour les alourdir.